LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE AU SERVICE DES START-UPS ET PMES UN GUIDE PRATIQUE 2 PRÉFACE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE : UN ATOUT POUR LES START-UPS Le temps des entreprises a changé. Les modifcations de périmètre sont maintenant permanentes : cession d’activité, innovation, diversifcation, recentrage sur certains métiers, internationalisation, fusion au sein de nouveaux groupes issus de cultures multiples, chacun doit être capable de consolider ou de créer son socle d’identité. L’importance des stratégies et des outils de propriété intellectuelle (PI) dans l’économie innovante n’est pas suffsamment prise en considération. Pourtant, la stratégie de propriété intellectuelle est un véritable accélérateur de croissance. Les start-ups devraient intégrer très rapidement une stratégie de propriété intellectuelle afn de garantir la liberté d’exploitation de leurs innovations. Il est important d’anticiper ce coût, a fortiori lorsqu’une jeune pousse envisage une expansion sur des marchés étrangers. Or, très souvent, le coût de l’investissement freine ces entreprises. Pourtant, le coût de la propriété intellectuelle peut être rentable lors de la levée de fonds. C’est même une valeur ajoutée qui éveille la confance des investisseurs : la brevetabilité d’une innovation montre que des recherches sérieuses ont été menées. Qui plus est, le brevet se retrouve dans le bilan actif de l’entreprise. Dans certains cas, les brevets sont également susceptibles de générer des revenus pour une start-up, sous la forme de licences d’utilisation ou de cessions. Dans d’autres situations, prendre une licence sur un brevet peut permettre d’innover plus rapidement et d’éviter par la suite des procédures judiciaires longues et coûteuses en cas de contestation. Il est cependant impossible pour la plupart des start-ups d’adopter les mêmes stratégies de protection que des sociétés mieux fnancées ; elles doivent souvent recourir à des méthodes de protection alternatives pour réduire ou au moins retarder les coûts, sans compromis sur la qualité de la protection. Par ailleurs, le signe distinctif d’une entreprise (une marque, un nom commercial, un produit, etc.) constitue sa signature. C’est ce qui l’identife, distingue ses produits des produits concurrents, garantit une image, une qualité, une expérience... pour rallier une clientèle. Dans un environnement de plus en plus concurrentiel, il est en outre important de protéger systématiquement ses innovations en déposant des brevets. De même, l’entrepreneur doit savoir qu’il dispose du droit d’auteur pour notamment protéger ses supports de communication, ses logiciels, ses bases de données, ou ses modèles. Encore faut-il savoir utiliser les protections qu’offre le droit. 3 Confronté à l’ouverture du marché, à la complexité des dispositions législatives nationales et communautaires, le dirigeant ou le commerçant est décideur de la stratégie à adopter en matière de propriété intellectuelle. Et, dans ce cadre, il doit répondre à des questions parfois délicates, qu’elles concernent sa création ellemême ou l’acquisition de droits. Quel dépôt pour quelle protection ? Quelles procédures de surveillance mettre en place vis-à-vis des concurrents ? Comment réagir face à des contrefaçons ? Ce LIVRE BLANC adopte une présentation juridique, commerciale et économique claire, accompagnée d’exemples concrets, ainsi que de nombreux conseils, pour apporter au dirigeant d’entreprise ou au commerçant différentes solutions pour protéger, exploiter et défendre sa propriété intellectuelle. Il va vous permettre de planifer une stratégie de PI car s’il n’y a pas de plan, ni d’architecte, il n’y a pas d’édifce. C’est le mérite de ce livre de le rappeler et d’aider les dirigeants d’entreprises à comprendre les points clés de la PI. La première de ces clés, ce sont les bases théoriques. L’explication fournie sur l’importance de comprendre ce qu’est une marque, un brevet, un design, un droit d’auteur et pourquoi il est important de les protéger sans omettre les rappels indispensables, et déjà plus opérationnels, sur la planifcation systémique et fonctionnelle. La deuxième clé est bien sûr opérationnelle. La stratégie n’est pas forcément synonyme de lourdeur. Elle implique en revanche une méthodologie basée sur une veille permanente de l’environnement et de la concurrence, l’analyse des atouts et des faiblesses de l’entreprise sur laquelle viendra se greffer le tripode objectifs/cibles/ messages, ensuite décliné en plan d’action. Ouvrage de professionnels pour des professionnels, ce livre est un vrai guide qui doit servir des objectifs clairs en tenant compte de la multiplicité des cibles et de leur interconnexion, le tout sur une toile de fond marquée par la mondialisation des acteurs et des problématiques, ainsi que par l’accélération et la démultiplication des fux d’information par le net. La planifcation de la PI pour une start-up nécessite une bonne capacité d’analyse, évidemment, de créativité, parfois, de la rigueur, toujours. Et c’est bien cette rigueur en effet qui permet d’améliorer l’adéquation avec les objectifs stratégiques de l’entreprise, d’assurer la cohérence des actions et d’accroître la légitimité des processus. Développer une politique de PI, c’est connaître son terrain, savoir anticiper et savoir réagir. Sylvie LÉGER Adjointe à la Direction de GENILEM 4 Ce LIVRE BLANC sur la propriété intellectuelle est le travail de professionnels qui accompagnent au quotidien des start-ups et PMEs suisses romandes dans leur développement d’entreprise. Un ouvrage d’experts désireux de partager avec vous leurs expériences et leurs connaissances de ce domaine riche en opportunités. INITIATIVE & RÉALISATION Anca Draganescu-Pinawin IP Counsel, Novagraaf Switzerland SA MERCI À EUX POUR LEUR CONTRIBUTION ! Adrien Alberini Avocat, Associé chez sigma legal avocats, Docteur en droit, LL.M. (Stanford) Juliette Ancelle Avocate, Associée chez id est avocats, LL.M. Michel Bertschy Avocat, Expert de l’OMPI en matière de noms de domaine Jérémie Burgdorfer Co-Owner & Managing Director, Buxum communication Sàrl François Grange Patent Engineer, Novagraaf International SA Chantal Koller Managing Director, IP Counsel, Novagraaf Switzerland SA Chloé Lavie Directrice de REMI(DEV), l’agence de développement du commerce en réseau Laurent Muhlstein Avocat, Junod, Muhlstein, Lévy & Puder avocats Stéphane Roux European Patent Attorney, Novagraaf International SA Philippe Vigand Managing Director, European Patent Attorney, Novagraaf International SA Et un remerciement tout particulier à Sylvie Léger, Adjointe à la Direction de GENILEM, pour son excellente entrée en matière. CONTRIBUTIONS 5 6 10 32 54 67 85 Introduction Protégez votre identité Une marque c’est avant tout un prénom Mais cette belle marque ne vous appartient pas tant que... Et les tiers dans tout ça ? Oui, mais si je ne suis pas Michael Jordan ? Présence en ligne : à quoi faut-il penser Présence en ligne : choisir son nom et occuper le terrain Site internet et e-commerce Quid des médias sociaux ? La protection des données Protégez le produit de vos idées Le brevet : une valeur à considérer sérieusement dès le «business plan» Jeu stratégique entre secret et brevet Quelle protection pour les logiciels ? Capitalisez sur votre propriété intellectuelle Propriété intellectuelle et investisseurs Comment capitaliser sur ses actifs immatériels ? La valorisation par les relations commerciales : les contrats dans le secteur high-tech PME, commerçants : dupliquez votre succès grâce à un développement en franchise ! Conclusion SOMMAIRE 6 1 The Brand Finance Global Intangible Finance Tracker (GIFT™), Juin 2017, Figure 4, Page 33 Quand on voit la part qu’occupent les biens immatériels (brevets, designs, marques, etc.) dans la valeur globale des entreprises d’aujourd’hui, excédant d’ailleurs dans de nombreux secteurs1 la part des biens matériels de l’entreprise, il est étonnant de constater que la protection des intangibles est encore trop souvent négligée au moment de la création d’une nouvelle entreprise. Afn que vos biens immatériels puissent un jour devenir source de valeur pour votre entreprise, il est impératif de protéger votre propriété intellectuelle en temps opportun. En matière de propriété intellectuelle, «plus tard» peut en effet vite devenir synonyme de «trop tard», si l’on n’a pas les bons réfexes. Les thématiques liées à la propriété intellectuelle sont trop souvent repoussées à plus tard, que ce soit dû à leur complexité, mais aussi tout simplement de par le budget qu’elles peuvent représenter dans certaines circonstances. Ceci dit, protéger les biens immatériels de l’entreprise n’est pas un luxe, mais bien une priorité pour tout entrepreneur qui se doit de planifer – dès le départ – le succès à venir de son projet. En effet, la propriété intellectuelle de votre entreprise va jouer un rôle majeur dans le succès de cette dernière. Que ce soit, par exemple, pour conquérir une place dominante sur un marché donné, pour rechercher des investisseurs potentiels, pour augmenter la valeur de l’entreprise au moment de sa revente, ou encore pour tirer des revenus de schémas collaboratifs ancrés dans l’immatériel, il faut tout d’abord vous assurer que vous avez fait les choses correctement et à temps. Ce LIVRE BLANC a donc pour objectif non seulement de sensibiliser les entrepreneurs à l’importance de la propriété intellectuelle lors de la phase de création d’entreprise, mais également de les familiariser avec les problématiques et thématiques qui entourent leurs biens immatériels. En bref, si les bonnes décisions en matière de propriété intellectuelle dépendent souvent d’un budget et s’emboîtent généralement dans un plexus complexe d’autres considérations opérationnelles stratégiques, le fait de se poser les bonnes questions au bon moment vous permettra de faire des choix. Et bien plus qu’une pléthore de dépôts inconsidérés, ce sont ces choix et leur «timing» qui vous mettront sur la route d’une protection et d’une capitalisation optimale de la propriété intellectuelle de votre entreprise. Mais avant d’aller plus loin, il convient de défnir les droits de propriété intellectuelle, qui seront discutés dans ce livre. INTRODUCTION 7 «Une fois enregistrée, la marque conférera à son titulaire un monopole ad infnitum » LA MARQUE La marque est un signe distinctif. Sa fonction est de distinguer les produits et services d’une entreprise de ceux d’une autre. C’est la raison pour laquelle une marque ne peut être ni générique, ni descriptive. Les types de marques les plus répandues sont: la marque verbale, la marque fgurative (ou logo) et la marque semifgurative (ou combinée). Mais il existe également des marques sonores, des marques de couleur et des marques de mouvement, entre autres. Pour que le consommateur puisse parler de vous et ainsi promouvoir vos produits et services, il est nécessaire qu’il puisse vous nommer. D’où l’importance – pour l’entreprise – de sa marque verbale, dont la force réside justement dans son oralité, et le rôle crucial qu’elle est appelée à jouer dans la croissance de votre entreprise. Si elle ne protège pas directement votre produit (ou sa mécanique), elle permettra toutefois au consommateur de le distinguer de celui de votre concurrent et, le cas échéant, de le préférer et de le faire savoir. En ceci, la marque est un outil différent du brevet, mais néanmoins connexe. Une fois enregistrée, la marque conférera à son titulaire un monopole ad infnitum, moyennant un renouvellement d’enregistrement tous les dix ans. Par contre, ce monopole sera limité à une liste précise de produits et services. INTRODUCTION La marque 8 LE DESIGN Le design a pour particularité de protéger l’apparence d’un produit (son aspect esthétique). Il ne pourra par contre pas protéger la fonctionnalité du produit, ce rôle étant dévolu au brevet. Sur certains marchés saturés, c’est le design de votre produit qui fera la différence et attirera le consommateur plus sûrement. Le design se décline en dessins (2D) ou modèles (3D). Il pourra ainsi protéger différents éléments : la forme d’une bouteille ou d’un bijou, l’emballage d’une boîte de chocolats ou une étiquette de vin, la texture d’un bracelet de montre, un logo, ou encore l’agencement d’un magasin. Attention toutefois. Pour pouvoir être enregistré, un design devra non seulement être original, mais il devra également être nouveau. Ceci a pour conséquence qu’il faut impérativement éviter de divulguer votre design aussi longtemps que vous ne l’aurez pas enregistré. Le design constitue un excellent outil complémentaire à la marque. En effet, si sa protection est limitée dans le temps (25 ans maximum), il vous donnera une longueur d’avance sur la concurrence et, surtout, vous conférera une protection s’étendant à tous les produits et services, contrairement à la marque. LE BREVET Le brevet est un droit de monopole conféré à un inventeur qui a contribué à une avancée technologique dans un certain domaine ou répondu de manière nouvelle, utile et non-évidente, à un problème technique universel. Il confère ainsi à son titulaire un avantage concurrentiel non négligeable. Un produit, mais aussi un procédé de fabrication, pourront être protégés par brevet. S’il n’est certes pas possible de protéger une idée, le brevet est l’outil qui permettra d’en protéger la concrétisation. Pour ce faire, il faut toutefois que l’inventeur respecte les conditions nécessaires à l’enregistrement d’un brevet, à savoir que l’invention soit nouvelle et qu’elle ne découle pas de manière évidente, pour un homme de métier, de l’état de la technique. La condition impérative de non-divulgation qui caractérise le design s’applique donc également au brevet. Une fois enregistré, le brevet conférera l’exclusivité à son titulaire, ce qui lui donne le droit d’interdire à tout tiers d’exploiter l’invention sous quelque forme que ce soit. Le brevet, tout comme le design, est limité dans le temps (20 ans maximum), sécurisant ainsi une longueur d’avance sur la concurrence. INTRODUCTION Le design & le brevet 9 LE DROIT D’AUTEUR Le droit d’auteur a pour particularité de protéger ce que l’on appelle une œuvre. Par œuvre, on entend toute création de l’esprit qui revêt un caractère individuel. Alors qu’il n’y pas de liste exhaustive de ce qui pourra renfermer le caractère d’œuvre, il faut toutefois que celle-ci ait été créée par une personne humaine (et non un animal ou un ordinateur) et qu’elle atteigne un certain degré d’originalité (individualité) par rapport à ce qui a été créé jusque-là. Tout comme pour le brevet, en droit d’auteur, ce n’est pas l’idée qui est protégée mais bien sa matérialisation. Pourront donc être proté- gés par droit d’auteur aussi bien un tableau ou une sculpture, un morceau de musique ou un poème, une affche de cinéma ou une photographie. S’ils revêtent un caractère individuel, un site internet, un logo, un tatouage, ou encore du matériel promotionnel pourront également être protégés par droit d’auteur. Il est important de noter que les logiciels sont protégés par droit d’auteur et non par brevet. En outre, le nom d’un produit ne bénéfciera pas d’un droit d’auteur, aussi original qu’il soit. Il pourra toutefois être enregistré en tant que marque, d’où l’intérêt de cumuler ses droits de propriété intellectuelle de manière judicieuse. Le droit d’auteur diffère des marques, designs et brevets en ce qu’il prend automatiquement naissance à la création de l’œuvre. Fortement attaché à la personne de son auteur, le droit d’auteur ne prend fn que 70 ans après le décès de ce dernier (50 ans pour les logiciels). De par le monopole de fait qu’ils confèrent à leur titulaire, les noms de domaine et le secret d’affaire se situent automatiquement dans la périphérie des droits défnis juste avant. LES NOMS DE DOMAINE Les noms de domaine ne génèrent en principe pas de droits d’exclusivité, comme le ferait une marque. Ceci dit, ils confèrent à leur acquéreur un monopole spatial dès leur acquisition, suivant le principe du «premier arrivé, premier servi». Leur disponibilité est la seule condition à leur acquisition. LE SECRET D’AFFAIRE Le secret d’affaire confère, quant à lui, un monopole, tant qu’il est bien gardé. Attention, sa protection au moyen d’instruments contractuels, tels que les accords de confdentialité, rencontre rapidement ses limites. En effet, une fois le secret divulgué, les dommages et intérêts à faire valoir contre le responsable ne seront jamais à la hauteur de la perte engendrée. INTRODUCTION Le droit d’auteur 10 Tout comme pour une personne physique, le nom d’une entreprise et de son produit ou service est le point d’ancrage de tout son business. Sans nom, comment le consommateur reconnaîtra-t-il votre produit ? Comment fera-t-il référence à vos services ou en fera-t-il la promotion auprès de ses pairs ? Sans nom, on ne peut tout simplement pas parler de vous. En termes juridiques, votre nom sera votre marque. Et une marque, ça se pense bien dès le début. On n’a pas le droit à l’erreur. Les quatre articles qui suivent sous ce chapitre vont mettre en lumière les impératifs liés à la création d’un marque solide, effcace et pérenne pour votre entreprise. PROTÉGEZ VOTRE IDENTITÉ 11 VOUS ÊTES-VOUS DÉJÀ DEMANDÉ COMMENT APPELER VOTRE ENFANT ? Si vous êtes parents, vous l’avez déjà vécu. Si vous ne l’êtes pas, nous faisons confance à vos capacités d’imagination. Lorsqu’est venu le temps d’accueillir une nouvelle personne qui part de zéro et qui a tout à construire, il faudra lui choisir un prénom. Déjà là, vous sentez arriver la liste de questions. Est-ce une flle ou un garçon ? Son prénom la défnira-t-elle clairement ou sera-t-il mixte ? Le prénom que vous envisagez, à quoi vous fait-il penser ? Connaissez-vous d’autres personnes portant le même prénom ? Si oui, qu’est-ce que cela vous inspire ? Quels seront ses surnoms ? Est-ce qu’un vilain jeu de mots pourrait se cacher entre le prénom et le nom ? Passera-t-elle sa vie à rectifer la prononciation de son nom, rendant compliqués ses rapports aux autres ? Pour bien comprendre l’impact psychologique qu’ont, sur le reste du monde, les attributs entourant un prénom déjà emprunté par certains ayant fait parler d’eux, est-ce que vous appelleriez votre fls Adolf, ou «Rodgeur», Oussama, ou Barack ? Selon qui vous êtes et où vous vous trouvez, ces prénoms auront un impact sur vous ou non, vous repousseront ou vous attireront, tout est dans la connaissance de ces mécanismes sur les marchés que vous visez. PROTÉGEZ VOTRE IDENTITÉ UNE MARQUE, C’EST AVANT TOUT UN PRÉNOM Jérémie BURGDORFER Co-Owner & Managing Director, Buxum communication Sàrl Une marque, c’est avant tout un prénom 12 PROTÉGEZ VOTRE IDENTITÉ Rappelez-vous que dans un parcours idéal, voire normal, personne ne change de nom à moins d’un gros, très gros problème. Votre marque, vous la créez pour une vie qui, on vous le souhaite, peut tout à fait dépasser nos espérances de vie