La semaine dernire, les snateurs ont dbattu en premire lecture du projet de loi relatif la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie conomique, dit projet de loi Sapin II .

Suite notre premire alerte du 23 juin dernier, nous vous proposons dans cette Newsletter de revenir sur les principales modifications apportes par les Sages du Palais du Luxembourg au volet anticorruption du projet de loi.

SUR LA FUTURE AGENCE DE PREVENTION DE LA CORRUPTION

Initialement dnomm Service national charg de la prvention et de l'aide la dtection de la corruption , puis Agence franaise anticorruption , la future agence est dsormais appele Agence de prvention de la corruption . Ce changement de nom n'est en ralit pas neutre.

En effet, lors des dbats la commission des lois du Snat, les Sages ont considr que tout ce qui relevait de la prvention tait du domaine de l'administratif et tout ce qui relevait de la rpression tait du domaine de l'autorit judiciaire. Il a ainsi t dcid que la future Agence serait cantonne, aussi bien dans son appellation que dans ses prrogatives, un rle de prvention de la corruption et serait de ce fait dpourvue de ses pouvoirs de sanction.

Elle aurait ainsi pour seules missions de :

  • participer la coordination administrative, centraliser et diffuser les informations permettant d'aider prvenir et dtecter les faits de corruption, de trafic d'influence, de concussion, de prise illgale d'intrts, de dtournement de fonds publics et de favoritisme ;
  • élaborer des recommandations ;
  • contrler la qualit et l'efficacit des plans de prvention et de dtection de la corruption mis en oeuvre par les acteurs du secteur public et priv ;
  • contrler le respect de la loi n 68-678 du 26 juillet 1968 (dite de blocage ) en cas de procdure trangre de mise en conformit ;
  • élaborer chaque anne un rapport d'activit qui sera rendu public.

Enfin, l'exercice de la tutelle de la future Agence revient dsormais uniquement celle du Garde des Sceaux. La tutelle conjointe avec celle du Ministre du Budget ayant t carte afin de faire de la future Agence le bras arm du procureur de la Rpublique financier.

SUR L'OBLIGATION DE PREVENTION DES FAITS DE CORRUPTION ET DE TRAFIC D'INFLUENCE

Quel est le nouveau champ d'application d'une telle obligation ?

Les snateurs sont venus prciser le champ d'application de cette nouvelle obligation. Elle s'impose ainsi aux socits (et leurs dirigeants) :

  • employant au moins 500 salaris permanents dans la socit et ses filiales, directes ou indirectes, dont le sige social est fix en France ou l'tranger ; et
  • ralisant un chiffre d'affaires net d'au moins 100 millions d'euros.

Il a par ailleurs t ajout que les filiales directes et indirectes des socits remplissant les critres susmentionns doivent aussi mettre en place un programme de conformit.

Quelles sont les nouvelles mesures qui devront tre mises en oeuvre ?

Les snateurs ont supprim de nombreuses mesures initialement votes par l'Assemble Nationale, dont la procdure d'valuation de la situation des clients, fournisseurs de premier rang et intermdiaires et l'instauration de sanctions disciplinaires permettant de sanctionner les salaris de la socit en cas de violation du code de conduite. En effet, dans la mesure o le code de conduite doit tre intgr au rglement intrieur de la socit, il a t considr que sa violation entrait de facto dans le champ du pouvoir disciplinaire de la socit.

Dsormais, les entreprises devront :

  • adopter un code de conduite qui sera annex au rglement intrieur de l'entreprise ;
  • mettre en place un dispositif d'alerte interne ( whistleblowing ) permettant de recueillir les signalements mis par les salaris de la socit, de ses filiales directes et indirectes ainsi que ceux mis par ses clients et fournisseurs ;
  • établir une cartographie des risques par secteur d'activit et par zone gographique, en fonction des principaux clients, fournisseurs et intermdiaires ;
  • réaliser des contrles comptables ;
  • organiser des formations pour les salaris les plus exposs au risque ;
  • mettre en place un dispositif de contrle et d'valuation interne des mesures mises en oeuvre.

Quelles sont les nouvelles sanctions en cas de nonrespect de ces dispositions ?

En consquence de la suppression de son pouvoir de sanction par le Snat, la future Agence ne pourra qu'adresser un avertissement la socit qui ne respecterait pas l'obligation de mise en place d'un programme de conformit.

