La Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (la « CVMO ») et l’Autorité des marchés financiers (l’« AMF ») ont récemment annoncé le lancement de leur programme de dénonciation respectif. La CVMO prévoit le versement de récompenses financières dans son programme, alors que l’AMF n’offrira pas de récompenses aux dénonciateurs, ses analyses d’autres programmes de dénonciation n’ayant pas démontré que l’incitatif financier génère davantage de dénonciations de qualité.

En Ontario, le lancement du programme de dénonciation est accompagné de changements apportés à la Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario (la « LVMO »), qui visent à intégrer les dispositions « anti-représailles » que la CVMO a indiqué vouloir inclure dans son programme de dénonciation.

LANCEMENT DU PROGRAMME DE LA CVMO

La CVMO a annoncé qu’elle lancera son programme le 14 juillet 2016 et a nommé Kelly Gorman, directrice adjointe de la Direction de l’application de la loi, à titre de chef du Bureau de dénonciation.

Malgré cette annonce, la CVMO n’a toujours pas répondu aux quelque 20 lettres de commentaires qu’elle a reçues plus tôt cette année à la suite de la publication du projet du programme, ni n’a fait paraître la version définitive de sa politique. On ne sait donc pas au juste de quelle façon elle modifiera la politique en réponse à ces commentaires. Selon l’ébauche de la politique diffusée pour commentaires, les dénonciateurs qui donneront de l’information menant à la réussite des mesures d’application de la loi pourraient se voir accorder une somme d’au plus 5 M$ CA. Dans notre Bulletin Blakes de mai 2016 intitulé Des inquiétudes tout aussi vives quant au programme de dénonciation de la CVMO, nous avons examiné les réponses des intervenants au projet de politique, ainsi que leurs craintes que le programme de la CVMO nuise aux mécanismes de signalement internes et que la structure, de même que le montant des récompenses prévues par le programme de la CVMO, soient inappropriés.

Notre Bulletin Blakes d’octobre 2015 intitulé Projet de politique de dénonciation de la CVMO : davantage de mesures encourageant les employés à déclarer les inconduites traite, quant à lui, du projet de politique.

LANCEMENT DU PROGRAMME DE L’AMF

L’AMF a récemment annoncé qu’elle lancera son propre programme de dénonciation. Contrairement à l’approche préconisée par la CVMO et après avoir analysé d’autres programmes de dénonciation, dont ceux de la Securities and Exchange Commission des États-Unis, de la Financial Conduct Authority du Royaume-Uni et de l’Australian Securities and Investments Commission, l’AMF a confirmé qu’elle n’offrira pas de récompenses aux dénonciateurs. Elle a indiqué que l’analyse n’avait pas permis d’établir avec certitude que l’incitatif financier génère plus de dénonciations de qualité. L’AMF a plutôt fait valoir que l’aspect véritablement clé de tout programme de dénonciation est la protection offerte aux dénonciateurs.

De plus, l’AMF a annoncé que les dénonciateurs qui fournissent aux autorités de l’information sur des infractions bénéficient du « privilège de l’informateur » dès la réception des dénonciations. Elle a aussi souligné qu’elle entend travailler conjointement avec le gouvernement du Québec en vue de proposer des mesures anti-représailles additionnelles dans la législation relative au secteur financier.

AJOUT DE VASTES DISPOSITIONS ANTI-REPRÉSAILLES À LA LVMO

Les mesures anti-représailles que l’on prévoyait dans le programme de la CVMO ont été adoptées en tant que modifications de la LVMO et sont entrées en vigueur le 28 juin 2016, avant même le lancement du programme de la CVMO et la publication de la version définitive de la politique. Les dispositions ajoutées à la LVMO comprennent des interdictions générales applicables aux représailles contre un employé qui demande des conseils quant à la fourniture de renseignements, exprime l’intention de fournir des renseignements ou fournit des renseignements au sujet d’un acte qu’il a des motifs raisonnables de croire être contraire au droit ontarien des valeurs mobilières ou à un règlement administratif ou autre instrument réglementaire d’un organisme d’autoréglementation reconnu, à l’un des organismes ci-dessous :

  • la CVMO;
  • un organisme d’autoréglementation reconnu;
  • un organisme d’exécution de la loi.

En outre, les nouvelles dispositions de la LVMO annulent toute disposition d’une entente qui empêche ou vise à empêcher un employé de fournir des renseignements du type décrit ci-dessus à la CVMO, à un organisme d’autoréglementation reconnu ou à un organisme d’exécution de la loi.

Les dispositions anti-représailles ainsi que les dispositions rendant nuls certains arrangements contractuels s’appliquent également à la collaboration par le dénonciateur à une enquête menée par la CVMO, un organisme d’autoréglementation reconnu ou un organisme d’exécution de la loi, de même qu’à une instance de la CVMO ou d’un organisme d’autoréglementation reconnu, ou encore à une instance judiciaire.

La portée des nouvelles dispositions législatives peut inquiéter les émetteurs et autres intervenants : au moment où le programme de la CVMO a été initialement proposé, ceux-ci ont indiqué dans leurs lettres de commentaires que les mesures anti-représailles pourraient laisser les employeurs sans recours appropriés vis-à-vis les employés ayant commis une inconduite ou ne respectant pas les politiques internes, y compris les politiques exigeant le signalement interne.

Les nouvelles dispositions de la LVMO ne confèrent pas aux dénonciateurs un nouveau droit d’action au civil contre les employeurs qui enfreignent les dispositions anti-représailles prévues par cette loi, lequel faisait partie des changements législatifs envisagés dans la proposition initiale.