d’humains. Elle deviendra synonyme de valeurs, de comportements, elle prendra une couleur émotionnelle dans l’esprit des gens, elle véhiculera une personnalité. Nous appelons cela des «attributs» dans le vocabulaire marketing. Entre la création d’une marque et le fait de donner un prénom à son enfant, le lien le plus fort est celui de donner une personnalité qui se transmettra par les sons, les tonalités, et qui sera une immense partie de sa personnalité telle que vue par le reste du monde. Prenons un bon exemple, celui d’un nom devenu si célèbre qu’il a été transformé en marque: Roger Federer. Lynette et Robert n’ont certainement pas projeté que leur fls deviendrait une marque, mais on peut convenir qu’outre le phénoménal champion et homme qu’il est, son nom se prête particulièrement bien à devenir une marque. Simple, court, facile à prononcer dans le monde entier (essayez de vous pointer dans un tabac au milieu du Laos et de dire que vous êtes suisse, vous verrez quelle est la réponse qui viendra…) et porteur de tels attributs de confance, d’admiration, de respect, de peRFection, qu’on l’utilise volontiers pour appeler un copain qui était jusque-là «Roger» et qui en devient «Rodgeur». On utilise rarement cette blague pour signaler à quelqu’un qu’il est mauvais (à moins d’être adepte du sarcasme, ce qui fait du bien à petite dose), preuve de l’immense véhicule de notoriété que ce nom est devenu. On peut discuter longtemps des parallèles entre cette situation et celle où vous devez créer ce qui sera votre marque, le fait est que son fondement est le même: créer une identité, faire exister. Cette identité se limitera au départ au cercle très proche pour, petit à petit, s’élargir au fur et à mesure de la vie et de son parcours. «Votre marque vous la créez pour la vie » Une marque, c’est avant tout un prénom 13 PROTÉGEZ VOTRE IDENTITÉ Les acronymes Alors là, vous avez de quoi faire. UBS, IBM, HSBC, les biscuits LU (Lefèvre-Utile, du nom de ses fondateurs), la radio NRJ (Nouvelle Radio Jeune), les papiers SOPALIN (Société des Papiers Linges). Bref, généralement ces acronymes découlent de noms descriptifs qui sont soit imprononçables soit objectivement nuls, mais on vous laisse vous faire votre propre idée. L’avantage d’une marque acronyme, c’est qu’elle est généralement impactante, facile à prononcer et à mémoriser, et plus facile à véhiculer comme marque. Le piège est qu’en général ces acronymes sont vides de sens et ne sont pas des mots connus dans une quelconque langue, ce qui les rend très neutres et vous obligera à bien monter votre communication pour que ses attributs soient visibles et compréhensibles rapidement. DIFFÉRENTS TYPES DE NOMS, LES QUESTIONS À SE POSER L’idéal n’existe pas, et tant mieux. Cela dit, nous pouvons au moins vous proposer quelques pistes à explorer, qui sont à la base de la réfexion d’une bonne marque. Pour commencer, il faut savoir qu’on compte quatre types de noms de marques. Les noms indicatifs: ceux qui disent ce que vous faites Cette méthode consiste à nommer votre marque en fonction de ce qu’elle est ou de ce qu’elle fait. L’avantage que vous avez, c’est que vous positionnez très clairement votre cœur de métier et votre activité dans le marché, ce qui vous rendra plus facilement identifable par vos clients et vos parties prenantes. L’inconvénient majeur, c’est que vous n’avez pas intérêt, après 20 ans, à vous réinventer stratégiquement en changeant de métier. Là, c’est le début d’un immense chantier de communication pour transformer votre nom en marque propre. Par exemple, PayPal est actif dans les transactions électroniques, et King Jouet dans les jouets. Pas compliqué ! Une marque, c’est avant tout un prénom 14 Attention au rebranding ! Vous connaissez GAP ? Qui ne connaît pas cette marque quand on aime les fringues, n’est-ce pas ? Un des géants du textile décide de se réinventer et publie, fn 2010, sa nouvelle identité visuelle sans avoir préparé le terrain. Autant vous dire que le choc fut rude, et que ce qu’il reste dans l’histoire c’est que GAP détient probablement le record du retournement de veste le plus rapide au monde: 6 jours ! 6 jours pour revenir à l’ancienne identité, bousculée bien trop fortement et subitement. Les noms «expérientiels» Ces marques évoquent l’expérience et portent en leur nom ce qu’elles vont vous faire vivre. Vous y trouvez pas mal de poids lourds mondiaux, parce que ces types de marques ont un fort potentiel émotionnel qui, s’il est couplé à une réalité concrète pour ses clients (et non pas à des promesses non tenues) peut se transformer en capital stratégique. Les plus gros exemples ? Apple, Virgin, Oracle, n’en sont que quelques-uns. Les plus fun: les noms inventés C’est ici qu’on s’amuse et qu’on prend beaucoup de temps à la réfexion. La force de ces marques réside dans le fait qu’elles sont vierges de sens, aucune casserole à porter, et elles devraient être issues d’un processus créatif permettant de personnaliser entièrement la marque à son créateur. Ici tout va compter: la prononciation, la sémantique, les lettres et l’orthographe du nom, le marché dans lequel vous êtes et votre ADN, et on en passe. L’avantage, c’est que vous partez de zéro avec une marque qui vous ressemble. L’inconvénient, c’est que le travail de communication pour créer une entité forte dans l’esprit de votre marché va être critique et crucial. PROTÉGEZ VOTRE IDENTITÉ Une marque, c’est avant tout un prénom ZOOM SUR... 15 PROTÉGEZ VOTRE IDENTITÉ VOICI, EN BREF, QUELQUES QUESTIONS UTILES AUXQUELLES VOUS DEVREZ APPORTER DES RÉPONSES AVANT DE CHOISIR VOTRE MARQUE : • Quelle est mon activité ? Qu’est-ce que je fais et pour qui estce que je le fais ? • Dans quel marché est-ce que je me situe ? Quelle expansion est-ce que j’ambitionne à moyen et long terme ? Créer une marque pour ne rester qu’à Genève pour les Genevois n’a rien à voir avec créer une marque à Genève tout en espérant un jour aller vendre à Londres… • Comment est-ce que je travaille et quelles sont mes valeurs fondamentales ? • Comment est-ce que je veux être perçu et compris par les gens qui rencontrent mes produits, ma marque et moimême ? • Quel type de clientèle est-ce que je vise ? Qui va pouvoir s’offrir mes services et mes produits ? Ces éléments sont à la base du processus créatif qui aboutira à un positionnement, une identité et, in fne, à un nom. Une marque, c’est avant tout un prénom PROTÉGEZ VOTRE IDENTITÉ QUE RETENIR ? 1. Créer une marque, c’est donner un nom pour faire exister son entreprise et son produit ou service dans le temps, peut-être bien plus longtemps que soi-même. 2. Un nom vient avec différents attributs selon les cultures et les peuples. Il peut prendre diverses formes et avoir des signifcations distinctes selon les personnes à qui il est communiqué. 3. 4 types de noms : indicatifs de votre domaine d’activité, acronymes, expérientiels (démontrant l’expérience vécue), pures inventions. 4. Pas de règle ni de recette miracle, mais une marque forte est celle qui aura réussi à caresser une cohérence bien faite entre le ton, la culture, la forme, le nom et l’expérience vécue. Elle aura de facto décroché le Graal, elle se sera différenciée de ses concurrents et sa valeur sera perçue et comprise par son ou ses marchés. Une marque, c’est avant tout un prénom C’EST QUOI, UNE BONNE (FORTE) MARQUE ? C’est celle qui vous différencie effcacement de vos concurrents, qui vous identife clairement. C’est celle qui permet à vos clients de mieux identifer vos produits, vos services. C’est une marque qui permet aux gens de se positionner et de savoir qui ils sont en fonction de l’expérience qu’ils vivent à travers votre marque. Si vous achetez une sono Bose, vous n’avez généralement pas besoin d’expliquer aux autres que vous êtes un grand amateur de technologie du son, et probablement un fn connaisseur de musique. Si vous faites un don à l’UNICEF, vous n’avez pas besoin d’expliquer que la situation des enfants dans le monde vous préoccupe, et par extension, l’avenir des populations. Après avoir grandi et vécu, et en fonction de cela, votre marque constituera un capital stratégique pour votre entreprise. Pourquoi stratégique ? Parce qu’elle aura une valeur, certes intangible, qui sera liée à ce que les clients pensent d’elle, à la réputation qu’ils lui auront faite en discutant à droite et à gauche, aux sentiments qui se dégageront chez eux à l’évocation de son nom, et donc à la manière dont elle infuencera leurs actions et comportements dans une situation et un contexte bien précis. 16 «L’ENREGISTREMENT DE MARQUE SUIT UNE PROCÉDURE SIMPLE. POUR CE FAIRE, TOUTEFOIS, CERTAINES CONDITIONS DE FOND, DITES D’«ENREGISTRABILITÉ», SONT À RESPECTER.» 18 … VOUS N’AVEZ PAS PRIS LES MESURES NÉCESSAIRES AFIN D’EN DEVENIR PROPRIÉTAIRE. Comment cela fonctionne-t-il ? La première étape d’une protection de marque, et donc de la création d’un monopole en faveur d’un titulaire particulier, consiste à procéder à l’enregistrement de la marque auprès de l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle. C’est une étape incontournable: sans titre de propriété, vous ne pourrez pas faire valoir de droits sur une marque, ou alors seulement de manière extrêmement limitée et donc bancale. Une fois la marque choisie, ce devrait donc être un réfexe pour le titulaire que de s’en assurer la propriété par le biais d’un enregistrement. Acquérir les droits sur le logo de son entreprise Certains logos sont également porteurs de droits d’auteur. Que vous ayez fait créer le logo de votre entreprise par une agence ou un designer indépendant, assurez-vous bien d’en avoir acquis les droits d’auteur au moyen d’une cession en bonne et due forme. PROTÉGEZ VOTRE IDENTITÉ MAIS CETTE BELLE MARQUE NE VOUS APPARTIENT PAS TANT QUE... Anca DRAGANESCU-PINAWIN IP Counsel, Novagraaf Switzerland SA Mais cette belle marque ne vous appartient pas tant que... ZOOM SUR... 19 PROTÉGEZ VOTRE IDENTITÉ En outre, le principe d’une concurrence libre et saine veut également que certaines marques ne puissent être monopolisées par une entreprise au détriment des autres et demeurent donc impé- rativement dans le domaine public et à la libre disposition de tous. Un monopole sur ce type de marques aurait pour effet une nette distorsion de la concurrence, ce qui est contraire au raisonnement qui est à la base du droit des marques. Les signes banals tels que des lettres ou chiffres isolés en sont un exemple, mais les marques descriptives cumulent souvent les deux défauts. En conséquence, l’on ne peut pas enregistrer n’importe quoi. S’il fallait pour les start-ups et PMEs ne retenir qu’une seule chose de ce LIVRE BLANC en lien avec la marque, ce serait ceci: une marque qui décrit les produits ou services qu’elle revendique sera refusée par l’Institut et ne pourra pas être enregistrée. En d’autres termes, les marques descriptives sont à bannir car elles n’ont aucune force légale et sont à la libre disposition de tous. Concurrents et autres tiers indélicats (copieurs et parasites) peuvent se servir à volonté ! L’enregistrement de marque suit une procédure simple. Pour ce faire, toutefois, certaines conditions de fond, dites d’«enregistrabilité», sont à respecter. L’Institut effectue en effet un examen sévère de ces conditions, parmi lesquelles on retrouve notamment les signes propres à induire le consommateur en erreur ou encore ceux qui sont contraires à l’ordre public, aux bonnes mœurs ou au droit en vigueur, qui seront systématiquement refusés par l’Institut. Ceci dit, le problème récurrent auquel font généralement face les start-ups et PMEs est autre. Il s’agit de l’adoption fréquente de marques dont le caractère distinctif fait défaut et qui, en soi, relèvent du domaine public. Du point de vue du juriste, une bonne marque – ou une marque tout court – vous permettra de distinguer effcacement votre entreprise et les produits et services proposés, de ceux d’une autre entreprise. Sur ce point, on s’accorde avec le marketeur. C’est la fonction primordiale d’une marque, si l’on ne devait en retenir qu’une. Sans cette qualité de distinction ou de différenciation entre deux entreprises, la marque ne pourra pas être enregistrée, parce qu’elle appartient en effet au domaine public. La marque descriptive des produits ou services qu’elle revendique tombera invariablement dans cette catégorie. Mais cette belle marque ne vous appartient pas tant que... 20 PROTÉGEZ VOTRE IDENTITÉ S’enregistrer au RC ou acquérir des noms de domaine protège-t-il sa marque ? A ne pas confondre l’enregistrement de marque avec l’immatriculation de l’entreprise au Registre du Commerce ou l’acquisition d’un ou plusieurs noms de domaine correspondants. L’immatriculation sécurise certes des droits sur le nom de l’entreprise, mais ceux-ci sont bien plus limités et diffciles à mettre en œuvre qu’un enregistrement de marque. En pratique, les startups et PMEs n’ayant que des droits sur leur raison sociale seront découragées d’agir, de par la lourdeur et les coûts associés à ces procédures. Il en va tout autrement pour l’entreprise détentrice d’une marque. Quant aux noms de domaine, ils ne confèrent pas de droits, mais seulement un monopole de fait, facilement contournable pour quiconque souhaite reprendre votre marque avec un peu de créativité. Cela dit, la plupart des start-ups et PMEs obéissent à la tendance contraire, à savoir nommer leur entreprise et choisir une marque qui décrit sans équivoque leurs activités. La réfexion derrière ce choix est la suivante: un nom descriptif informera directement le consommateur de ce que l’entreprise propose ou vend. C’est toutefois faire preuve d’une réfexion à court terme, qui ne favorisera pas la pérennité de l’entreprise. Bien au contraire, si l’entreprise est amenée à perdurer et s’épanouir, la part sombre de ce raisonnement se dé- cline ainsi : un nom descriptif ne pourra pas être monopolisé et pourra être repris par la concurrence ou quiconque le souhaite. Un rebranding forcé aura non seulement pour conséquences une perte de temps et d’argent, mais également dans certains cas une perte de clientèle. Ce serait une mauvaise surprise de se rendre compte que tout le travail de fdélisation de clientèle a été effectué au proft d’une marque qui ne vous appartient pas ! C’est pourquoi, il n’est jamais trop tôt pour s’interroger sur la capacité distinctive (ou la non-descriptivité) de la marque que l’on choisit et à en acquérir la propriété dès que possible, idéalement immédiatement une fois la marque créée. ZOOM SUR... Mais cette belle marque ne vous appartient pas tant que... «Une marque qui décrit les produits ou services qu’elle revendique sera refusée par l’Institut et ne pourra pas être enregistrée. » 1. Tant que vous ne l’avez pas enregistrée, votre marque ne vous appartient pas entièrement et le risque demeure qu’elle soit reprise par d’autres. 2. Evitez à tout prix de choisir une marque descriptive, que vous ne pourrez pas monopoliser et qui pourra donc être reprise par vos concurrents à leur guise. 3. L’immatriculation de votre société au Registre du Commerce et l’acquisition de nombreux noms de domaine ne remplace pas un enregistrement de marque. QUE RETENIR ? 21 Mais cette belle marque ne vous appartient pas tant que... 22 Brand vs trademark : que peut-on enregistrer ? Contrairement à la langue française, l’anglais fait la différence entrebrand et trademark. Alors que brand peut englober un éventail riche d’une multitude d’éléments qui, somme toute, font l’identité d’une entreprise, tels que ses marques, mais aussi ses valeurs, son way of life, la communauté de ses consommateurs, la perception qu’ont ces derniers de l’entreprise, ses slogans, ses messages, etc., la notion de trademark ne s’attache qu’au droit de propriété conféré aux marques de l’entreprise. Et dans le sens de trademark, on l’a vu précédemment, on ne peut pas enregistrer le chiffre 3 ou monopoliser tout et n’importe quoi. Alors qu’un brand peut revêtir de multiples formes et facettes - les marques olfactives telles que le parfum utilisé par Abercrombie & Fitch dans leurs magasins ont d’ailleurs un succès grandissant -, la création de droits de monopole de marque ne peut se faire que sur certains types de marques. C’est un peu le pendant légal des quatre types de noms évoqués dans l’article précédent. La marque verbale, la marque fgurative (ou logo) et la marque semi-fgurative (ou combinée) sont les plus répandues. Mais il existe également, parmi d’autres, des marques chromatiques (ou de couleur: Jaune «Minion», bleu «Nivea»), des marques de position, des marques sonores (ou musicales : «Ricola»), des marques de mouvement (logo rotatif de «Swisscom») ou encore des marques 3D. Tous ces types de marques peuvent être enregistrés. Les marques olfactives, bien que d’un glamour incontesté dans le domaine du marketing, ne sont quant à elles pas encore acceptées. Certaines considérations pratiques, telles que la conservation et l’altération des senteurs sont au cœur de la décision de les laisser de côté. Les slogans sont quant à eux acceptés au compte-gouttes. Pourquoi donc ? Parce que pour la plupart d’entre eux justement, ils sont descriptifs ! PROTÉGEZ VOTRE IDENTITÉ Retrouvez des informations supplémentaires sur les marques olfactives sur le site internet de Novagraaf en cliquant ici ! Mais cette belle marque ne vous appartient pas tant que... ZOOM SUR... 23 On l’a vu dans l’article précédent, sans enregistrement de marque il est impossible de revendiquer un droit de monopole sur son signe distinctif, sa marque. L’enregistrement confère en effet un titre de propriété sur le bien immatériel qu’une marque représente. Sans titre de propriété, les scénarios catastrophes se déclinent au pluriel: la marque sera sans défense face à la contrefaçon et au parasitisme, elle ne sera jamais source de valeur et de revenus pour l’entreprise et pourra même être source de coûts s’il se trouve qu’elle empiète sur les droits antérieurs d’un tiers. Tout au plus, en cas de confit, pourra-t-on être autorisé à poursuivre cette utilisation en l’état et sans aucune possibilité d’extension, si l’on est en mesure de prouver que l’on utilise le signe depuis plus longtemps que la partie adverse. Et ce n’est pas toujours chose facile. C’est pourquoi, la protection de votre marque doit se penser en termes de «triptyque». Alors que l’enregistrement auprès de l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle en constitue le panneau central, ce dernier est fortifé par une recherche d’antériorités en amont et la mise en place d’une surveillance en aval. Attention à ne pas être copié, mais aussi et surtout pour une start-up ou une PME, à ne pas copier. Ignorer ce conseil peut s’avérer extrêmement coûteux en termes de temps et d’argent. En effet, rien de pire pour une petite structure que de recevoir une lettre de mise en demeure d’un cabinet d’avocats, lui enjoignant de cesser immédiatement toute utilisation de sa marque, avec quelques dommages et intérêts en guise de glaçage. PROTÉGEZ VOTRE IDENTITÉ ET LES TIERS DANS TOUT ÇA ? Anca DRAGANESCU-PINAWIN IP Counsel, Novagraaf Switzerland SA Et les tiers dans tout ça ? 