La législation sur l’énergie électrique en République du Congo
Sancy Lenoble Matschinga
La République du Congo, encore connue sous l’appellation Congo-Brazzaville, est un pays d’Afrique centrale situé de part et d’autre de l’équateur et couvrant une superficie de 342.000 km2, pour une population d’environ 4 millions d’habitants. Les pays limitrophes sont la République Centrafricaine et la République du Cameroun au nord, la République Démocratique du Congo au sud et à l’est, la République d’Angola (enclave du Cabinda) au sud, et la République du Gabon à l’ouest. La République du Congo possède une façade maritime de 170 km sur la côte atlantique.
La République du Congo regorge d’importantes ressources énergétiques dont la mise en valeur est indispensable à son développement économique. Le pays dispose d’un important réseau hydrographique dont les ressources en eau sont estimées à 842 milliards de m3, et la capacité des sites déjà identifiés pour la production d’électricité à 14 000 MW[1].
En outre, le Congo-Brazzaville est un pays producteur de pétrole dont les réserves sont estimées à 1,6 milliards de barils. Entre 2000 et 2007, l’exploitation moyenne annuelle a été évaluée à 88 millions de barils. Le pays est également doté de ressources en gaz naturel largement inexploitées estimées à 73 milliards de Sm3 (mètre cube standard), ainsi que des réserves en gaz associé estimées à 57,15 milliards de Sm3.
De plus, le pays offre des opportunités d’exploitation d’autres types d’énergie pour la production de l’électricité : l’énergie solaire grâce au bénéfice d’un ensoleillement de 12h par jour, ou encore la biomasse, grâce à un domaine forestier couvrant plus de 20 millions d’hectares, soit plus de 60 % du territoire national.
L’offre potentielle d’énergie électrique est supérieure à la demande nationale estimée à 355 MW. Cependant, la capacité totale disponible demeure faible à cause notamment de la vétusté des installations de transport et de distribution[2]. Par ailleurs, la production devrait encore être renforcée au regard de l’évolution démographique et de la mise en œuvre des projets industriels et miniers qui accroîtront la demande nationale d’énergie. Le taux d’accès à l’électricité est seulement de 45 % en milieu urbain et de 5,6 % en milieu rural. Le Gouvernement envisage de le porter à 90 % en milieu urbain et à 50 % en milieu rural à l’horizon 2015.
I. Cadre juridique
Le secteur de l’énergie électrique en République du Congo est principalement régi par la loi n° 14-2003 du 10 avril 2003 portant Code de l’électricité, ainsi que par :
- la loi n° 17-2003 du 10 avril 2003 portant création du fonds de développement du secteur de l’électricité (FDSEL) ;
- la loi n° 16-2003 du 10 avril 2003 portant création de l’agence de régulation du secteur de l’électricité (ARSEL) ;
- la loi n° 15-2003 du 10 avril 2003 portant création de l’agence nationale d’électrification rurale (ANER) ;
- la loi n° 10-2003 du 6 février 2003 portant transfert des compétences aux collectivités locales ;
- et la loi n° 067-84 du 11 septembre 1984 portant modification de la dénomination de la société nationale d’énergie.
Divers règlements complètent ce dispositif légal, notamment : le décret n° 2013-416 du 9 août 2013 portant approbation des statuts de la société nationale d’électricité (SNE) ; le décret n° 2010-822 du 31 décembre 2010 portant approbation de la stratégie de développement des secteurs de l’énergie électrique, de l’eau et assainissement ; le décret n° 2010-808 du 31 décembre 2010 fixant les conditions et les modalités d’exercice des activités de travaux et de prestations de services dans le secteur de l’énergie électrique ; le décret n° 2010-241 du 16 mars 2010 portant organisation du ministère de l'énergie et de l'hydraulique ; le décret n° 2010-123 du 19 février 2010 relatif aux attributions du ministre de l'énergie et de l'hydraulique ; le décret n° 2008-560 du 28 novembre 2008 portant approbation des statuts du fonds de développement du secteur de l’électricité (FDSEL) ; le décret n° 2007-291 du 31 mai 2007 portant approbation des statuts de l’agence nationale d’électrification rurale (ANER) ; le décret n° 2007-290 du 31 mai 2007 portant approbation des statuts de l’agence de régulation du secteur de l’électricité (ARSEL) ; et le décret n° 2003-156 du 4 août 2003 portant attributions et organisation de la direction générale de l'énergie.