Dans l'hypothse o, trois mois aprs l'avertissement de l'Agence, aucune amlioration n'aurait t constate, le magistrat qui dirige l'Agence pourra demander au Prsident du tribunal statuant en rfr d'enjoindre sous astreinte la socit d'amliorer, voire mme de mettre en place si ce n'est pas le cas, les mesures destines prvenir et dtecter la commission des faits de corruption ou de trafic d'influence. Une telle demande devra tre communique au Ministre Public.

Le montant de l'astreinte qui pourra tre prononce par le juge n'est en revanche pas prcis.

Dans quel dlai les entreprises devront avoir mis en place un programme de conformit ?

Les entreprises devront avoir mis en place un programme de conformit avant le 1er janvier de la deuxime anne suivant la promulgation de la loi.

En d'autres termes, si le calendrier lgislatif est respect et que la loi est promulgue la rentre, cela signifie que les entreprises devront avoir mis en place un programme de conformit efficace avant le 1er janvier 2018.

SUR LA PROTECTION DES LANCEURS D'ALERTE

Restriction de la dfinition d'un lanceur d'alerte

La définition de l’alerte a été restreinte aux cas où est signalé « dans l’intérêt général, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime, un délit ou une violation grave et manifeste de la loi ou du règlement ». Il n’est ainsi plus fait mention des faits présentant des risques graves pour l’environnement ou pour la santé ou la sécurité publique.

Pour rappel, le lanceur d'alerte a interdiction de divulguer des faits relevant du secret de la dfense nationale, du secret mdical ou encore du secret des relations entre un avocat et son client.

Création​ d'un aide financire pour le lanceur d'alerte victime d'une mesure dfavorable son encontre

Un lanceur d'alerte victime d'une mesure dfavorable prise son encontre (licenciement, discrimination...etc.) au seul motif du signalement qu'il a effectu et qui souhaite cet gard engager une action en justice, pourra demander au Dfenseur des droits de lui accorder une aide financire pour les frais de procdure exposs.

Le montant de cette aide est dtermin en fonction des ressources de la personne et du fait que la mesure dfavorable dont elle entend faire reconnatre l'illgalit emporte privation ou diminution de sa rmunration.

Enfin, indpendamment des actions en justice engages par une personne physique pour faire valoir ses droits, le Dfenseur des droits pourra lui accorder un secours financier temporaire s'il estime qu'en raison du signalement qu'elle a effectu elle connat des difficults financires prsentant un caractre de gravit et compromettant ses conditions d'existence.

SUR LE MAINTIEN DU DEFERRED PROSECUTION AGREEMENT A LA FRANCAISE LA TRANSACTION JUDICIAIRE

Les snateurs ont maintenu la procdure d'accord ngoci, sous le nom de transaction judiciaire , tout en la clarifiant.

Confidentialit des documents transmis par l'entreprise en cas d'chec de la transaction judiciaire

Le nouveau projet de loi prcise que si le Prsident du tribunal ne valide pas la proposition de transaction ou si la personne morale n'accepte pas la proposition de transaction valide par le Prsident du tribunal, le procureur de la Rpublique ne pourra pas faire tat devant la juridiction d'instruction ou de jugement des dclarations faites ou des documents remis par la personne morale au cours de la ngociation de la transaction judiciaire.

L'ajout d'une telle disposition vise ainsi garantir le principe de loyaut de la preuve et le droit de ne pas contribuer sa propre incrimination (garanties fondamentales protges par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des liberts fondamentales).

Nous nous flicitons de l'adoption d'une telle mesure sur laquelle le cabinet Cohen & Gresser, en partenariat avec un groupe d'experts composs d'avocats et de juristes, a attir l'attention du Snat.

En définitive, si le vote en faveur d’un dispositif de transaction judiciaire par le Sénat est une avancée majeure dans le système répressif français à bien des égards, le système nous semble néanmoins perfectible. En effet, de nombreuses questions demeurent telles que les critères d’homologation de l’accord par le juge ou encore  l’importance  de  la  coopération  et  de  la dénonciation volontaire des faits de corruption par l’entreprise pour la détermination du montant de la peine.

Espérons ainsi que la commission mixte paritaire qui devrait se réunir dans les semaines à venir terminera de parfaire le dispositif.