24 PROTÉGEZ VOTRE IDENTITÉ De potentiels droits antérieurs, s’ils existent, devront donc être identifés au cours d’une recherche d’antériorités. Et ce type de recherche, à mi-chemin entre technique et stratégie, est un exercice périlleux. Lors de la création d’une marque, on pense souvent qu’une recherche Google® sufft pour s’assurer de la disponibilité de cette dernière. Si les noms de domaine en .com et .ch sont disponibles, alors c’est le jackpot ! La marque doit être disponible… D’aucuns pousseront même à chercher sur les registres offciels et s’assureront que leur marque (à l’identique, évidemment !) n’est pas enregistrée. Mais ceci est loin de suffre afn de juger si des droits antérieurs existent. Ça se passe aussi dans les flms ! Le fait que le titre de l’un des derniers blockbusters de Disney soit «Vaiana» en Europe et «Moana» partout ailleurs n’est pas étranger à notre thématique. Même s’il n’est pas rare qu’un titre de flm change d’une région géographique à une autre, que ce soit pour des raisons linguistiques ou culturelles (marketing inclus), il est plus rare de voir le nom de l’héroïne du flm changer aussi radicalement, qui plus est lorsque le titre du flm repose précisément sur ce même nom. Un tweet de Disney España nous met sur la voie: la marque «Moana» se trouvait être déjà enregistrée en Espagne par des tiers, aussi bien que dans d’autres pays européens, information corroborée par les créateurs du dessin animé. C’est pourquoi, Moana se prénomme Vaiana en Europe. «Moana» n’étant pas légalement disponible en Europe et étant donné que «Vai» signife «eau» et «Moana», «océan», l’intention était en défnitive la même et tout confit potentiel était évité du même coup. Et les tiers dans tout ça ? ZOOM SUR... 25 Lorsque l’on procède à une recherche d’antériorités, on vérife bien entendu qu’il n’existe pas de marques antérieures identiques. Le droit des marques confère toutefois une protection bien plus étendue aux titulaires de marques antérieures. Ainsi, une marque antérieure présentant un certain degré de similarité pourra également être considérée comme engendrant un risque de confusion auprès du public concerné et représentera donc un obstacle à l’utilisation d’une marque postérieure. En outre, il faut savoir que les marques ne sont pas seulement comparées sur la base des signes, mais également sur la base des produits et/ou services qu’elles couvrent. Ainsi, deux signes similaires pour des produits et/ou services radicalement différents pourront coexister paisiblement, exception faite des cas où l’un des signes a atteint une haute renommée, comme c’est le cas pour Coca Cola par exemple. Ainsi, une recherche d’antériorités ne consiste pas simplement à mettre deux signes côte à côte et s’assurer qu’ils ne se ressemblent pas. Il s’agit d’un exercice de stratégie en propriété intellectuelle qui demande non seulement des connaissances juridiques précises, mais également une vision opérationnelle plus étendue. Entre les décisions claires de «go» ou «no go» subsiste souvent une zone d’ombre, où des questions telles que «la marque antérieure est-elle utilisée?», «est-elle utilisée pour les produits et/ou services enregistrés ?», ou encore «quel est le degré de similarité entre les signes comparés et les produits et/ou services ?» pourront faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Parfois, il vaudra la peine de prendre un risque mesuré et aller de l’avant. D’autres fois, l’option de contacter le titulaire du droit antérieur afn d’obtenir un accord sera recommandée et réglera bien souvent la situation en amont. Enfn, parfois la seule solution ressortant d’une recherche d’antériorités sera de laisser tomber la marque souhaitée et d’opter pour un nouveau nom. La lutte du WWF La World Wrestling Federation, la plus grande entreprise de catch du monde, s’est vu forcée de changer de marque (son acronyme WWF) en 2002, suite à une action du… WWF. Elle a ainsi décidé de se rebaptiser World Wrestling Entertainment, soit WWE... PROTÉGEZ VOTRE IDENTITÉ ZOOM SUR... Et les tiers dans tout ça ? 26 PROTÉGEZ VOTRE IDENTITÉ Finalement, il faut également savoir que l’enregistrement n’est de loin pas la dernière étape du processus de protection d’une marque, comme le pense à tort une majeure partie des utilisateurs non avertis. Au contraire, l’enregistrement n’en est que le début. En effet, l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle n’a pas pour rôle de s’assurer que vous n’êtes pas copié. Non seulement il ne vous avertira pas de l’usage de marques similaires, mais plus encore, il acceptera d’enregistrer toute marque identique ou similaire à la vôtre sans examen supplémentaire. En effet, c’est au titulaire de marque qu’il incombe de s’assurer que sa marque n’est pas copiée ou parasitée par un tiers et de prendre les mesures appropriées pour ce faire. Il existe ainsi des programmes de surveillance auxquels on peut recourir pour s’assurer qu’aucune autre marque n’empiète sur vos droits de marque et cette mesure s’insère de manière effcace dans le triptyque décrit plus haut. QUE RETENIR ? 1. En adoptant une marque, il est tout aussi important de ne pas copier celle d’un autre que de prendre les mesures nécessaires pour ne pas être copié soi-même. 2. Une recherche Google® fera rarement l’affaire et il est recommandé de procéder à une recherche d’anté- riorités en bonne et due forme avant de lancer sa marque sur le marché. 3. La mise en place d’un système de surveillance vous permettra de repérer les copieurs à temps pour agir de manière effcace contre toute atteinte à votre marque. Et les tiers dans tout ça ? «LA SOLUTION «ONE SIZE FITS ALL» N’EXISTE PAS EN DROIT DES MARQUES. LE PÉRIMÈTRE DE PROTECTION DONT JOUIT UNE ENTREPRISE SUR SES MARQUES ÉVOLUERA NÉCESSAIREMENT EN PARALLÈLE AU DÉVELOPPEMENT DU MARCHÉ QUE CETTE DERNIÈRE ASPIRE À CONQUÉRIR ET AU RYTHME DU PAS DE SES CONQUÊTES.» 28 Alors qu’on l’a compris, le monopole conféré par une marque à son titulaire est nécessairement limité à un cadre de produits et services revendiqués de manière précise, il est à noter que ce monopole est également cadré par des limites territoriales. A la demande: «je souhaite protéger ma marque partout dans le monde», le juriste aura tôt fait de décourager son client. En effet, contrairement à un nom de domaine qui confère un monopole de fait lié à une URL – et s’étend donc au monde - une marque – pour pouvoir être protégée dans un pays – devra y être enregistrée en bonne et due forme et sa protection sera liée au territoire en question. Ainsi, une marque enregistrée en Suisse ne bénéfciera pas de protection au Royaume-Uni ou à Singapore et vice-versa. D’où le casse-tête des start-ups : comment concilier protection de marque et développement sur un marché globalisé, sans même parler des contraintes budgétaires qui s’y ajoutent ? «De manière progressive» sera la réponse. En effet, la solution «one size fts all» n’existe pas en droit des marques. Le périmètre de protection dont jouit une entreprise sur ses marques évoluera nécessairement en parallèle au développement du marché que cette dernière aspire à conquérir et au rythme du pas de ses conquêtes. PROTÉGEZ VOTRE IDENTITÉ OUI, MAIS SI JE NE SUIS PAS MICHAEL JORDAN ? Anca DRAGANESCU-PINAWIN IP Counsel, Novagraaf Switzerland SA Oui, mais si je ne suis pas Michael Jordan ? 29 Sans usage commercial, pas de marque La marque est un superbe outil de monopole pour l’entreprise, qui pourra ainsi tirer des avantages ad infnitum de son droit, si elle le souhaite. Il est toutefois primordial de noter que ce monopole est associé à une condition impérative, qu’il serait déraisonnable de négliger. Afn de pouvoir conserver son droit, son titulaire sera dans l’obligation à terme d’en faire un usage commercial, c’està-dire de commercialiser les produits ou de proposer les services revendiqués sous la marque en question. Sans cela, le droit qui y est lié devient une coquille vide, facilement annulable. Ainsi, il est important de savoir qu’un titulaire de marque disposera de ce qui s’appelle un délai de carence – de 3 à 5 ans suivant les juridictions – dans lequel il pourra défendre sa marque avant même de l’avoir utilisée. Passé ce délai, toute attaque devra être pensée de manière bien plus prudente, dépendamment de l’usage qui est fait ou pas de la marque en question. En outre, plus le temps passera sans qu’une marque soit utilisée, plus elle perdra de sa valeur et de sa force de protection. Enregistrement de marque et «timing» prévu de l’usage vont donc de pair lors de la mise en place d’une stratégie de protection. Ainsi, en début d’activité, le choix du territoire de protection pour une start-up se fera sur la base de deux questions : • Quels marchés sont visés par l’entreprise sur les 3 à 5 prochaines années ? • Quels marchés sont identifés comme étant potentiellement à risque pour l’entreprise ? La construction du portefeuille de marques se fera ensuite progressivement, en fonction de l’acquisition de nouveaux marchés par l’entreprise. Les marchés suivants sont souvent retenus par les start-ups et PMEs : Suisse (base de protection), Union Européenne, États-Unis et Chine (cette dernière, pour des raisons défensives et budgétaires). En fonction des secteurs d’activités, le tableau pourra être très différent. Certaines entreprises mettent l’accent sur l’Asie, alors que d’autres font le choix de s’ancrer d’abord à la Suisse avant d’aller au-delà de ses frontières. D’où l’avantage d’un accompagnement suivi et de l’enrichissement du portefeuille de marques de manière progressive et intelligente. Cette technique permettra également de s’adapter effcacement aux impératifs budgétaires des petites sociétés. Rien ne sert d’alourdir son budget avec des droits de marque qui ne seront pas utilisés dans les trois à cinq prochaines années, d’autant plus que sans usage, ces droits vont rapidement se dévaloriser jusqu’à devenir des coquilles vides. ZOOM SUR... PROTÉGEZ VOTRE IDENTITÉ Oui, mais si je ne suis pas Michael Jordan ? 30 PROTÉGEZ VOTRE IDENTITÉ Attention aux traductions et translittérations: le cas Michael Jordan Le déploiement d’une marque à l’international est aussi bien un casse-tête pour le juriste, qu’il l’est pour le marqueteur. En effet, vaut-il vraiment la peine de protéger sa marque en caractères latins en Chine si, pour des raisons de marketing, elle sera en défnitive utilisée en caractères chinois (traduction ou translittération au choix) ? Ou vaut-il la peine de protéger la marque en caractères chinois pour des raisons défensives ? Peut-être, et il y a, selon le cas précis, plusieurs réponses possibles à ces questions. Michael Jordan en a récemment fait l’amère expérience. Alors qu’il avait pris soin d’enregistrer sa marque JORDAN en Chine, il en a négligé sa translittération. Cette dernière – «Qiaodan» (prononcé «Cheeow-dahn») avait été enregistrée (et allègrement utilisée !) par une société chinoise de vêtements de sport, depuis plus d’une décennie. Après une longue, âpre et surtout coûteuse bataille judiciaire, Michael Jordan a fnalement pu récupérer ses droits sur son nom en Chine. D’où l’intérêt de prendre les choses progressivement et faire jouer droit des marques et marketing côte à côte afn de créer un brand solide pour l’entreprise. Oui, mais si je ne suis pas Michael Jordan ? QUE RETENIR ? 1. Le monopole conféré par une marque est limité au territoire d’enregistrement de celle-ci. 2. Une fois la marque choisie et le marché de l’entreprise identifé, il ne faudra pas tarder à enregistrer cette dernière dans tous les territoires identifés. 3. L’extension territoriale de la protection de la marque se fera de manière progressive, en parallèle du gain de nouveaux marchés étrangers par l’entreprise. ZOOM SUR... 31 Protéger sa marque à l’étranger: le mauvais timing de Pinterest Une fois qu’une marque et son marché ont été identifés, il est impératif pour un entrepreneur d’agir rapidement pour sa protection, c’est-à-dire son enregistrement dans les pays concernés. En effet, nombre de start-ups hésitent à agir en se disant qu’elles ne sont peut-être pas assez connues pour se faire copier ou voler leur marque dans un marché cité. Elles verront plus tard si un enregistrement de marque pourrait éventuellement être utile… Ceci dit, enregistrement de marque et timing vont de pair et «plus tard» équivaut en général à «trop tard» et se traduit en frais importants de confits de marque ou de rebranding. A cet égard, la mésaventure en Europe du réseau social Pinterest donne une leçon utile. La start-up américaine a ainsi essuyé un sérieux camoufet lorsqu’elle a été devancée par une start-up londonienne, Premium Interest Ltd, pour l’enregistrement de la marque PINTEREST en Europe. Pire encore, Premium Interest Ltd a, semble-t-il, également devancé Pinterest sur les marchés suivants : Australie, Nouvelle Zélande, Brésil, Turquie, Malaisie, Corée du Sud, Inde et Japon. PROTÉGEZ VOTRE IDENTITÉ Retrouvez l’histoire plus en détails sur notre blog Oui, mais si je ne suis pas Michael Jordan ? ZOOM SUR... La majorité des start-ups utilisent Internet comme outil de promotion principal. Ceci dit, bien plus qu’une vitrine, Internet constitue pour beaucoup l’arène dominante de leurs activités, notamment en e-commerce. Si monter un site web et ouvrir quelques comptes sur les médias sociaux est à la portée de tout un chacun, l’erreur l’est tout autant et elle peut être coûteuse en fonction de la violation commise, notamment en matière de propriété intellectuelle mais également d’autres droits. Les quatre articles de ce chapitre ont pour objectif d’offrir aux start-ups les informations nécessaires pour asseoir une présence sur Internet, en respect des règles juridiques essentielles à sa pérennité. PRÉSENCE EN LIGNE : À QUOI FAUT-IL PENSER 32 33 Une identité singulière et une présence incontestée sur Internet sont des éléments clés de la réussite et de la réputation d’une entreprise et de ses marques. Un outil incontournable de cette présence est le jeu, autrement dit, l’ensemble des noms de domaine appartenant à l’entreprise. Un «brand» qui souhaite évoluer sur le web ne pourra pas se passer d’un ou de plusieurs noms de domaine, étape inévitable de domiciliation, localisation et référencement (SEO) sur Internet. Par conséquent, une bonne gestion des noms de domaine est tout aussi importante pour une entreprise que l’est une bonne gestion de ses marques. Toutefois, il est vrai qu’Internet ajoute une dimension supplémentaire de complexité. En effet, les noms de domaine peuvent être acquis rapidement et facilement. Ils sont conservables ad infnitum par quiconque le souhaite. La liberté de création de nouveaux noms sur Internet connaît peu de limites et se décline en de nombreuses extensions : .com, .net, .org, .biz, .ch, .us, etc. En outre, il n’est pas aisé de récupérer un nom de domaine acquis indûment, d’où l’intérêt, en matière de noms de domaine, de suivre l’adage: «mieux vaut prévenir que guérir». Partant de ce constat, le premier conseil que l’on donnera à une entreprise qui a choisi son nom (sa marque) est d’«occuper le terrain», autant que peut se faire et dans les limites du raisonnable. Il sera toujours temps plus tard de séparer le bon grain de l’ivraie. PRÉSENCE EN LIGNE: CHOISIR SON NOM ET OCCUPER LE TERRAIN Anca DRAGANESCU-PINAWIN IP Counsel, Novagraaf Switzerland SA PRÉSENCE EN LIGNE : À QUOI FAUT-IL PENSER Présence en ligne : choisir son nom et occuper le terrain 34 Étant donné le coût d’acquisition relativement faible de la plupart des extensions, l’achat en amont de plusieurs noms de domaine en corrélation avec son nom (sa marque) sera donc un geste à faire rapidement. L’ouverture en parallèle de comptes correspondants sur les réseaux sociaux majeurs, même si ceux-ci devaient rester inactifs sur le plus long terme, rejoint la même idée: occuper le terrain afn de s’assurer que ces comptes ne tomberont pas entre de mauvaises mains. Une fois cette première phase passée, viendra en effet un moment où il faudra que l’entreprise pense à établir quelques lignes directrices ou principes généraux en matière de noms de domaine, en d’autres termes, elle devra structurer sa présence sur Internet. Certaines extensions ne seront certainement pas renouvelées, alors que d’autres pourront être acquises en parallèle au développement de l’entreprise, que ce soit ses activités et marques, aussi bien que ses marchés et leur localisation. Il pourrait notamment être utile de mettre en place une petite charte de nommage (naming), cette dernière étant destinée à coucher sur le papier quelques principes de gestion utiles et cohérents en matière de noms de domaine. Les noms de domaine ne remplacent pas l’enregistrement de marque Attention ! L’acquisition de noms de domaine refétant la marque de son entreprise ou de ses produits et services ne peut et ne doit en aucun cas remplacer le processus d’enregistrement de marque décrit plus haut. Dans notre ligne de métier, c’est une erreur que l’on rencontre souvent: un entrepreneur ayant acquis plusieurs noms de domaine identiques ou similaires à sa marque sera convaincu qu’il a protégé celle-ci de manière effcace, puisque personne maintenant ne peut plus lui «prendre» ces noms et qu’ils sont – de fait – à lui. Certes, il y aura un monopole de fait sur Internet, en ce que ces noms de domaine ne pourront en soi pas être pris par un tiers tant que l’entreprise les renouvelle de manière appropriée. Par contre, des noms identiques mais munis d’extensions différentes, cependant tout aussi effcaces, sont légion. Sans le monopole légal offert par un enregistrement de marque, d’autres extensions copiant la marque pourront voir le jour sans que l’entreprise ne puisse s’y opposer le moins du monde, la laissant ainsi vulnérable face aux copieurs et concurrents indélicats. A garder à l’esprit donc qu’acquisition de noms de domaine et enregistrement de marque vont de pair et que le premier ne remplace pas le second, cette idée reçue ayant fait suffsamment de dégâts pour être balayée une fois pour toutes. PRÉSENCE EN LIGNE : À QUOI FAUT-IL PENSER «les entreprises doivent faire face à une variété de problématiques liées uniquement à la gestion de leurs noms de domaine» Présence en ligne : choisir son nom et occuper le terrain ZOOM SUR... 35 existantes et au besoin de créer de nouveaux espaces sur Internet. À notre avis, ces extensions peuvent représenter un avantage concurrentiel intéressant pour les plus petites entreprises et marques. Naming et branding sont devenus des exercices complexes et périlleux pour les agences… Le processus créatif de marque est ainsi restreint de toutes parts : par le besoin de conduire des recherches d’antériorités de marques, bien sûr, mais également celui de trouver les noms de domaine correspondants. Et là, l’encombrement des noms de domaine aura vite fait de décourager les plus créatifs. En effet, quand on parle de noms de domaine, tout est pratiquement pris et le système est complètement engorgé. C’est donc là que les nouvelles extensions (accountant, .bar, .shoes, mais également les localisations .amsterdam, .berlin, .london) deviennent intéressantes pour les start-ups et PMEs, en processus de branding. Les extensions génériques sont l’occasion, en un mot, de décrire ce que propose la marque. Elles font offce de tagline (ou slogan) sur Internet et «what you see is what you get». Elles permettent ainsi d’ancrer le nom de la marque, dans l’esprit du consommateur, à une activité, un secteur, un produit, un lieu et sont faciles à retenir. Nous sommes donc d’avis que c’est une terre à explorer pour les agences et professionnels du naming et branding. Et en tout cas, c’est une terre où les espaces sont encore infnis et où tout reste à faire. Si ce n’est immédiatement dès leur création, il vient toutefois rapidement un moment où les entreprises doivent faire face à une variété de problématiques liées uniquement à la gestion de leurs noms de domaine. Quels noms et quel type de domaines acquérir ? Les noms souhaités sont-ils disponibles ? Que faire si le nom désiré est déjà pris ? Faudrait-il acquérir un nom de domaine pour chaque marque de l’entreprise ? Ou encore, comment réagir en cas de confit ? Le type d’extensions à choisir est également une question ténue: vais-je acquérir des gTLDs (generic top-level domains) ou ccTLDs (country code top-level domains, tels que .ch, .fr, .cn, etc.) ? La conquête de l’espace Internet par l’entreprise s’orientera donc rapidement vers une approche cohérente face à ces questions et la mise en place de solutions structurées et pragmatiques afn de s’assurer d’une présence optimale sur le web. Noms de domaine: nouvelles extensions pour de nouvelles possibilités créatives En 2012, l’ICANN («Internet Corporation for Assigned Names and Numbers») lançait les nouvelles extensions («gTLDs») avec pour objectif de répondre à la saturation des options de nommage ZOOM SUR... PRÉSENCE EN LIGNE : À QUOI FAUT-IL PENSER Présence en ligne : choisir son nom et occuper le terrain 36 QUE RETENIR ? 