II. Rôle de l’Etat
En République du Congo, les ressources naturelles constituent la propriété de l’Etat, conformément à la Constitution du 20 janvier 2002. L’Etat définit et met en œuvre la politique nationale de l’électricité sur l’ensemble du territoire. A travers le Ministère de l’énergie et de l’hydraulique, il exerce une tutelle sur le fonds de développement du secteur de l’électricité (FDSEL) en charge du financement du secteur, ainsi que sur l’agence nationale d’électrification rurale (ANER), compétente notamment pour réaliser, par voie d’appels d’offres, des travaux d’électrification rurale.
Il faut noter que dans le cadre du transfert des compétences de l’Etat aux collectivités locales, les départements ont reçu compétence pour promouvoir les services de production et de desserte d’électricité, et les communes, pour assurer la promotion les services de desserte d’électricité. Il y a encore toutefois une absence d’implication des collectivités locales dans la gestion des ouvrages.
Le marché congolais de l’électricité est marqué par la présence de l’opérateur historique, la société nationale d’électricité (SNE) qui est l’entreprise publique gérant le service public de l’électricité, fondée en 1967. La SNE qui s’est récemment vue dotée de nouveaux statuts a pour objet de « gérer directement ou indirectement les activités de production, de transport, de distribution et de commercialisation de l'énergie électrique ; d’assurer l'exploitation, la maintenance et l'entretien des infrastructures électriques ; d’entreprendre toute opération administrative, industrielle, technique, commerciale, mobilière, immobilière ou de prestations de services se rapportant directement ou indirectement à son objet »[3]. La SNE assure ses missions soit directement, soit dans le cadre de contrats de prestations de services conclus avec des personnes publiques ou privées[4].
En outre, l’Etat avait également opté pour la création d’une seconde entreprise publique dans le secteur électrique, la Société Congolaise de Production d’Electricité (SCPE), créée en 2001 dans l’objectif de la valorisation du gaz congolais à des fins énergétiques. Le Gouvernement Congolais a finalement décidé de sa dissolution au cours du Conseil des ministres du 28 juin 2013[5].
En 2003, à la faveur de l’entrée en vigueur du nouveau Code de l’électricité, le secteur de l’énergie électrique congolais est libéralisé. La gestion du service public de l’électricité par des sociétés privées, par voie de délégation de service public attribuée par l’Etat, est désormais possible.
Cette ouverture à la concurrence conduit à la mise en place de l’agence de régulation du secteur de l’électricité (ARSEL), chargée en particulier de promouvoir la concurrence et la participation du secteur privé en matière de production, de transport, de distribution, d’importation, d’exportation et de vente de l'énergie électrique dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires ; de réguler, contrôler et suivre les activités des exploitants et des opérateurs du secteur ; et d’arbitrer les différends entre les opérateurs du secteur sur saisine des parties[6]. L’ARSEL doit encore renforcer son expertise technique pour remplir pleinement les missions qui lui sont assignées.
III. Organisation des activités dans le secteur de l’énergie électrique
Le Code de l’électricité congolais régit les activités de production, de transport, de distribution, de fourniture, d’importation, d’exportation et de vente de l’électricité, réalisées par toutes personnes morales de droit public ou privé.
Toutes ces activités -qui peuvent se résumer en quatre segments de la chaîne électrique, à savoir : production, transport, distribution et commercialisation- constituent un service public placé sous le contrôle de l’Etat[7]. Au sens de l’article 1er du Code susmentionné, la production d’électricité est la « transformation d’une énergie primaire en énergie électrique », le transport d’électricité est « l’acheminement d’électricité au moyen de lignes électriques haute et très haute tension », et la distribution d’électricité est « l’acheminement d’électricité au moyen de lignes électriques moyenne et basse tension »[8]. Le Code de l’électricité précise que le service public de l’électricité est assuré de manière à favoriser le recours à l’initiative privée, par un ou plusieurs exploitants agissant sur délégation de l’Etat.