1. Afn d’établir dès le début une pré- sence online pérenne, l’entreprise s’assurera dans un premier temps d’«occuper le terrain» autant que faire se peut. 2. Une charte de nommage (naming), ou tout au moins, quelques principes cohérents, viendront ensuite structurer cette présence de manière optimale. 3. L’acquisition de noms de domaine ne remplace pas le processus d’enregistrement de marque, en ce que les noms de domaine ne confèrent pas de droits à leur acquéreur, mais seulement un monopole de fait limité à l’URL choisie. PRÉSENCE EN LIGNE : À QUOI FAUT-IL PENSER Présence en ligne : choisir son nom et occuper le terrain ZOOM SUR... Typosquatting: Sothebys.com ou Sotebys.com ? En 2015, un petit antiquaire genevois avait acquis le nom de domaine suivant: www.sotebys.com – donc sans le «h» – afn de drainer, par ce bais, plus de visiteurs vers son site. Cela n’était évidemment pas passé inaperçu de la vigilance des avocats de la célèbre Maison Sotheby’s, qui l’avaient rapidement sommé de transférer le nom de domaine en question à leur client, sous peine d’encourir une action en justice. Les noms de domaine reproduits avec des «fautes d’orthographe», ou ce qui est plus communément connu sous le terme de «typosquatting», sont une astuce commune des cybersquatteurs. Le domaine www.fuijiflm.com est un exemple parfait de ce type de pratique (décision UDRP en faveur du plaignant: D2004-0971). D’où notre recommandation de plutôt prévenir que guérir. En effet, l’acquisition ou non de noms de domaine avec pour objectif d’établir sur Internet un périmètre défensif de vos droits est fonction de nombreuses considérations, notamment budgétaires. Ainsi, l’acquisition (et la garde) préventive du nom de domaine sotebys. com par la célèbre Maison lui aurait évité cette mésaventure, d’autant plus que les extensions en .com doivent généralement être verrouillées en premier. 37 Lors de la création d’un site internet (ou site web), plusieurs éléments doivent être pris en compte : • la qualifcation et le contenu du contrat ; • la structure du site internet ; • les conditions générales et les mentions légales du site web. CONTRAT DE CRÉATION D’UN SITE INTERNET Le contrat de création d’un site internet est un contrat informatique par lequel l’une des parties (l’informaticien) doit concevoir un site web. Cette convention se rapproche d’un contrat d’entreprise, aux termes duquel l’informaticien (entrepreneur) est rémunéré par son client (le maître d’ouvrage) pour réaliser un ouvrage (en l’espèce informatique). Le droit suisse des contrats est libéral et n’impose pas la forme écrite à un tel contrat. Cela signife que les parties sont libres de le conclure oralement ou par actes concluants. Néanmoins, il est vivement recommandé au maître d’ouvrage d’exiger la conclusion d’un contrat écrit afn de déterminer précisément les droits et les obligations de chacune des parties ; cela est utile, voire nécessaire, en cas de litige relatif à l’inexécution partielle ou totale dudit contrat par l’une ou l’autre des parties. SITE INTERNET ET E-COMMERCE Laurent MUHLSTEIN Avocat, Junod, Muhlstein, Lévy & Puder avocats PRÉSENCE EN LIGNE : À QUOI FAUT-IL PENSER Site internet et e-commerce 38 Ce contrat devrait contenir (au moins) les clauses suivantes: • un préambule (pour défnir l’objet du contrat et les objectifs à atteindre) ; • un lexique (pour défnir les termes utilisés) ; • une énumération des documents annexes (autres contrats, annexes techniques, notamment pour décrire précisément l’objet du contrat) faisant partie du contrat ; • une date d’entrée en vigueur et une date de fn (livraison du site internet ou inclusion de mises à jour ultérieures) ; • un calendrier de réalisation du site et une date de livraison ; • le paiement, à savoir la détermination du prix à payer et les modalités et échéances de paiement (éventuellement des pénalités fnancières en cas de retard) ; • le savoir-faire (secrets de fabrication, secrets d’affaires, technologique), les droits immatériels (marques, brevets, droit d’auteur) et leur titularité ; • les garanties des défauts (éventuellement clauses exonératoires de responsabilité) ; • le for (tribunal compétent) et le droit applicable en cas de litige ; • dans le cas d’un site d’e-commerce, la sécurité du site (système et moyens de paiement). S’agissant en dernier lieu des questions de propriété intellectuelle, notamment de droit d’auteur portant sur le contenu du site internet, l’auteur d’une œuvre littéraire ou artistique est toujours la personne physique qui a créé l’œuvre. Si l’on admet que le contenu du site internet constitue une œuvre au regard du droit suisse, l’informaticien qui a créé ledit site est titulaire du droit d’auteur sur ce dernier. Le droit d’auteur se compose du droit moral (le droit au respect de l’auteur) et des droits patrimoniaux (aspects commerciaux). Afn d’éviter que l’informaticien ne fasse valoir des droits sur le contenu du site internet contre son client, maître d’ouvrage, il est important de prévoir la cession du droit d’auteur en faveur du maître d’ouvrage. Sachant que le droit moral de l’auteur est incessible, seuls les droits patrimoniaux de l’informaticien seront cédés à son client. Une telle cession doit idéalement porter sur l’intégralité des droits patrimoniaux, sans autre condition que le paiement par le maître d’ouvrage du prix convenu pour la création du site internet. PRÉSENCE EN LIGNE : À QUOI FAUT-IL PENSER Site internet et e-commerce 39 DÉFINITION, CONTENU ET STRUCTURE DU SITE DE E-COMMERCE Un site de e-commerce (ou commerce électronique) est un type particulier de site internet permettant l’échange de produits ou de services par le biais de réseaux informatiques, notamment Internet. Il est également possible de faire du e-commerce sans disposer de son propre magasin en ligne, en mettant ses produits en vente sur des places de marché, à savoir sur des applications web commerciales (principalement B2B ou B2C), qui peuvent être généralistes (anibis.ch, ricardo.ch) ou spécialisées dans un secteur économique particulier (autoscout24.ch, homegate.ch). Certains domaines d’activité ne peuvent pas faire l’objet d’une vente sur Internet: les services ou produits interdits (la violence, la torture, le racisme, mais également les activités permettant le blanchiment d’argent, les systèmes de vente pyramidale ou encore les produits contrefaisants), les produits pharmaceutiques vendus sur ordonnance, etc. Sur un site de e-commerce, la relation contractuelle n’est pas parfaitement équilibrée, de sorte que le propriétaire du site doit être attentif à la rédaction de son contenu. MENTIONS LÉGALES ET CONDITIONS GÉNÉRALES FIGURANT SUR UN SITE DE E-COMMERCE Les mentions légales sont des obligations qui doivent être respectées par le propriétaire du site de e-commerce afn de permettre aux acquéreurs des produits et des services mis en vente sur ce site d’obtenir certaines informations : • le nom et la forme juridique de l’entreprise ; • le prénom et le nom de la personne responsable ; • une adresse postale complète ; • une adresse e-mail ; • un numéro de téléphone ; • un numéro de TVA ; • un numéro d’identifcation de l’entreprise (IDE). PRÉSENCE EN LIGNE : À QUOI FAUT-IL PENSER Site internet et e-commerce 40 Les conditions générales sont des dispositions contractuelles standardisées ou préformulées qui visent en premier lieu à préciser les termes de l’échange entre le vendeur et l’acheteur du produit, de l’œuvre ou du service et à protéger le vendeur, notamment en cas de litige contre l’acheteur. Ce dernier doit avoir une possibilité raisonnable de prendre connaissance desdites conditions avant la conclusion du contrat. Il peut s’agir de fenêtres pop-up (attention cependant aux logiciels qui bloquent les publicités et qui peuvent affecter l’ouverture des fenêtres), de l’apparition d’une page ad hoc ou d’un onglet demandant expressément à l’acheteur potentiel d’accepter les conditions générales, etc. Plus ces dernières sont visibles, plus le juge saisi d’un éventuel litige considèrera que l’acheteur a pu en prendre connaissance et que le vendeur a respecté ses obligations. En l’absence de conditions générales, le vendeur et l’acheteur ne sont pas liés par ces dernières, de sorte que la relation juridique entre les parties est fondée uniquement sur le droit des obligations. De manière générale, les conditions générales sont recommandées lorsque le visiteur du site de e-commerce fournit du contenu au fournisseur dudit site ou à un groupe de destinataires. Il peut s’agir de sites proposant la vente de produits (par exemple munis de marques) ou encore de portails d’emplois (avec la possibilité de télécharger des dossiers de candidature). Aux termes de l’article 3 al. 1 let. s de la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD), agit de manière déloyale celui qui propose à la vente sur Internet des produits, des œuvres ou des services sans: • indiquer de manière claire et complète son identité et son adresse de contact, y compris pour le courrier électronique ; • indiquer les différentes étapes techniques conduisant à la conclusion d’un contrat ; • fournir les outils techniques appropriés permettant de détecter et de corriger les erreurs de saisie avant l’envoi d’une commande ; • confrmer sans délai la commande du client par courrier électronique. Ces exigences doivent être respectées tant dans le commerce entre professionnels (B2B) que dans celui entre professionnels et consommateurs (B2C). PRÉSENCE EN LIGNE : À QUOI FAUT-IL PENSER Site internet et e-commerce 41 En tenant compte de ce qui précède, les éléments suivants devraient fgurer dans les conditions générales d’un site de e-commerce: • le produit, l’œuvre ou le service: description précise, disponibilité, commande, validation, livraison (zones et délais), vérifcation et gestion des retours (délai, produit endommagé) ; • le prix: indication (produit, œuvre ou service, livraison et frais de douane), paiement (délai, TVA), rétractation et remboursement ; • le processus d’achat: indication des différentes étapes techniques, moyens techniques permettant de corriger les erreurs de saisie, confrmation sans délai de la commande par voie électronique ; • les restrictions: domicile, âge, type de produits, œuvres ou services ; • le transfert de propriété: responsabilités en cas d’altération du produit ; • le client: âge, service clientèle ; • les données personnelles: directive interne, données recueillies, accord explicite du client, indication d’envoi de la newsletter, vérifcation éventuelle de la solvabilité, cookies et accord du client (opt-in), outils analytiques (tels que Google Analytics) et information relative au blocage d’une telle utilisation en confgurant le navigateur internet, utilisation de modules d’extension (plug-ins) sur les réseaux sociaux, liens vers les pages sur lesquelles les données sont recueillies, droit d’accès et de rectifcation, effacement des données après désinscription ; • les droits immatériels (en cas de vente de produits, d’œuvres ou de services munis de tels droits, notamment marques): titularité des droits immatériels, absence de rapports contractuels avec lesdits titulaires (notamment contrats de distribution), titularité du contenu du site de e-commerce ; • la garantie: au moins conforme au code des obligations (deux ans à compter de la livraison faite à l’acheteur) ; • la responsabilité de sites liés : pas d’obligation de vérifer régulièrement la légalité de sites liés, mais obligation d’ôter lesdits liens en cas d’information d’un contenu illégal sur ces sites («notice and take down») ; • la sécurité: sécurisation du site internet lui-même, cryptage SSL lors de la transmission des modes de paiement, demande de mot de passe sûr, communication des mesures de sécurisation des données, information relative au risque d’infection par des virus informatiques, d’interruptions dues au réseau ou du PRÉSENCE EN LIGNE : À QUOI FAUT-IL PENSER Site internet et e-commerce 42 système informatique utilisé et du risque lié à l’envoi de données par internet ; • les litiges (for, idéalement au siège de la société, et droit suisse applicable). Il faut éviter d’inclure des clauses insolites, à savoir les clauses inhabituelles sur l’existence desquelles l’attention de l’acheteur n’a pas été spécialement attirée. Dans ce cas, les clauses insolites sont soustraites à l’adhésion de l’acheteur. Il est donc important d’ôter toute clause insolite du site de e-commerce ou, à tout le moins, d’attirer spécialement l’attention de l’acheteur. Afn d’éviter tout litige ou, en cas de litige, de pouvoir démontrer que l’on a respecté les susdites conditions, il est vivement recommandé au titulaire du site de e-commerce d’enregistrer le procédé d’acceptation par le client des conditions générales avant la commande ainsi que la date d’entrée en vigueur des conditions générales applicables à chaque situation. L’inclusion dans les conditions générales d’un disclaimer (ou déclaration visant à préciser, délimiter ou exclure la responsabilité du titulaire du site de e-commerce) est assimilée à des conditions générales. Un disclaimer doit en conséquence respecter les conditions précitées et être présenté à l’acheteur pour acceptation lors de la connexion au site ou lors du passage à un nouveau site, par exemple au moyen d’une fenêtre pop-up ; le disclaimer sera analysé de manière stricte en vertu de la règle de la clause insolite et du principe contra proferentem, selon lequel une telle clause doit être interprétée en défaveur de celui qui l’a rédigée, à savoir le titulaire du site de e-commerce. En outre, ce dernier ne peut exclure sa responsabilité contractuelle en cas de dol ou de faute grave. Enfn, ce qui précède s’applique aux fournisseurs dont les clients sont domiciliés en Suisse. Si l’offre de produits ou de services est également disponible à l’étranger, la législation des pays des clients est également applicable. PRÉSENCE EN LIGNE : À QUOI FAUT-IL PENSER Site internet et e-commerce 43 QUE RETENIR ? 1. En droit suisse, la création d’un site de e-commerce se rapproche d’un contrat d’entreprise et doit contenir un certain nombre de clauses pour éviter le moindre doute en cas de litige. 2. Ce contrat devrait également inclure des dispositions relatives aux droits de propriété intellectuelle des parties. 3. Une fois que le site de e-commerce a été créé, il est nécessaire d’y faire fgurer des mentions légales ainsi que conditions générales aussi complètes et dé- taillées que possible afn de tenir compte des exigences légales (vente, concurrence déloyale, protection des données, etc.) toujours plus contraignantes. PRÉSENCE EN LIGNE : À QUOI FAUT-IL PENSER Site internet et e-commerce «Il est vivement recommandé au titulaire du site de e-commerce d’enregistrer le procédé d’acceptation par le client des conditions générales avant la commande ainsi que la date d’entrée en vigueur des conditions générales applicables à chaque situation. » 44 2 Selon une enquête datant de 2011, un tiers des PME suisses utilisait déjà les médias sociaux : «Enquête sur l’utilisation des médias sociaux dans les PME suisses», M. Berger, E. Rumo et N. Sperisen, Haute Ecole de Gestion de Fribourg, Septembre 2011. 3 « Cadre juridique pour les médias sociaux : Rapport du Conseil fédéral» du 9 octobre 2013 et «Cadre juridique pour les médias sociaux : nouvel état des lieux» du 10 mai 2017. Omniprésents dans notre vie privée, les médias sociaux sont également devenus presque incontournables dans le monde professionnel, nombreuses étant les entreprises qui les ont intégralement intégrés à leur stratégie de communication2 . L’usage de ces plateformes peut fortement varier, certaines entreprises s’en servant purement à des fns promotionnelles, d’autres comme outils de communication avec leur clientèle, voire même comme service clientèle pur et simple, tandis que d’autres en ont encore un usage surtout passif, créant des pages principalement pour s’assurer une présence en ligne sans les alimenter activement. Mais peu importe l’usage, une chose est commune à ces plateformes: le droit s’y applique tout autant que dans n’importe quelle relation d’affaires, et il est donc important d’être sensibilisé à l’environnement juridique applicable à ces outils. En Suisse, il n’y a pas de loi spéciale s’appliquant aux médias sociaux3 , ce qui signife que le droit suisse général (le droit pénal, le droit de la consommation, le droit de la propriété intellectuelle, etc.) s’applique à l’utilisation et au contenu de ces plateformes. Tous les risques juridiques ne peuvent donc être revus et analysés ici, mais tout entrepreneur devrait avoir en tête les problématiques suivantes. QUID DES MÉDIAS SOCIAUX ? Juliette ANCELLE Avocate, Associée chez id est avocats, LL.M. PRÉSENCE EN LIGNE : À QUOI FAUT-IL PENSER Quid des médias sociaux 45 NOM DE COMPTES ET VOL D’IDENTITÉ SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX Une question qui revient souvent est la suivante: le fait d’avoir une marque me donne-t-il automatiquement le droit d’obtenir le compte Facebook, Twitter ou LinkedIn du même nom ? Que faire si quelqu’un l’a enregistré avant mon entreprise et cherche à se faire passer pour moi ? Par défaut, le fait d’utiliser une marque déposée pour enregistrer un compte sur une plateforme de médias sociaux ne constitue pas automatiquement une violation du droit à la marque. Les réseaux sociaux, comme les registres pour les noms de domaine, fonctionnent d’ailleurs en principe sur une base de «premier arrivé, premier servi». Il est donc important de rapidement enregistrer les comptes correspondant à sa marque ou à sa raison sociale, avant même de commencer l’exploitation de ces pages. Il est cependant intéressant de relever qu’au vu du nombre important de cas d’enregistrements de mauvaise foi, où des utilisateurs mal intentionnés ont enregistré de tels comptes afn simplement d’en négocier le transfert au titulaire de la marque contre rémunération, les plateformes ont pour la plupart adopté des politiques de protection des marques déposées et de dénonciation des comptes usurpant l’identité des entreprises (p. ex. Twitter: https://support.twitter.com/articles/75547). Ainsi, il est important de connaitre les politiques et procédures de ces plateformes, qui offrent pour certaines des canaux directs de dénonciation et de suspension de comptes usurpateurs d’identité, sans qu’il soit nécessaire de saisir les tribunaux. PRÉSENCE EN LIGNE : À QUOI FAUT-IL PENSER Quid des médias sociaux «Les réseaux sociaux, comme les registres pour les noms de domaine, fonctionnent d’ailleurs en principe sur une base de «premier arrivé, premier servi»» 46 PAGE D’ENTREPRISE: QUEL CONTENU POSSIBLE ? Comme le relève le Conseil fédéral dans son rapport, ce n’est pas parce que l’entreprise publie ou communique par le biais des médias sociaux, que le droit ne s’applique pas. Ainsi, si votre entreprise choisit de publier une photo ou un flm qui n’aurait pas été réalisé en interne, celle-ci doit s’assurer que la publication de cette photo ou vidéo respecte les droits d’auteur y relatifs. Et attention, ce n’est pas parce que la photo ou vidéo a déjà été publiée sur un autre réseau social, que vous avez le droit de la reprendre. Ainsi, dans chaque cas, l’entreprise devra se demander quels sont les droits applicables à ce contenu: est-il vraiment protégé par le droit d’auteur ? si oui, qui détient les droits ? est-ce qu’une licence a été octroyée ? La violation des droits de propriété intellectuelle de tiers est l’un des problèmes principaux et toute entreprise devrait prendre garde à ne pas y contribuer et, au contraire, favoriser la mise en avant de son contenu propre. Par ailleurs, l’entreprise devra choisir d’animer ou non son compte par le biais de réponses, de commentaires, de retweets ou reposts et toutes autres animations qui présentent les avantages d’augmenter l’attractivité, la visibilité et donc souvent le trafc sur la page. Avec ceci vient toutefois le risque de créer une responsabilité pour l’entreprise, qui accepterait des publications de propos illicites sur son compte (p. ex. racistes, négationnistes, etc.). Bien qu’il n’existe pas de jurisprudence dans ce sens, une entreprise qui tolérerait toute forme de publication sur son compte serait susceptible d’engager sa responsabilité vis-à-vis des tiers. PRÉSENCE EN LIGNE : À QUOI FAUT-IL PENSER Quid des médias sociaux 47 GESTION DES COMPTES: PROBLÉMATIQUE INTERNE OU EXTERNE ? Il n’est pas rare que les jeunes entreprises voulant lancer leurs activités sur les réseaux sociaux se fassent assister de prestataires externes (consultants, community managers, etc.). Or, externaliser ce type d’activité peut avoir un impact important sur plusieurs points, dont notamment la titularité des droits sur le contenu publié sur ces comptes, mais aussi sur la titularité des comptes eux-mêmes. En effet, en l’absence d’un contrat réglant expressément cette problématique, une entreprise n’est pas titulaire par défaut des droits d’auteur sur le contenu réalisé par un consultant externe, même si le contenu est créé en sa faveur. Ainsi, en cas de litige ultérieur, le consultant pourrait prétendre être titulaire des droits d’auteur sur tout contenu qu’il a créé, au service de l’entreprise, et demander le retrait de tout ce contenu. De même, le droit suisse ne règle pas expressément la question de la titularité des comptes d’entreprise ouverts par un tiers en faveur d’une entreprise. Il est donc essentiel de prévoir dans le contrat avec le consultant (par écrit, par mesure de sécurité) que tous les droits sur le contenu de ces pages, mais aussi sur les comptes eux-mêmes (y compris les codes d’accès), appartiennent à l’entreprise. Il est par ailleurs recommandé que les codes soient remis immédiatement à la création et qu’un compte administrateur interne à l’entreprise soit automatiquement créé pour éviter les mauvaises surprises. RECOMMANDATIONS PRATIQUES 1. Sur les réseaux sociaux, toujours enregistrer rapidement les comptes prin - cipaux au nom de l’entreprise (même s’ils ne sont exploités que plus tard). 2. Mettre en place une politique claire de modération et d’animation de ces comptes, afn de limiter les risques de responsabilité. 3. Conclure un contrat sur les conditions de gestion des comptes et la titularité du contenu en cas d’externalisation de cette gestion. 4. Assurer que les codes d’accès à ces comptes sont toujours disponibles au sein de l’entreprise, même en cas de départ de la personne en charge de leur gestion. PRÉSENCE EN LIGNE : À QUOI FAUT-IL PENSER Quid des médias sociaux «LE TRAITEMENT DE DONNÉES SENSIBLES OU DE PROFILS DE LA PERSONNALITÉ IMPOSE À L’ENTREPRISE UNE SÉRIE D’OBLIGATIONS SUPPLÉMENTAIRES, PARFOIS TRÈS LOURDES.» 49 4 Le projet de loi renforce encore les droits des personnes concernées et les obligations des responsables du traitement. A l’ère du Big Data, où le glamour associé à la collecte de données et au prix que l’on y accorde atteint des cours mirobolants, on assiste à une multiplication exponentielle des fronts de collecte de tout type de données par les entreprises. Si la plupart des dirigeants d’entreprise sont conscients du fait que certaines obligations sont nécessairement attachées à la collecte et, plus largement, au traitement de données, la diffculté de la mise en conformité de leurs opérations avec le cadre légal, une fois que l’entreprise a dépassé un certain palier, et l’absence de sanctions concrètes et immédiates, font que la mise en conformité tarde parfois à se concrétiser de manière structurée et cohérente. Les niveaux de sanctions mis en place par le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) du 27 avril 2016 (directement applicable à tous les États Membres de l’Union Européenne) ainsi que les mesures de mise en œuvre connexes auront tôt fait de changer cette situation. La Suisse suivra sous peu puisqu’un projet de loi4 (P-LPD) a été approuvé par le Conseil Fédéral le 15 septembre 2017 et qu’une révision de la loi sera amenée à entrer en vigueur normalement d’ici fn 2018. Il est donc important – et bien plus facile – de se pencher sur la question de la protection des données à une phase avancée de la vie de l’entreprise. LA PROTECTION DES DONNÉES Anca DRAGANESCU-PINAWIN IP Counsel, Novagraaf Switzerland SA PRÉSENCE EN LIGNE : À QUOI FAUT-IL PENSER La protection des données 50 QU’EST-CE QUI CONSTITUE UNE DONNÉE PROTÉGÉE ? Comme nombre d’entreprises, il est probable que votre entreprise collecte et traite des données «client» et «prospect» via votre site internet ou une newsletter, dans un but marketing. Quelles sont les obligations attachées à cette activité ? Pour le savoir, il conviendra de revenir à la base des choses et d’éclaircir quelques questions primordiales. En effet, toute donnée collectée ne constitue pas nécessairement une donnée personnelle à laquelle s’attachent des obligations légales bien précises. La LPD (Loi fédérale sur la protection des données) identife ainsi trois types de données, dont le niveau de protection varie et les obligations qui y sont associées également: Les données personnelles sont toutes les informations qui se rapportent à une personne identifée ou identifable. Il s’agira notamment d’un nom, d’un numéro de client, d’un numéro de téléphone, ou encore de l’adresse physique ou l’adresse de messagerie d’une personne. Pour qu’il puisse y avoir des données personnelles, il faut donc qu’il y ait possibilité d’identifer la personne concernée. Les données anonymes sortent ainsi du cadre de la LPD et leur traitement en est largement simplifé d’un point de vue légal. Les données sensibles sont quant à elles des données personnelles portant sur divers éléments, dont notamment les opinions ou activités religieuses, philosophiques, politiques ou syndicales d’une personne, mais également sa santé, sa sphère intime ou son appartenance à une race, des mesures d’aide sociale, des poursuites ou sanctions pénales et administratives dont elle aurait fait l’objet, ou encore des données biométriques telles que la voix, les empreintes digitales ou l’iris des yeux. Les profls de la personnalité, enfn, sont un assemblage de données permettant d’apprécier les caractéristiques essentielles de la personnalité d’une personne. Le traitement de données sensibles ou de profls de la personnalité impose à l’entreprise une série d’obligations supplémentaires, parfois très lourdes, dont notamment l’obligation d’informer les personnes concernées du traitement en question ou encore, en cas de traitement fait sur une base régulière, la déclaration des fchiers à l’autorité compétente. Il faudra en outre s’assurer d’avoir obtenu le consentement explicite des personnes concernées à ce type de traitement. En cas de collecte de ce type de données, il conviendra donc de se poser la question suivante: «Est-ce que nous avons vraiment besoin de collecter des données sensibles ou des profls pour atteindre notre objectif, au vu des obligations attachées ?». Enfn, nous avons beaucoup parlé de collecte jusqu’ici, mais la loi parle de «traitement de données» et ce terme inclut bien plus que leur simple collecte, à savoir notamment leur exploitation, leur communication, mais également leur conservation, leur archivage, ou encore leur destruction. PRÉSENCE EN LIGNE : À QUOI FAUT-IL PENSER La protection des données ZOOM SUR... 51 Attention au BYOD A noter que la pratique du Bring Your Own Device, qui rencontre de plus en plus de succès auprès des start-ups n’est pas sans poser de problèmes du point de vue de la protection des données. Elle implique que l’entreprise prenne des mesures concrètes et sérieuses afn de s’assurer que les données privées et professionnelles sont bien séparées et qu’aucun risque de violation des principes énumérés ci-contre ne naisse d’une telle situation de fait. FONDAMENTAUX DU TRAITEMENT DE DONNÉES En Suisse, où règne le droit à l’auto-détermination informationnelle, plusieurs principes gouvernent le système de protection des données et il convient de s’y référer pour déterminer si le traitement de données est fait dans les règles ou s’il doit, au contraire, être corrigé. Ainsi, le traitement de données devra être effectué de manière licite et dans les règles de la bonne foi. Au concret, il faudra donc se demander si aucune loi n’interdit le traitement en question (p. ex. données obtenues par crainte ou usurpation) et s’il est fait dans la loyauté et de manière transparente. Si c’est le cas, l’entreprise aura le droit de traiter les données, dans le respect des autres principes. Il y en a plusieurs et nous n’en évoquerons ici que quelques-uns, qui sont liés. Ainsi, le traitement devra respecter les principes de fnalité, de reconnaissabilité et de proportionnalité. En d’autres termes, il faudra que la collecte et le traitement de données soient faits dans un objectif préalablement défni. Qui plus est, il faudra s’assurer que la collecte elle-même et la fnalité susmentionnée soient reconnaissables des personnes concernées. Enfn, il faudra impérativement que les données traitées soient aptes et objectivement nécessaires pour atteindre l’objectif visé. Ceci implique qu’il est inacceptable de collecter ou de conserver des données personnelles «juste au cas où»… Si le but de la collecte est devenu obsolète, il faudra alors soit stopper PRÉSENCE EN LIGNE : À QUOI FAUT-IL PENSER La protection des données 52 la conservation des données en question, soit en considérer l’anonymisation (parfois utile pour des raisons statistiques). Lors de toutes les étapes du traitement, il faudra d’ailleurs s’interroger sur la nécessité de collecter ou de conserver certaines données et si l’objectif poursuivi par le traitement ne pourrait être atteint au moyen de données anonymisées, hors du champ de la LPD. Enfn, à partir du moment où les données en question sont communiquées à des tiers, encore plus si c’est en dehors des frontières de la Suisse, il faut savoir que toute une structure de devoirs et d’obligations supplémentaires entre en jeu. Le sujet est complexe et sort quelque peu du scope de ce LIVRE BLANC. En particulier, que ce soit au sein d’une même entreprise ou par le biais de collaborations externes, il faudra être particulièrement prudent lorsque les données sont transférées à l’étranger. Des règles strictes s’appliquent afn d’assurer la protection des données des personnes concernées et, à cet égard, il est à noter que le site du Préposé fédéral à la Protection des Données et à la Transparence (PFPDT) offre des informations et outils extrêmement utiles pour les entreprises dont le traitement des données se fait à l’étranger (www. edoeb.admin.ch/datenschutz/00626/00753/index.html?lang=fr). QUE RETENIR ? 1. En cas de traitement de données, il faudra s’interroger si ces dernières font l’objet d’une protection particulière (et de devoirs et obligations y liés), parce qu’il s’agit de données personnelles, données sensibles, ou encore profls de la personnalité. 2. Privilégier le principe de minimisation, à savoir ne traiter que les données qui sont indispensables à la fnalité identifée et ne traiter que le strict minimum. 3. Quitte à choisir, autant privilégier les données anonymes et ne jamais conserver de données « au cas où », mais les détruire ou les anonymiser une fois leur objectif devenu obsolète. PRÉSENCE EN LIGNE : À QUOI FAUT-IL PENSER La protection des données ZOOM SUR... 53 Les impacts du Règlement Général sur la Protection des Données sur les entreprises suisses Étant donné le caractère euro-compatible de la révision de la LPD actuellement en cours et l’application extra territoriale du Règlement Général sur la Protection des Données (ou RGPD) du 27 avril 2016, il convient ici de brièvement mentionner trois éléments clés de ce Règlement, qui impacteront les entreprises suisses : 1. Les entreprises suisses non-domiciliées en Union Européenne seront, elles aussi, soumises au Règlement, à partir du moment où les personnes concernées par le traitement de données sont des résidents de l’Union Européenne. 2. Alors qu’en Suisse, pour les données personnelles, le consentement n’est pas requis de manière explicite et est jugé valable à partir du moment où il est libre et éclairé, le Règlement impose d’obtenir le consentement clair et explicite de la personne concernée. En somme, il faut un acte positif clair de la personne concernée et le consentement ne saurait être présumé en cas de silence, de cases cochées par défaut, ou d’inactivité. 3. Le changement de paradigme, que représente le Règlement, est caractérisé par une mise en œuvre plus stricte et des amendes pouvant aller jusqu’à 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent (le montant le plus élevé sera retenu). PRÉSENCE EN LIGNE : À QUOI FAUT-IL PENSER La protection des données 54 Si c’est la destinée de toute entreprise innovante de voir un jour ses inventions et produits copiés par la concurrence, elle devra toutefois gagner « une longueur d’avance » sur ses concurrents si elle et ses investisseurs souhaitent valoriser et capitaliser cette activité inventive. A cet égard, le brevet est un outil incontournable. Ceci dit, il s’agit d’un outil complexe, dont l’utilisation soulève plusieurs questions. Que peut-on ou doit-on protéger par un brevet ? Quand doit-on faire appel à un expert ? Comment éviter de perdre ses droits sur son invention du simple fait d’une divulgation préma - turée ? Quand le brevet passe-t-il d’un outil défensif à une source de valeur pour l’entreprise ? Peut-on bre - veter un logiciel ? Ses questions et bien d’autres trou - veront des réponses dans les trois articles qui suivent. PROTÉGEZ LE PRODUIT DE VOS IDÉES 55 En lançant son entreprise, il est impératif de trouver un juste milieu entre deux écueils : • soit tout protéger, au risque de mal «parquer», dans des démarches juridiques coûteuses, des ressources qui auraient été mieux allouées à d’autres activités en phase de création d’entreprise ; • soit ne rien protéger, en se disant que de toute façon, à ce stade, on ne sera pas copié. En matière de marques, mais aussi de brevets, le juste milieu est d’or. Afn de trouver cet équilibre, il faut toutefois distinguer ce qui est protégeable de ce qui ne l’est pas. L’objectif de cet article est donc de fournir les informations nécessaires afn de déterminer ce que l’on pourra protéger par brevet. Il sera en outre particulièrement instructif de «capturer» certaines activités sous forme de brevet, dont on n’aurait même pas soupçonné la brevetabilité. Le lancement d’une entreprise comprend de nombreuses étapes, tant intellectuelles que matérielles ou fnancières. Certains n’hésitent pas à parler de course d’obstacles, d’autres d’un accomplissement. Une grille de lecture intéressante de cette aventure, de ce projet, serait l’image de la course d’orientation. Il faudra ainsi distinguer les périodes de courses, intenses, prenantes et passionnantes, des périodes de réfexion et de prévision, à intervalles réguliers. Car, comme en tout sujet, il peut être utile de glaner des idées afn de mûrir et de sécuriser la prise de décision, sans oublier, bien sûr, d’être équipé des bons outils ! Aussi, nous semble-t-il avantageux de prévoir une feuille de route matérialisant la stratégie de protection et les dates auxquelles prendre les décisions de protection, petites et grandes. Ces dernières peuvent être basées notamment sur la défnition de l’invention, comme un produit ou un procédé, sur son utilité technique ou commerciale, et sa capacité à protéger industriellement l’entreprise et à la mettre en valeur, notamment en termes de marketing mais également en termes fnanciers et patrimoniaux. Un des défs de la protection, au lancement de l’entreprise, est de savoir trouver un équilibre entre vouloir tout protéger, au