- Les activités libéralisées marquées par une intervention de l’Etat
a) La production d’électricité
Au titre du décret n° 2010-822 du 31 décembre 2010 portant approbation de la stratégie de développement des secteurs de l’énergie électrique, de l’eau et assainissement, le Gouvernement entend assurer la production d’électricité à travers des opérateurs publics, en particulier la SNE, sans pour autant réinstaurer un monopole sur ce segment du marché de l’électricité. En effet, conformément au Code de l’électricité, les autorités congolaises encouragent la poursuite de la libéralisation des activités de production d’électricité, à travers la production indépendante d’électricité.
b) Le transport d’électricité
Au sens de la législation congolaise, le transport d’électricité est également un segment du secteur de l’électricité ouvert à l’initiative privée et à la concurrence. Toutefois, dans le cadre de la stratégie de développement du secteur de l’énergie électrique approuvée par décret du 31 décembre 2010 susvisé, le Gouvernement envisage de conserver le transport d’électricité au sein d’un monopole public de fait. Le transport d’électricité demeure exclusivement assuré par la SNE.
A titre de comparaison, en France, le transport de l’électricité est exclusivement assuré par Réseau de Transport d’Electricité (RTE). Gestionnaire du réseau public en charge des infrastructures de transport, RTE est une entreprise publique (société anonyme à capitaux publics).
Dans l’objectif de rendre effectives la concurrence et la transparence dans l’exercice des activités relevant des autres segments (hors transport) du secteur de l’électricité, l’ARSEL a notamment reçu mission de veiller à l’accès des tiers aux réseaux de transport de l’électricité dans la limite des capacités disponibles.
- Les autres activités libéralisées
a) La production indépendante d’électricité et l’auto-production
Les producteurs indépendants d’électricité sont des personnes physiques ou morales de droit public ou privé qui assurent la production d’électricité à des fins commerciales. Les opérateurs privés peuvent mener des activités de production indépendante d’électricité au Congo, sous réserve d’obtenir une licence. Cette licence permet à l’entreprise de produire non seulement de l’électricité, mais également de la vendre, de l’importer ou de l’exporter[9]. A cet effet, le Code de l’électricité autorise les producteurs indépendants à conclure des contrats de vente avec les transporteurs et les distributeurs d’énergie.
En outre, pour les seuls besoins de la vente d’électricité, les producteurs indépendants bénéficient de certaines facilités, comme le droit d’accès aux réseaux de transport et de distribution exploités de façon exclusive par un ou plusieurs exploitants. Pour ce faire, ils doivent formuler une demande auprès de l’exploitant des réseaux de transport ou de distribution qui établit un devis de raccordement, de transport ou de distribution. Le prix du raccordement, du transport ou de la distribution est fixé sur la base des coûts supportés par l’exploitant concerné et d’une marge bénéficiaire raisonnable[10].
Par ailleurs, il convient de noter que les ouvrages de production indépendante d’électricité ne font pas partie du domaine public de l’Etat. Les investisseurs privés peuvent par conséquent être propriétaires de ces ouvrages[11].
S’agissant des auto-producteurs, ce sont des opérateurs publics ou privés assurant la production d’électricité à des fins personnelles. C’est le cas de certains industriels et exploitants forestiers. En fonction de la puissance installée, les entreprises auto-productrices bénéficient d’un régime de liberté ou sont soumises à un régime de déclaration administrative ou d’autorisation administrative[12].
b) La distribution et la commercialisation
Bien qu’encore assurées par la SNE, la distribution et la commercialisation de l’électricité constituent théoriquement des activités totalement libéralisées. Le Code de l’électricité dispose que les activités de distribution, de fourniture, d’importation, d’exportation et de vente de l’électricité peuvent être réalisées par des personnes de droit privé.
La stratégie adoptée par l’Etat congolais est de se concentrer sur les segments de la production et du transport, et de concéder les segments de la distribution et de la commercialisation au secteur privé international. Ces deux dernières notions sont distinctes. Si la distribution est définie comme l’acheminement de l’électricité au moyen de lignes électriques de moyenne et basse tension jusqu’au disjoncteur, la commercialisation est généralement définie comme la vente même de l’électricité aux consommateurs finals.