risque d’épuiser ou de mal allouer ses ressources ; et ne rien protéger, au risque de ne plus avoir la liberté d’exploiter ses produits et ses procédés, de ne plus pouvoir concrétiser son projet et développer son entreprise, parce que quelqu’un d’autre l’aura fait avant. LE BREVET: UNE VALEUR À CONSIDÉRER SÉRIEUSEMENT DÈS LE «BUSINESS PLAN» François GRANGE Patent Engineer, Novagraaf International Switzerland SA Le brevet : une valeur à considérer sérieusement dès le business plan PROTÉGEZ LE PRODUIT DE VOS IDÉES ZOOM SUR... 56 En effet, le fait de breveter ses inventions permet d’accompagner et de sécuriser le développement des produits, en y mettant une touche fnale, et de communiquer sur les avantages de l’invention et de l’innovation de manière sereine. Les inconvénients de ne pas breveter sont que les concurrents développent des idées similaires aux vôtres, que vous auriez pu avoir, et vous empêcher ainsi de développer et commercialiser vos propres produits sur ces mêmes thématiques. La perte de gain ou de chiffres d’affaires peut être conséquente et mettre en péril l’avenir de l’entreprise. Cette perte peut également réduire vos ventes et ainsi empêcher l’amortissement des coûts de développement sur un plus grand volume d’affaires. De plus, il est intéressant de noter que les brevets ont une valeur patrimoniale pour l’entreprise en tant que droit d’interdire l’exploitation d’une invention aux tiers, mais également parce qu’ils permettent d’attribuer des licences d’exploitation et ainsi recevoir des redevances annuelles sur la durée de vie du brevet qui est généralement de 20 ans, sans que vous ayez à commercialiser vous-même l’invention sur certains territoires, par exemple. Cette valeur patrimoniale augmente la valeur intrinsèque de l’entreprise, notamment en vue d’une éventuelle vente de l’entreprise à long terme, mais également vis-à-vis de vos partenaires et banquiers à moyen terme. Abandon de brevet: le cas du hand spinner Connaissez-vous Catherine Hettinger ? C’est elle qui a inventé le hand spinner, ces petites toupies qui ont un succès incroyable auprès des enfants et que tout le monde s’arrache, si bien que les fabricants se retrouvent régulièrement en rupture de stock. Peutêtre que l’une des raisons de leur succès est justement leur prix, les plus répandues pouvant être acquises pour quelques francs à peine. Le prix s’explique du fait que l’invention, aussi prisée soit-elle, n’est plus protégée. Catherine Hettinger l’avait pourtant brevetée dès 1997 ! Malheureusement, le décollage commercial se faisant attendre et l’inventrice manquant cruellement d’argent, elle avait décidé d’abandonner le brevet en 2005, le paiement des USD 400 nécessaires à sa poursuite ne pouvant pas être versés. Dans ce cas-ci, le succès arriva trop tard et le problème est qu’il est loin d’être un exemple isolé. Le choix, si choix il peut y avoir, entre protéger et conserver sa protection et l’abandon du brevet doit donc être considéré avec attention. Le brevet : une valeur à considérer sérieusement dès le business plan PROTÉGEZ LE PRODUIT DE VOS IDÉES 57 Il nous semble judicieux de rappeler en quelques mots que pour être protégeable par un brevet, une invention doit être nouvelle, c’est-à-dire que personne, y compris soi-même, n’a rendu accessible au public la même invention ; inventive, ce qui veut dire qu’elle n’est pas évidente pour un homme du métier ; et qu’elle doit être susceptible d’application industrielle. En d’autres termes, il revient à l’entrepreneur de s’assurer, notamment grâce à une veille concurrentielle, que des produits nouveaux, similaires à l’invention que l’on souhaite breveter, ne soient pas déjà mis en vente par les concurrents. Une veille peut se baser sur la connaissance de son marché, de ses applications, de ses concurrents et des innovations attendues par les clients, ou en se rendant à des foires et autres événements publics. Cette appréciation au sens du «business» complète l’étude de brevetabilité, qu’il est opportun de réaliser en amont de l’intention de protéger ses inventions, et qui peut être effectuée par un cabinet de conseil. C’est en quelque sorte un travail à quatre mains entre l’inventeur, spécialiste de son domaine d’activité et fort de sa connaissance du métier et des affaires, et le spécialiste en brevets qui aura la charge d’assister et de traduire l’invention en protection juridique, au service de l’entreprise et de l’inventeur. Aussi est-il salutaire de s’interroger sur son activité, sur ses produits et ses procédés afn de déterminer ce qui est utile à la vie de son entreprise. La propriété industrielle n’est pas, à notre sens, une bulle en dehors de l’entreprise et du temps des affaires, mais véritablement une aide à la vie des affaires, en faveur de l’entreprise, au service de sa stratégie de développement et de sa protection, au quotidien et dans le temps. Pour l’entrepreneur, gérer le présent et préparer l’avenir doit être une audace de chaque instant. Comme la durée de protection d’un brevet est généralement de 20 ans, la protection s’étend sur une longue période et autorise un développement serein. Il conviendra donc de s’interroger sur les axes stratégiques de développement à long terme et de se détacher de l’immédiat pour conceptualiser l’entreprise dans le futur proche et le futur plus lointain. Au quotidien, le brevet permet également de motiver les équipes par la concrétisation des recherches et l’entrée de l’invention dans le monde économique, en créant de la valeur ajoutée pour l’entreprise. Les inventions ne sont pas toujours nécessairement de grandes révolutions, mais elles peuvent être le fait d’inventions peutêtre plus «modestes» dont l’utilité est néanmoins immédiate et le caractère utile fortement marqué. Il n’y pas de «petites inventions», mais des solutions techniques adaptées à un problème spécifque qu’il convient de résoudre avantageusement, et si possible le premier, afn d’obtenir une protection de son invention. Partant, assurer sa protection par un dépôt de brevet n’est que la face traditionnellement visible de l’iceberg ; la détection très en amont d’inventions insoupçonnées au sein de son entreprise à l’aide de services d’investigation novateurs comme IPCapture™ est désormais le fer de lance de ce renouveau et de cette créativité. Le brevet : une valeur à considérer sérieusement dès le business plan PROTÉGEZ LE PRODUIT DE VOS IDÉES 58 IPCapture™: le détecteur d’inventions IPCapture™ permet de déléguer à un professionnel des brevets le soin de détecter les inventions dont l’entreprise ignore l’existence en son sein, par exemple par manque de temps, par manque de recul ou par manque de personnel formé. Il s’agit de comprendre qu’une invention peut se trouver dans des pratiques banales, parce qu’on n’a pas conscience de sa valeur ou tout simplement qu’on est tellement habitué à résoudre des problèmes de façon effcace, qu’on ne se rend plus compte que l’invention peut intéresser quelqu’un. L’invention pourrait en effet être source de revenus, en concédant une licence d’exploitation, ou bloquer un concurrent, par la mise en œuvre d’une solution particulièrement effcace ou économique. Cette nouveauté et cette créativité sont des gisements de valeur ajoutée inexploités pour l’entreprise. QUE RETENIR ? 1. La protection offerte par le brevet vous permet de bloquer vos concurrents. 2. Elle sécurise et développe vos activités. 3. Protéger votre brevet encourage votre créativité. Le brevet : une valeur à considérer sérieusement dès le business plan Si vous souhaitez obtenir plus d’informations sur IPCapture™, contactez-nous à [email protected] ZOOM SUR... PROTÉGEZ LE PRODUIT DE VOS IDÉES «UNE FOIS DANS LA NATURE, LE SECRET N’EST PAS RÉCUPÉRABLE ET, QUELS QUE SOIENT LES DOMMAGES ET INTÉRÊTS QUE L’ON DEMANDERA AU COUPABLE, ILS NE SERONT JAMAIS À LA HAUTEUR DE LA VALEUR PERDUE.» 60 PROTÉGEZ LE PRODUIT DE VOS IDÉES C’est déjà lors de ses premiers balbutiements, alors que le succès paraît toutefois encore lointain et abstrait, qu’une entreprise aura à se poser la question suivante: breveter son invention ou innovation ou plutôt privilégier la voie du secret ? Le «timing» est ici crucial pour choisir l’une ou l’autre de ces voies. L’objectif de cet article est donc d’analyser de manière pragmatique les avantages (et désavantages) d’une entreprise à choisir la voie du brevet. En règle générale, le début d’un projet entrepreneurial nécessite de communiquer de manière extensive, que ce soit avec de potentiels partenaires (fabricants, fournisseurs informatiques, créatifs, etc.), avec des fnanciers (banques, investisseurs, «business angels»), ou encore avec le public (via une campagne de «crowdfunding», médias, etc.). Et la communication, on le sait, ne fait bon ménage ni avec le secret de fabrique ou d’affaires, ni avec le brevet, si l’on communique trop tôt. Quoi qu’il en soit, tout entrepreneur sait que ses concurrents l’observent de près. Cependant, communiquer reste impératif au succès et au développement du projet… LE SECRET DE FABRIQUE La voie du secret de fabrique paraît être une solution peu réalisable pour une jeune entreprise, et pourtant… Certains éléments peuvent être conservés et protégés sous la forme d’un secret. Ainsi, tous les aspects du savoir-faire et de l’optimisation peuvent faire partie du secret. Il s’agit d’un ensemble de petites solutions techniques ou commerciales qui feront la différence face à la concurrence. Ainsi, ce qui ne se voit pas, ou ne se détecte pas facilement, ou encore ce qui n’a pas besoin d’être transmis dans le cadre du fonctionnement normal de l’entreprise, sera plus facilement protégeable par un secret. JEU STRATÉGIQUE ENTRE SECRET ET BREVET Stéphane ROUX European Patent Attorney, Novagraaf International SA Jeu stratégique entre secret et brevet 61 Mais un secret qui serait révélé au public ou détectable par ce dernier lors de la commercialisation d’un produit ou d’un service ne serait plus très secret. De même, un secret qui doit impérativement être transmis à des partenaires ou sous-traitants ne serait pas un secret, mais plutôt une information confdentielle (à protéger avec un contrat !). C’est là que le secret commence à montrer ses faiblesses et qu’il faudra s’orienter vers d’autres solutions. Quelques exemples de secret : • la formulation exacte d’un cosmétique ou d’un polymère ; • une méthode ou un procédé de fabrication ; • le moteur permettant de faire fonctionner un service web. Ceux-ci ont pour avantage qu’ils ne pourront pas être facilement «découverts» par ce que l’on appelle le «reverse engineering», soit le chemin inverse qu’emprunte un inventeur pour arriver au secret, en se basant sur l’invention en elle-même. Pour mieux garder ou gérer son secret, il faudrait donc : • conserver le secret dans un lieu approprié: coffre-fort, disque chiffré, etc. Et ne pas le partager, ou alors seulement avec un minimum de personnes de confance (associés) ; • garder en tête que le secret n’a pas de durée de péremption(la fabrication de la porcelaine est restée secrète pendant plusieurs siècles) et organiser sa conservation en conséquence ; • accepter le fait que le secret n’est pas constitutif de droits: il pourra ainsi être redécouvert en toute bonne foi par un tiers (la porcelaine a fnalement pu être fabriquée en Europe après des années de tâtonnements et l’étude des porcelaines chinoises) ; • gérer le risque de manière consciente: une fois dans la nature, le secret n’est pas récupérable et, quels que soient les dommages et intérêts que l’on demandera au coupable, ils ne seront jamais à la hauteur de la valeur perdue. Jeu stratégique entre secret et brevet PROTÉGEZ LE PRODUIT DE VOS IDÉES 62 LE BREVET Le brevet implique plusieurs critères de brevetabilité, mais surtout une publication obligatoire 18 mois après son dépôt. Ainsi, à l’inverse du secret, le brevet est adapté pour ce qui doit être rendu public (mécanismes ou caractéristiques facilement visibles ou démontables) et ce qui doit être communiqué à un tiers (formulation générale d’un polymère, d’un cosmétique, etc.). Cependant, un brevet doit satisfaire 3 critères principaux de brevetabilité: • il doit protéger une invention, c’est-à-dire une solution technique à un problème technique ; ceci exclut donc les méthodes économiques ou sociales ; • l’invention doit être nouvelle, donc inconnue du public dans le monde, quelles que soient la langue, l’origine géographique ou la qualité de ce dernier ; • l’invention doit être inventive, ce qui veut dire qu’elle n’est pas évidente pour un ingénieur ou technicien du domaine (ex : remplacer un rivet par une soudure). En pratique, il faudra donc : • ne jamais dévoiler à un tiers une invention qui peut faire l’objet d’un brevet (faire signer un contrat de confdentialité ou déposer un brevet avant toute divulgation) ; • faire appel à un professionnel pour la rédaction d’une demande de brevet, les termes choisis et la façon de rédiger pouvant conduire au rejet d’un brevet ; • faire des choix sur la zone géographique où l’invention devra être protégée, étant donné qu’il n’existe pas de brevet mondial ; • maintenir un brevet en vigueur (max. 20 ans) en payant une taxe de maintien annuelle dans chaque pays choisi. Jeu stratégique entre secret et brevet PROTÉGEZ LE PRODUIT DE VOS IDÉES Bien sûr, le brevet va représenter un coût assez important, qui dépend beaucoup des pays choisis. De plus, il impose de dévoiler son invention (qui sera en général dévoilée par la commercialisation d’un produit ou service par l’entreprise). En contrepartie, un brevet s’intègre au capital intellectuel de l’entreprise et constitue donc un actif à valoriser aux yeux de fnanciers ou partenaires. Il permet de sécuriser la relation avec des sous-traitants et d’écarter les concurrents. Il est souvent vu comme une garantie par les clients. Enfn, de façon très pragmatique, un brevet écartera une concurrence asiatique très réactive et permettra à l’entrepreneur de communiquer de façon sereine avec les partenaires, fnanciers et clients de la start-up. QUELQUES CONSEILS PRATIQUES 1. Pensez à la protection de votre propriété intellectuelle, dès le début de votre projet. 2. Identifez la catégorie pertinente pour chaque élément de vos produits ou services parmi : une information confdentielle, un secret de fabrique ou commercial, une invention brevetable ou une information publique. 3. Défnissez une stratégie de protection pour chaque catégorie et tenez-vous y. 4. Mettez à jour votre stratégie à chaque changement important de votre projet. Jeu stratégique entre secret et brevet PROTÉGEZ LE PRODUIT DE VOS IDÉES 63 64 Nombre de nouvelles start-ups tablent sur une innovation dans le domaine du digital. La protection d’un logiciel au moyen de droits de propriété intellectuelle n’est toutefois pas une question si simple. Un logiciel peut-il être breveté ? Il peut certainement être copié. L’objectif de cet article est de proposer différentes options de protection en lien avec la création d’un nouveau logiciel. Sujet polémique depuis des décennies, la brevetabilité des logiciels s’est basée, notamment en Europe et dans une moindre mesure aux États-Unis, sur une construction jurisprudentielle. Ceci a pour but de contourner la diffculté d’une législation, qui interdit la protection par brevets d’invention d’un programme d’ordinateur, en tant que tel. Cette construction jurisprudentielle a défni un certain nombre de critères, en premier rang desquels celui du « caractère technique », pour déterminer ce qui peut faire l’objet d’une protection par brevets. Cette solution permet ainsi de protéger la fonction sous-jacente liée à l’exécution du logiciel, de ce qui en est exclu. A noter toutefois qu’en cas d’exclusion du champ de protection par brevets, les logiciels pourront toujours faire l’objet de protections alternatives contre la copie servile, comme par exemple le droit d’auteur qui naît automatiquement de la création du logiciel. PROTÉGEZ LE PRODUIT DE VOS IDÉES QUELLE PROTECTION POUR LES LOGICIELS ? Philippe VIGAND Managing Director, European Patent Attorney, Novagraaf International SA Quelle protection pour les logiciels ? 65 Avant d’entreprendre une protection par brevet, il est donc important de se poser quelques questions : • Quel est le cœur de mon invention, que je ne souhaite pas voir repris par mes concurrents ? De quelle manière cette partie essentielle interagit avec son environnement lors de son exécution dans un appareil, un système, un algorithme, une méthode, ou un réseau ? S’agit-il d’un traitement de données ou est-ce le logiciel en tant que tel ? • Quelle est l’étendue géographique de protection souhaitée ? Selon les pays dans lesquels une protection est souhaitée, il sera possible ou non d’envisager une protection par brevets, suivant l’appréciation de chaque pays en matière de brevetabilité des logiciels. Ainsi, en Europe par exemple, le « caractère technique » pourra être reconnu pour les méthodes de surveillance d’un procédé industriel, de traitement de données représentant des grandeurs physiques (température, taille, forme, etc.) et les fonctions internes de l’ordinateur, tandis qu’il sera dénié pour des considérations relatives au mode de fonctionnement d’un système fnancier. Aux États-Unis, une application pratique d’une idée abstraite permettant d’obtenir un «résultat utile, concret et tangible» pourra être considérée comme brevetable. Enfn, outre le «caractère technique», la protection par brevets nécessite de satisfaire plusieurs autres critères, en particulier le critère de nouveauté (aucune divulgation antérieure au dépôt de la demande de brevet ne doit être faite de l’invention) et surtout le critère d’activité inventive (ou non-évidence) qui nécessite que la solution apportée au problème technique rencontré ne soit pas le résultat immédiat de l’application de mesures connues. Ces questions de brevetabilité des logiciels restent complexes et nécessitent une expertise technique et juridique de la législation des différents états, afn de garantir une protection adéquate. C’est pourquoi, le recours à un spécialiste en propriété industrielle s’avère la plupart du temps nécessaire pour la préparation d’une demande de brevet. L’aide d’un spécialiste est particulièrement recommandée pour ce qui touche à la formulation de l’invention, au travers de la rédaction des revendications qui défnissent l’objet de la protection recherchée par le déposant et qui doivent respecter les exigences formelles prévues dans les différentes législations sur les brevets des pays considérés. En effet, les revendications doivent être formulées selon des règles précises et propres à chaque pays, tout en tenant compte par exemple du support sur lequel le logiciel sera commercialisé (CD-ROM, clé USB, Internet, cloud-base, etc.). PROTÉGEZ LE PRODUIT DE VOS IDÉES Quelle protection pour les logiciels ? En conclusion, même si la protection des logiciels peut s’avérer longue, couteuse et nécessiter l’expertise d’un spécialiste, elle fournit une protection effcace des résultats et investissements de la R&D. Le dépôt d’une demande de brevet est l’étape cruciale de l’ensemble du processus, dans la mesure où elle permet de déterminer si une protection par brevet est envisageable et que toutes les modifcations ultérieures seront limitées au contenu initial de cette demande. Enfn, en fonction de l’obtention d’une protection ayant une portée optimale ou réduite, voire d’un refus de la demande, dépend l’accès à votre invention par vos concurrents avec ou sans contrepartie. PROTÉGEZ LE PRODUIT DE VOS IDÉES Quelle protection pour les logiciels ? 66 QUE RETENIR ? 1. Un logiciel sera brevetable dans certains cas. Quoi qu’il en soit, il bénéfcie d’une protection par droit d’auteur dès sa création. 2. Étant donné les avantages d’une protection par brevet, il peut s’avérer utile d’explorer cette piste avec l’aide d’un spécialiste. 3. Le critère de nouveauté étant crucial en matière de brevet, la brevetabilité d’un logiciel devra être abordée avant sa divulgation. La propriété intellectuelle n’est pas un coût, mais un investissement pour l’entreprise. Si dans l’abstrait – et avec Coca Cola ou Apple à l’esprit, on peut le concevoir - une start-up aura plus de peine à identifer les avantages concrets et immédiats d’investir dans ses biens immatériels, ces derniers existent pourtant. Comment peut-on concrètement capitaliser sur sa propriété intellectuelle ? Répondre à cette question est l’objectif des quatre articles suivants. CAPITALISEZ SUR VOTRE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE 67 68 L’une des priorités incontournables de toute start-up est évidemment de trouver les fonds nécessaires à son développement. Nombre d’entre elles font donc appel à des investisseurs privés. Quel rôle la propriété intellectuelle joue-t-elle dans le choix de ces derniers d’investir dans une entreprise plutôt que dans une autre ? Les actifs de propriété intellectuelle peuvent aider start-ups et PMEs à justifer le montant de leur demande de fonds auprès d’investisseurs, de prêteurs ou d’acheteurs. L’investisseur ou prêteur, qu’il s’agisse d’une banque, d’une institution fnancière, d’un spécialiste du capital-risque ou d’un investisseur privé, devra vérifer, pour apprécier la demande d’aide ou de prêt fnancier, si le produit ou le service, novateur ou non, est protégé par un brevet, une marque, un dessin ou modèle industriel, un droit d’auteur ou des droits connexes. Une protection de cette nature est souvent un bon indicateur du potentiel dont la PME dispose pour réussir sur le marché. La titularité de droits de propriété intellectuelle est ainsi un élément important pour convaincre les investisseurs, prêteurs et acheteurs des opportunités qui s’offrent à l’entreprise sur le marché pour commercialiser le produit ou le service développé par la PME. Parfois, un brevet unique permettra d’ouvrir les portes de nombreuses perspectives de bénéfces. La titularité des droits de propriété intellectuelle rattachés aux produits ou services commercialisés par une entreprise garantit un certain degré d’exclusivité et, par conséquent, une part plus élevée du marché, si le produit ou service a du succès auprès des consommateurs. Les investisseurs ou prêteurs apprécient de diverses façons les actifs de propriété intellectuelle et attachent des degrés différents d’importance aux droits de propriété intellectuelle. PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ET INVESTISSEURS Michel BERTSCHY Avocat, Expert de l’OMPI en matière de noms de domaine Propriété intellectuelle et investisseurs CAPITALISEZ SUR VOTRE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE 69 5 Swiss Venture Capital Report 2017, SECA – Swiss Private Equity & Corporate Finance Association On tend toutefois nettement à miser de plus en plus sur les actifs de propriété intellectuelle, qui représentent un atout concurrentiel pour les entreprises. Aussi, les investisseurs ou prêteurs se tournent-ils toujours plus vers les entreprises qui disposent d’un portefeuille de propriété intellectuelle bien géré, bien qu’ils se heurtent, même dans les pays développés, à un grand nombre de nouveaux problèmes et enjeux. Par conséquent, les propriétaires ou dirigeants d’une PME doivent prendre des mesures en vue d’appréhender la valeur commerciale des actifs de propriété intellectuelle de l’entreprise, en veillant à les faire évaluer par des spécialistes (vendor due diligence) si nécessaire, ainsi que toutes instructions éventuelles pour dûment les déclarer en détail dans les registres comptables et au bilan. Veillez surtout à indiquer les actifs de propriété intellectuelle de votre PME dans le plan d’entreprise que vous présenterez aux investisseurs ou prêteurs éventuels. Pour ce faire, il faut au préalable se placer dans la position des investisseurs ou prêteurs potentiels. Nombre d’entreprises « innovantes » cherchent à renforcer leur fonds propres chaque année. Peu d’entre elles parviennent à lever des fonds auprès de fonds de capital-risque ou de Business Angels. En 2016, le volume investi dans les start-ups en Suisse était de 909 millions de francs suisse (dont la moitié, 461.7 millions de francs dans des sociétés établies dans le canton de Vaud !)5 . Or, la demande de fnancement est très largement supérieure à l’offre. L’exercice de la levée de fonds est donc délicat et a statistiquement peu de chances d’aboutir. Il faut donc mettre toutes les chances de son côté. A supposer que l’entrepreneur ait intéressé un ou plusieurs investisseurs, un ou plusieurs term sheets (document synthétisant les différents points d’une transaction entre les personnes concernées avant la conclusion éventuelle d’un pacte d’actionnaire) seront alors signés. Ce document inclut les conditions du déroulement des étapes suivantes de la négociation et en particulier celles de la due diligence, qui peut durer de deux à six semaines. Il fxe également les audits à réaliser et leurs coûts pendant la période de due diligence. La due diligence permet à l’investisseur de contrôler l’organisation et la structure de la société et de déterminer sa valeur. Une fois les audits réalisés, différents rapports sont remis par les prestataires de service (avocats, fduciaires) aux investisseurs. Mais comment franchir cette étape sans diffcultés ? Pour qu’une due diligence se déroule correctement, l’entrepreneur doit avoir organisé toute sa documentation administrative de manière méthodologique, dans des classeurs ou encore dans une dataroom électronique. Il doit faire preuve d’une organisation sans faille en séparant sa documentation juridique de sa documentation fscale et encore de sa documentation sociale. Propriété intellectuelle et investisseurs CAPITALISEZ SUR VOTRE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE 70 Il arrive trop souvent que l’absence réelle d’organisation administrative donne une impression négative et suscite le soupçon que l’entrepreneur cherche à cacher quelque chose, surtout lorsque les documents demandés ne se trouvent pas dans la dataroom ou tardent à être livrés. Il ne faut pas oublier que la due diligence est facturée à l’investisseur et lui coûte cher. Il existe différents types d’audits, dont trois sont usuels. L’audit fnancier permettra à l’investisseur de connaître les comptes de la société, l’audit juridique de valider la conformité des contrats de travail ou des contrats commerciaux et enfn, l’audit de propriété intellectuelle qui vérifera si une marque ou un nom de domaine appartient bien à la société. Le cas échéant les investisseurs peuvent demander des ajustements ou des rectifcations. Il peut ainsi arriver par exemple que le nom de domaine ou la marque appartienne à l’entrepreneur et non à sa société. La due diligence est un passage obligé. L’anticiper permet d’éviter bien des soucis, de gagner du temps et de faire une excellente impression sur les équipes chargées de la réaliser. Une due diligence peut être réalisée pour le compte de l’entrepreneur. Dans ce cas, elle se nomme une vendor due diligence. Afn de mettre toutes les chances du côté de l’entrepreneur, l’établissement d’un business plan qui inclut la propriété intellectuelle est la bonne option. Au moment de prendre la décision fnale d’investir ou non, les investisseurs cherchent à avoir l’assurance que les actifs tant matériels qu’immatériels soient bien la propriété de l’entreprise. Il arrive trop souvent que la titularité des droits de propriété intellectuelle soient dispersés entre le fondateur, son associé, personnellement, des employés et l’entreprise. L’impression de désordre donné par cet état de fait est irréparable et peut conduire au renoncement de l’investisseur. Pour les entreprises dépendant de l’existence et de la protection de leur propriété intellectuelle, il est en effet nécessaire d’avoir une gestion aussi performante que possible de sa propriété intellectuelle. Crowdfunding et propriété intellectuelle En matière de premier fnancement, il est indéniable que le crowdfunding est un outil extrêmement en vogue et sera amené à occuper une place de plus en plus importante lors du démarrage de maintes entreprises. Des concepts, des plus épurés aux plus détaillés, enrichissent les plateformes de crowdfunding à la recherche de fonds. La suite à la page suivante ! La suite ! CAPITALISEZ SUR VOTRE Propriété intellectuelle et investisseurs PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ZOOM SUR... Dans cette phase cruciale de démarrage, les problématiques de propriété intellectuelle occupent en général la dernière place des pré- occupations de l’entrepreneur. Cela ne devrait pas être le cas toutefois et bon timing et propriété intellectuelle vont de pair. De prime abord, le choix semble cornélien: le concept en soi ne peut pas être protégé, mais pour obtenir des fonds, il va bien falloir le divulguer, au risque de se le faire voler… Pas forcément. Et c’est là qu’une bonne compréhension (et utilisation !) de la propriété intellectuelle devient un excellent atout. Le concept – l’idée – n’est certes pas protégeable en soi. Mais, un plexus de différents droits de propriété intellectuelle peut l’encadrer de manière extrêmement effcace. Là où un droit trouve ses limites, un autre le rejoint et c’est ensemble qu’ils s’imbriquent afn de former une protection cohérente et solide. De l’autre côté, faites attention, si votre entreprise repose sur une invention ou innovation, il faudra en effet s’être assuré d’avoir proté- gé cette dernière au moyen d’un brevet avant sa divulgation sur une plateforme de crowdfunding. Sans cela, et en fonction du degré de divulgation, vous ne pourrez plus la protéger au moyen d’un brevet et offrez votre travail à la concurrence pour ainsi dire sur un plateau d’argent. QUE RETENIR ? 1. Une bonne gestion de la propriété intellectuelle est une indication pour l’investisseur du sérieux d’une entreprise et un atout majeur lors d’une opération de levée de fonds. 2. L’audit de propriété intellectuelle s’insère dans la due diligence effectuée par l’investisseur. 3. Une propriété intellectuelle pas ou mal gérée sera perçue comme un risque pour l’investisseur, qui choisira alors plutôt d’investir ailleurs. Propriété intellectuelle et investisseurs CAPITALISEZ SUR VOTRE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE 71 Vous souhaitez mettre en place une campagne de crowdfunding et vous avez besoin de conseils en PI ? N’hésitez pas à nous contacter à [email protected] «IL S’AGIT, AVANT DE SE LANCER, DE SAVOIR OÙ L’ON SOUHAITE SE DIRIGER, DE DÉLIMITER LES SERVICES QUE L’ON VEUT EXPLOITER EN TANT QUE SOURCE DE REVENUS, ET PAR CONSÉQUENT « SORTIR » DE SA SPHÈRE DE CONTRÔLE, ET ENFIN DE CHOISIR LE MODÈLE DE COLLABORATION QUE L’ON SOUHAITE AVOIR AVEC SES PARTENAIRES.» 73 Si, comme de nombreuses entreprises actives dans le domaine des services, vous êtes à l’heure actuelle dans le business de l’immatériel : des idées, des données, ou de l’information, il est fort à parier que votre atout principal réside dans votre propriété intellectuelle. Ce sera donc sur cette dernière que vous capitaliserez lors du développement de votre entreprise, que ce soit son entrée en bourse, aussi bien que la vente, la création de licences ou la mise en place d’un système de franchises. Pour un grand nombre d’entreprises et en particulier des petites et moyennes structures, la protection à titre de propriété intellectuelle relève purement des coûts. Or, une organisation bien construite de ses droits de PI en vue de la génération de revenus peut permettre de déplacer la tension autour des coûts vers une valeur réelle de tels actifs. Les moyens juridiques à disposition des titulaires de biens immaté- riels afn de générer des revenus n’ont que peu de limites en droit suisse, particulièrement favorable à la liberté contractuelle. Nous retiendrons dans le cadre de cet article les deux modèles suivants, particulièrement adaptés aux petites structures : le contrat de licence et le contrat de franchise. Des contrats hybrides peuvent bien entendu venir se greffer sur ces deux modèles. En préambule toutefois, les quelques recommandations suivantes sont à prendre en compte avant de se lancer dans l’organisation d’un réseau avec des partenaires. COMMENT CAPITALISER SUR SES ACTIFS IMMATÉRIELS ? Chantal KOLLER Managing Director, IP Counsel, Novagraaf Switzerland SA Comment capitaliser sur ses actifs immatériels CAPITALISEZ SUR VOTRE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE 74 BIEN CONNAÎTRE SON PORTEFEUILLE Et surtout l’adapter et le préparer au mieux pour le futur réseau à construire. Les questions suivantes peuvent être discutées en interne, dans le cadre de l’élaboration de son business plan, mais également avec son conseil en PI : • Quelle entité est/sera titulaire des droits de PI ? • Quelle(s) marque(s) a/ont été enregistrée(s) ? Les sousmarques font-elles partie du lot ? • Quels sont les produits/services couverts par ces enregistrements ? Les développements futurs de l’entreprise sont-ils couverts ? • Quel territoire est couvert par la protection de PI et est-ce que celui-ci est adapté au réseau à construire ? On le voit d’après ces questions fondées sur les quatre piliers fondateurs des droit de PI (Who ?, What ?, What for ? et Where ?), les choix à effectuer relèvent principalement d’aspects intimement liés au développement entrepreneurial et non à des questions juridiques. Il s’agit donc, avant de se lancer, de savoir où l’on souhaite se diriger, de délimiter les services que l’on veut exploiter en tant que source de revenus, et par conséquent « sortir » de sa sphère de contrôle, et enfn de choisir le modèle de collaboration que l’on souhaite avoir avec ses partenaires. CHOISIR SON MODÈLE DE COLLABORATION Si la franchise permet au titulaire des droits de PI de conserver un contrôle important sur sa marque, il requiert toutefois une implication de ce dernier qui peut rebuter certains entrepreneurs. L’élaboration préalable d’un manuel des franchisés détaillant tous les aspects de l’usage de la marque ainsi que les bonnes pratiques et méthodes commerciales propres à l’entreprise « mère » est une étape indispensable. Cet outil permettra en effet non seulement de s’assurer que la marque survive commercialement, mais également de garantir l’existence de documents et éléments probants d’un point de vue juridique pour la survie légale du droit qui y est rattaché. Un contrôle périodique des franchisés, ainsi qu’une assistance dans le démarrage des affaires du franchisé est par ailleurs nécessaire tout au long du partenariat, qui est rarement envisagé en dessous d’une période de 7-10 ans. Le franchisé quant à lui doit être au clair sur le fait qu’il est l’unique responsable de la survie économique de son activité et que la marque pour laquelle il travaille ne lui appartient pas. A l’inverse, le contrat de licence sera plus souple sur les questions de contrôle, bien que l’élaboration d’une charte graphique quant à l’usage de la marque telle qu’elle est enregistrée et la détermination des produits et services pouvant être exploités sont également des composantes essentielles de ce contrat. CAPITALISEZ SUR VOTRE Comment capitaliser sur ses actifs immatériels PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE 75 La liberté commerciale du partenaire dans le cadre d’un contrat de licence est plus large et surtout peut être plus facilement déterminée par les partenaires dans le cadre de l’élaboration de leur contrat. Un contrat de licence permet également une durée moins longue que celle de la franchise, en général. BIEN CHOISIR SES PARTENAIRES Avant de se lancer dans de tels partenariats, il faut choisir des licenciés ou franchisés qui auront, idéalement, de l’expérience dans votre domaine, connaissent votre marché et ses acteurs, comprennent et partagent vos valeurs et ambitions à moyen ou long terme et les défendent. Les questions suivantes doivent être abordées avant l’élaboration d’un contrat : • Quel territoire souhaite-t-on couvrir dans le cadre de ce partenariat ? • Le partenaire sera-t-il au bénéfce d’une exclusivité ? Celle-ci est-elle souhaitée ? • Le licencié/franchisé pourra-t-il concéder des sous-licences ou franchises dans le même territoire ? • Quel sera le modèle de revenu ? Une somme forfaitaire est-elle à verser au titulaire de la marque ou des royalties seront-elles calculées sur la base d’un chiffre d’affaire ? Avec quelle récurrence ? • Un manuel d’utilisation de la marque doit être élaboré et approuvé par le preneur de licence/franchise comme part inté- grante du contrat ; ce document existe-t-il et aborde-t-il tous les aspects ? Est-il bien compris de tous les partenaires ? • Quels sont les moyens de contrôle, vérifcation et reporting à mettre en place afn d’assurer l’usage correct de la marque et donc sa survie économique et juridique ? Comment capitaliser sur ses actifs immatériels CAPITALISEZ SUR VOTRE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE VALORISER SES DROITS Afn de pouvoir tirer des revenus de vos titres de PI (valorisation de la propriété intellectuelle), il vous appartient de mettre en place les paramètres de votre succès et de celui de vos partenaires. En effet, les questions évoquées ci-dessus et par conséquent les points essentiels des contrats de licence et de franchise sont ceux qui seront pris en compte par les experts de la valorisation pour déterminer la valeur de vos biens immatériels. Une telle valorisation peut s’avérer utile lorsque vous souhaitez vendre votre entreprise, ouvrir votre capital à de nouveaux investisseurs, ou encore, entrer en bourse. Le succès de vos partenariats peut donc vous mener à une belle réussite économique. Toutefois, cela n’arrive pas en un battement de cils. Des collaborations effcaces sont basées sur la confance réciproque et une vision commune à long terme. QUE RETENIR ? 1. Si vous souhaitez un jour pouvoir capitaliser sur votre propriété intellectuelle, assurez-vous d’abord d’avoir «verrouillé» vos droits à temps et de manière cohérente. 