L’exercice des activités de vente par les entreprises privées est soumis à l’obtention d’une licence. Il en va de même pour l’importation et l’exportation de l’électricité à des fins de vente ou d’utilisation pour lesquels la licence est délivrée par le ministre en charge de l’électricité après consultation de l’ARSEL[13].
L’ARSEL intervient également pour émettre des réserves éventuelles, voire s’opposer à l’entrée en vigueur des contrats conclus entre les producteurs et les acheteurs (transporteurs ou distributeurs) de l’électricité. Dans leurs relations commerciales, ces acteurs négocient librement les prix.
c) Les activités de travaux et de prestations de services
Les activités de travaux et de prestations de services dans le secteur de l’énergie électrique sont ouvertes aux sociétés privées de droit congolais ou étranger. Ces activités peuvent être exercées conjointement ou séparément, de façon permanente ou temporaire, c’est-à-dire dans la limite de 6 mois.
Les activités de travaux englobent notamment les travaux d’entretien, de réparation, de réhabilitation ou de construction des ouvrages de production, de transport et de distribution de l’électricité, ainsi que des installations d’électricité intérieures des immeubles. Les activités de prestations de services englobent notamment des prestations immatérielles dans le secteur de l’électricité telles que les études, le conseil, l’assistance technique, l’exploitation des ouvrages et l’exercice partiel ou total de l’activité de commercialisation de l’électricité[14].
Selon notre compréhension, les activités de travaux et de prestations de services dans le secteur de l’énergie électrique peuvent être réalisées par des entreprises non délégataires du service public, c’est-à-dire en dehors du cadre de l’exploitation proprement dite du service public. En effet, un délégataire du service public peut parfaitement sous-traiter une partie de ses obligations à des entreprises de travaux ou de services non chargées de l’exploitation même du service public. De même, l’opérateur public peut réaliser ses missions dans le cadre de contrats conclus avec les entreprises susmentionnées.
L’exercice des activités de travaux et de prestations de services est subordonné à l’obtention d’un agrément du ministre de l’énergie et de l’hydraulique, après avis de la commission d’agrément du secteur de l’énergie électrique[15]. Sans cet agrément, aucune entreprise ne peut être autorisée à soumissionner aux appels d’offres portant sur ces activités. Les entreprises qui sollicitent l’agrément doivent fournir les pièces administratives, financières, bancaires et fiscales exigées par la réglementation nationale. Elles doivent en outre s’acquitter d’un droit versé au FDSEL.
L’agrément est individuel, incessible et ne peut être ni transféré ni loué. Il est délivré par un arrêté du ministre de l’énergie et de l’hydraulique pour une durée renouvelable de 3 ans. Cet arrêté précise en particulier les domaines d’activités couverts par l’agrément, les modalités d’intervention de l’entreprise et celles de collaboration avec l’administration de l’électricité.
IV. Modalité contractuelle d’exploitation du service public de l’électricité : la délégation de service public
- Les caractéristiques générales de la délégation de service public
En dehors des activités menées par l’opérateur historique (la SNE), l’Etat peut conclure des délégations de service public avec des entreprises publiques ou privées. Au sens du Code de l’électricité, une délégation de service public est un contrat par lequel l’Etat confie la gestion de tout ou partie du service public de l’électricité à une ou plusieurs personnes publiques ou privées pour une durée qui ne peut excéder 30 ans. A cet effet, l’Etat peut confier au délégataire une exclusivité d’exploitation de tout ou partie de l’activité de production, de transport ou de distribution de l’électricité[16].
Cette définition du Code n’est pas assez explicite et devrait intégrer le critère de la rémunération du délégataire. En effet, la délégation de service public est précisément caractérisée lorsque la rémunération du délégataire est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service[17]. Le Code de l’électricité mentionne différentes formes de délégation de service public sans les définir : la concession, l’affermage, la régie intéressée, la licence, et toute autre forme de délégation applicable au secteur de l’électricité.
De façon générale, la concession peut être définie comme un contrat par lequel l’Etat confie à une entreprise privée (ou publique) la gestion d’un service public, cette entreprise prenant en charge l’ensemble des investissements (réalisation et exploitation des infrastructures électriques) à ses frais et risques. Le concessionnaire se rémunère auprès des usagers.