2. Choisissez vos partenaires et le modèle de collaboration avec soin, en fonction des envies et des moyens communs. 3. La valeur de votre propriété intellectuelle peut être calculée objectivement sur la base de contrats de collaboration. Faites appel à un spécialiste avant de fxer la valeur de votre entreprise. Comment capitaliser sur ses actifs immatériels CAPITALISEZ SUR VOTRE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE 76 77 On l’a compris, une valorisation optimale du capital immatériel de l’entreprise passera par une gestion des risques effcace et structurée. Ceci dit, ce n’est pas toujours chose aisée, en particulier lorsque le modèle de valorisation repose sur des partenariats. A cet égard, il est devenu impossible de faire l’impasse sur l’élaboration de contrats complexes et rédigés d’une main experte. Au-delà d’une minimisation des risques encourus, de bons contrats s’avéreront avec le temps être un atout indéniable pour votre entreprise. Le développement technologique fulgurant de ces dernières années vous a permis de mettre en place, par exemple, une nouvelle solution IT ou d’identifer une molécule prometteuse. Vous avez en outre fait l’effort de créer votre start-up, le cas échéant au travers d’un ou plusieurs rounds de fnancement exigeants, et de protéger votre technologie de façon appropriée. Le moment est désormais venu de la commercialiser ou d’interagir avec d’autres sociétés pour continuer à la développer ! Vous vous dites peut-être que votre technologie est robuste ou que vos futurs partenaires sont fables, et donc qu’un accord oral ou un bref contrat écrit devrait suffre. En un sens, c’est correct: une technologie robuste ou un partenaire fable est la meilleure garantie pour le futur. Mais l’expérience montre que c’est malheureusement insuffsant et qu’il faut disposer de contrats adaptés. Imaginez par exemple que votre solution IT ne soit pas aussi solide que vous le pensez et qu’elle plante alors que votre client est en train de l’utiliser dans le cadre d’une opération essentielle pour lui. Autre situation à laquelle on ne pense pas toujours à l’avance: si vous envisagez un exit dans cinq ou dix ans, votre acquéreur potentiel exigera une due diligence des contrats avec vos clients et vos partenaires afn de s’assurer que votre business ne présente pas de risque juridique majeur. Diffcile de passer ce test en l’absence de contrats bien préparés… LA VALORISATION PAR LES RELATIONS COMMERCIALES: LES CONTRATS DANS LE SECTEUR HIGH-TECH Adrien ALBERINI Avocat, Associé chez sigma legal avocats, Docteur en droit, LL.M. (Stanford) La valorisation par les relations commerciales : CAPITALISEZ SUR VOTRE les contrats dans le secteur high-tech PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE 78 Nous disions en introduction de cette partie que le secteur des nouvelles technologies s’est fortement développé ces dernières années ; il en va logiquement de même de l’activité de rédaction de contrats, dont l’objectif est d’assurer qu’ils répondent au mieux aux potentiels problèmes que posent les modèles d’affaires basés sur les nouvelles technologies : • Dans le secteur IT par exemple, un contrat de développement de logiciel avec installation dudit logiciel sur les serveurs du client appellera une approche juridique différente de la mise à disposition d’une solution cloud, car l’utilisation de la technologie et de la propriété intellectuelle (PI) diffère dans les deux cas. En effet, dans le cas de l’installation du logiciel, une copie dudit logiciel est effectuée, de sorte qu’une licence est requise. En cas d’accès au logiciel à distance (cloud), c’est un service qui est fourni par le prestataire IT, raison pour laquelle on parle d’ailleurs de Sofware-as-a-Service (SaaS, ou XaaS en cas d’accès à des solutions plus complexes). Dans ce cas, c’est une souscription qui est nécessaire. La distinction entre la licence et la souscription a des répercussions multiples sur le contrat. • Si vous êtes actif dans le secteur biotech et que vous envisagez de coopérer avec une autre entreprise, faites notamment bien attention à la manière dont le license grant est formulé: quelle(s) molécule(s), quel(s) droit(s) de PI, quel(s) usage(s) ? Le choix des bons mots est crucial dans ce cadre. Un choix inadéquat peut conduire à «offrir» votre technologie à un tiers. S’agissant par exemple de l’usage que l’on souhaite concéder, il est essentiel de réféchir aux champs d’application de la technologie en cause (felds of use), notamment à la lumière des revendications (claims) couvertes dans un éventuel brevet. Anticipez en outre d’autres questions essentielles dans vos contrats. Par exemple, votre client vous fournit certainement des informations et on peut s’attendre à ce qu’il continue de développer votre technologie. Il faut vous assurer que ces informations et follow-up innovations présentent des garanties suffsantes et que vous obtenez les droits adéquats sur ces éléments. Autre élément-clé: vous formez, d’une certaine manière, une équipe avec votre client ou votre partenaire ; il faut donc que vous régliez dans votre contrat la manière dont vous allez vous organiser si un tiers décide d’attaquer votre technologie. La valorisation par les relations commerciales : CAPITALISEZ SUR VOTRE les contrats dans le secteur high-tech PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE 79 Enfn, et quand bien même vous êtes une start-up, vous ne pouvez pas faire abstraction, notamment dans vos contrats, de certaines règles impératives qui sont imposées par l’ordre juridique (c’est ce qu’on appelle couramment le regulatory ). Par exemple, certaines restrictions contractuelles qui portent sur les activités de R&D sont prohibées par le droit de la concurrence. Il en va de même de certaines interdictions contractuelles de remettre en question la validité des droits de PI. Dans un autre registre, les contrats dans le domaine des nouvelles technologies impliquent souvent des données personnelles et il est essentiel de réglementer le traitement de ces données par des clauses contractuelles adéquates. Vous pourrez même aller plus loin encore: avec un peu de temps et de pratique, vous ne réféchirez plus seulement en termes de protection de vos activités, mais de valorisation accrue de votre technologie et de votre propriété intellectuelle par vos contrats. Vous constaterez par exemple qu’une connaissance subtile en matière contractuelle vous permettra de refuser certaines obligations que vos clients ou partenaires tenteront de vous imposer. En outre, vos contrats contribueront à communiquer votre vision commerciale à vos clients et vos partenaires. Enfn, et c’est peut-être au fnal le point le plus essentiel, les questions que vous vous poserez sous l’angle contractuel alimenteront vos réfexions en termes de développement technologique et d’approche du marché, participant ainsi à l’évolution constante de votre activité. QUE RETENIR ? 1. Les contrats dans le secteur high-tech font partie intégrante de la stratégie technologique et commerciale. 2. Ces contrats exigent une customisation importante pour reféter votre straté- gie technologique et commerciale. 3. L’absence de contrats adaptés peut porter préjudice non seulement en cas de défaillance de la technologie, mais aussi en cas de planifcation d’un exit, mettant ainsi en péril tous les autres efforts de valorisation de la technologie et de la propriété intellectuelle. 4. Compte tenu de ce qui précède, il faut percevoir les connaissances en matière contractuelle non pas comme une charge, mais comme un véritable atout. La valorisation par les relations commerciales : les contrats dans le secteur high-tech CAPITALISEZ SUR VOTRE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE «TOUTE ENTREPRISE PEUT ENVISAGER LA CRÉATION D’UN RÉSEAU DE FRANCHISE SI ELLE PEUT OFFRIR À DES PARTENAIRES LES CONDITIONS DE LEUR RÉUSSITE.» 81 La franchise a décidément la cote ces temps-ci. C’est en effet un moyen idéal pour une start-up d’atteindre une extension et croissance territoriale ambitieuse en répliquant l’idée de base avec l’aide de franchisés. Pour lancer une franchise, il faut toutefois respecter des conditions bien précises, notamment juridiques, et disposer de certains éléments. L’objectif de cet article est de poser les conditions nécessaires à l’établissement d’une franchise, sans quoi cette dernière ne pourra ni décoller, ni se développer. Ceci permettra de les mettre en place dès le départ. Vous êtes à l’origine d’un concept original, votre entreprise est forissante et vous souhaitez accélérer son développement : pourquoi ne pas envisager la création d’un réseau de franchise ? QU’EST-CE QUE LA FRANCHISE ? La franchise est un partenariat entre deux entreprises fnancièrement et juridiquement indépendantes: un franchiseur et un franchisé. A travers ce partenariat, vous octroyez le droit et imposez l’obligation au franchisé d’exploiter un point de vente en conformité avec le concept que vous avez élaboré. Un concept étant la conjonction d’une marque, d’un savoir-faire et d’une gamme de produits qui, à eux trois, constituent l’identité de votre enseigne. Le franchisé bénéfcie d’une assistance pour mettre en œuvre votre concept dans son point de vente (formation, coaching, etc.) et vous reverse en contrepartie, une redevance, généralement calculée sur le chiffre d’affaires réalisé. PME, COMMERÇANTS: DUPLIQUEZ VOTRE SUCCÈS GRÂCE À UN DÉVELOPPEMENT EN FRANCHISE ! Chloé LAVIE Directrice de REMI(DEV), l’agence de développement du commerce en réseau PME, commerçants : dupliquez votre succès CAPITALISEZ SUR VOTRE grâce à un développement en franchise ! PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE 82 QUELS SONT LES AVANTAGES DE CE MODE DE DÉVELOPPEMENT ? En offrant la possibilité à un partenaire franchisé de dupliquer votre concept dans son propre point de vente, vous touchez une clientèle plus large, vous renforcez la présence de votre marque sur le territoire national et accélérez ainsi votre développement. Pourquoi avoir recours à un partenaire franchisé plutôt que d’ouvrir soi-même de nouvelles unités ? • Dans le cadre d’un développement en franchise, l’investissement initial est moindre car le franchisé fnancera lui-même la création de son point de vente. • L’implication d’un chef d’entreprise ayant investi dans sa propre activité est souvent plus forte que celle d’un gérant salarié. La franchise : une marque protégée Un point important à retenir en lien avec la franchise est le fait qu’elle se développe et grandit autour d’une marque protégée. Sans marque enregistrée, et donc de droits de propriété intellectuelle bien verrouillés, il ne peut y avoir de contrat de franchise. Si vous avez en tête de développer votre concept au moyen de la franchise, alors il faudra vous assurer, non seulement de disposer d’une marque enregistrable – et non pas d’un simple nom décrivant vos activités – mais aussi d’avoir effectué les démarches nécessaires à sa protection en Suisse et dans les pays où vous êtes en discussion avec de potentiels franchisés. PME, commerçants : dupliquez votre succès CAPITALISEZ SUR VOTRE grâce à un développement en franchise ! PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ZOOM SUR... 83 QUELLES SONT LES CONDITIONS PRÉALABLES REQUISES POUR DÉVELOPPER UN RÉSEAU DE FRANCHISE ? Le succès de ce mode de développement dépendra de votre capacité à mener vos franchisés à la réussite. Toute entreprise peut envisager la création d’un réseau de franchise si elle peut offrir à des partenaires les conditions de leur réussite. A travers la lecture du code européen de déontologie de la Franchise, nous identifons quatre conditions à la création d’un réseau de franchise : 1. Un concept exploité avec succès au sein d’une unité pilote Selon le code européen de déontologie de la franchise: «Le franchiseur devra avoir mis au point et exploité avec succès un concept pendant une période raisonnable et dans au moins une unité pilote avant le lancement du réseau». Le concept doit avoir été testé par vos soins. Vous devez par ailleurs être en mesure de démontrer que son exploitation permet de dégager un chiffre d’affaires suffsant pour assurer la rentabilité d’une entreprise. 2. Un savoir-faire à proposer au franchisé A travers votre expérience, vous devez avoir élaboré un savoir-faire conséquent et original dont vous ferez bénéfcier vos franchisés. Votre savoir-faire pourra être: • mis à disposition du franchisé au travers de services: accès à une gamme de produits élaborés par l’enseigne, accès des outils informatiques, etc. ; • transmis au franchisé au travers de formations ou supports pédagogiques. 3. La volonté et la capacité d’apporter un accompagnement de qualité Un franchiseur doit être en mesure d’accompagner ses franchisés dans la mise en œuvre de son concept. Cela suppose que vous, ou vos équipes, puissiez dégager du temps pour être à leurs côtés au démarrage de l’activité et pendant la durée du contrat. Vous devrez également vous doter d’outils (support de formation, outils de communication interne, outils de «reporting», etc.) pour assurer un suivi de qualité. 4. Une marque protégée La marque est l’un des éléments clés d’un concept. En octroyant le droit à votre franchisé de dupliquer votre concept, vous l’autorisez à utiliser votre marque et les signes de ralliement de l’enseigne. Ceux-ci doivent donc être correctement protégés CAPITALISEZ SUR VOTRE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE PME, commerçants : dupliquez votre succès grâce à un développement en franchise ! QUELLES SONT LES CLÉS D’UN DÉVELOPPEMENT RÉUSSI ? Le choix des franchisés est fondamental dans un projet de création de réseau. Ces derniers devront avoir la capacité de gérer une unité de vente, ils devront adhérer aux valeurs de l’enseigne et avoir la volonté de se conformer au concept tel que vous l’avez élaboré. Un développement réussi repose sur une relation saine et équilibrée entre un franchiseur et ses franchisés. Il vous faudra pour cela être présent et à l’écoute de ces derniers et mettre au point un contrat équilibré qui posera les bases d’une relation durable entre vous. Vous devrez par ailleurs vous doter d’outils d’animation qui vous permettront d’assurer un suivi et un accompagnement de chaque franchisé: Un manuel opérationnel qui retranscrit votre savoirfaire, des outils de reporting afn de réaliser un suivi de la situation de chaque franchisé et lui apporter un accompagnement adapté, etc. La création d’un réseau de franchise est une expérience très enrichissante et très satisfaisante: vous accompagnerez vos partenaires dans l’aventure de l’entrepreneuriat et partagerez avec eux votre passion pour votre métier. Cependant, le métier de franchiseur est un métier extrêmement exigeant qui suppose l’acquisition de deux nouvelles compétences : le développement (recrutement des franchisés) et l’animation de réseau (formation et accompagnement des franchisés). 1. La franchise est un partenariat gagnant-gagnant entre deux entrepreneurs indépendants. 2. La franchise est un excellent moyen d’accélérer son développement grâce à un investissement limité. 3. Le succès de ce mode de développement dépend de votre capacité à mener des franchisés au succès. 4. Le choix des partenaires et la qualité de la relation qui s’établira entre vous sont des éléments fondamentaux d’un développement réussi. QUE RETENIR ? PME, commerçants : dupliquez votre succès grâce à un développement en franchise ! CAPITALISEZ SUR VOTRE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE 84 85 Si, à ce stade, vous avez une meilleure compréhension des problématiques liées à la propriété intellectuelle, mais également des opportunités qu’elle peut offrir pour votre entreprise, alors l’objectif de ce LIVRE BLANC est pleinement atteint. S’il y a quelques principes essentiels à dégager de la lecture de ce LIVRE BLANC, les voici: En ce qui concerne la propriété intellectuelle, le timing est essentiel. L’ignorer, c’est aller au-devant de problèmes importants qu’il aurait toutefois été aisé d’anticiper. Fermer les yeux sur cet aspect de la création de votre entreprise n’est plus excusable à l’heure actuelle. Il en va de la pérennité de l’entreprise. Étant donné l’importance qu’occupe le timing en lien avec les questions de propriété intellectuelle, le secret est donc de se poser les bonnes questions au bon moment. Une approche stratégique progressive sera alors préférée au désastre budgétaire qu’une protection exhaustive prématurée de votre propriété intellectuelle constituerait. Nous saurons vous guider en ceci. Un expert en propriété intellectuelle saura vous assurer une optimisation et une valorisation maximale du profl immatériel de votre entreprise. Dans ce LIVRE BLANC, nous avons choisi de présenter des principes généraux de droit de propriété intellectuelle, tout en nous focalisant sur la manière dont cette branche du droit peut répondre aux besoins des start-ups et PMEs et leur permettre de construire leur capital immatériel. Alors que cette approche a l’avantage de vous donner une perspective générale sur cette thématique, nous devons rappeler que ce LIVRE BLANC ne peut en aucun cas se substituer à une consultation juridique de Novagraaf. Si vous avez aimé ce LIVRE BLANC et si les thématiques qui y sont abordées vous ont interpellé, n’hésitez pas à nous contacter à [email protected] Nous serons ravis de vous conseiller ! CONCLUSION Ce LIVRE BLANC formule des principes généraux qui soutiennent des thématiques de propriété intellectuelle utiles aux start-ups et PMEs. En tant que tel, il a un caractère purement informatif et il n’est pas destiné à se substituer aux conseils d’un expert en propriété intellectuelle, ni à s’assimiler à une consultation juridique de Novagraaf et des auteurs concernés. En effet, une consultation juridique dépend en grande partie des circonstances spécifques de chaque cas et nous vous invitons à faire appel à un expert qualifé pour toute consultation de ce type. Nous avons consacré beaucoup d’énergie et de passion à la rédaction de ce LIVRE BLANC et nous espérons sincèrement que toutes les informations fournies sont parfaitement fables. Ceci dit, l’erreur est humaine et nous sommes sûrs que vous comprendrez que ni Novagraaf, ni les auteurs ne seront susceptibles d’être tenus responsables des erreurs qui pourraient s’y être glissées. Enfn, vous pourrez diffuser ce LIVRE BLANC à loisir, mais bien évidement il est interdit de le copier ou de s’en attribuer la paternité. Ceci dit, vous n’oseriez pas, vu que nous sommes dans le domaine de la propriété intellectuelle. Novagraaf Switzerland SA & Novagraaf International SA Chemin de l’Echo 3 1213 Onex / Genève Marques, designs, noms de domaine et droit d’auteur +41 (0)22 979 09 30 [email protected] Brevets +41 (0)22 979 09 69 [email protected] www.novagraaf.com DISCLAIMER © Novagraaf Switzerland SA, 2017
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