L’affermage est généralement défini comme un contrat par lequel l’Etat met à disposition d’une entreprise privée (ou publique) des infrastructures électriques, à charge pour celle-ci d’exploiter le service public pour son propre compte, moyennant une redevance qu’elle verse à l’Etat. Le fermier se rémunère auprès des usagers.
La régie intéressée peut être définie comme un contrat par lequel une entreprise privée (ou publique) se voit confier, par et pour le compte de l’Etat, la gestion d’un service public de l’électricité. Le régisseur intéressé agit ainsi comme un « mandataire » de l’Etat et est directement rémunéré par l’Etat. Cette rémunération du régisseur se compose d’une part fixe et d’une part variable liée à ses résultats dans l’exploitation du service public.
Par ailleurs, le délégataire du service public de l’électricité est choisi par l’Etat à la suite d’une mise en concurrence des entreprises soumissionnaires par voie d’appel d’offres, sur la base de critères transparents et non discriminatoires. Il faut noter que les délégations de service public ne peuvent être attribuées qu’à des personnes privées de droit congolais. Ainsi, les sociétés étrangères doivent constituer des filiales locales pour candidater aux appels d’offres. Une fois, le contrat de délégation de service public signé, il est approuvé par décret en Conseil des ministres.
Au contrat de délégation de service public, est annexé un cahier des charges déterminant divers aspects[18], ainsi qu’un règlement de service relatif aux principes applicables dans les relations entre le délégataire et les usagers de l’électricité, notamment en matière de prix et d’accès au réseau. Il faut noter que les principes de tarification dans le secteur de l’électricité sont fixés par voie réglementaire.
Les conventions ou contrats de délégation de service public ne peuvent faire l’objet d’aucun renouvellement. La conclusion d’un nouveau contrat n’est possible qu’à l’issue d’une nouvelle procédure d’appel d’offres. Ces contrats peuvent en revanche être prorogés dans les deux hypothèses suivantes : l’intérêt du service ou le bouleversement de l’équilibre financier du contrat[19].
- 2. Les droits et obligations des délégataires du service public
Les entreprises délégataires du service public de l’électricité peuvent sous-traiter l’exécution partielle de leurs obligations, mais elles demeurent responsables de la bonne exécution du service vis-à-vis de l’Etat. Elles peuvent transférer leurs contrats à des tiers sous réserve d’obtenir une autorisation expresse de l’Etat accordée par voie règlementaire[20]. En outre, si dans l’intérêt du service, l’Etat apporte des modifications substantielles au contrat ayant pour conséquence un bouleversement de l’équilibre financier, il doit indemniser le délégataire du montant de son manque à gagner.
Dans le cadre de l’exécution de ses obligations contractuelles, le délégataire exploitant le service public de l’électricité est autorisé à réaliser les travaux nécessaires à la construction et à l’entretien des installations électriques sur le sol et le sous-sol des dépendances du domaine de l’Etat et des collectivités décentralisées.
S’agissant du domaine privé, à défaut de l’accord de l’occupant, l’entreprise délégataire peut être autorisée à pénétrer sur un fonds pour y réaliser des études liées à un projet de tracé de canalisation de lignes de transport ou de distribution d’électricité. Ces servitudes pour études ne donneraient pas lieu à une indemnisation du propriétaire du fonds ou de l’occupant et ne peuvent donc excéder 6 mois. En revanche, l’indemnisation est obligatoire pour les servitudes de passage destinées à la réalisation des ouvrages de production et au passage des lignes de transport ou de distribution[21].
Par ailleurs, les biens du domaine public nécessaires au fonctionnement du service public de l’électricité peuvent être mis à la disposition du délégataire dans la limite de la durée du contrat (cas notamment de l’affermage et de la régie intéressée). Quant aux ouvrages nécessaires au fonctionnement du service public réalisés par le délégataire, ils ont vocation à revenir à l’Etat à l’expiration du contrat de délégation (cas de la concession). Ces biens, qualifiés généralement de biens de retour, retournent en principe gratuitement à l’Etat. Ils se distinguent des biens de reprise qui peuvent être rachetés par l’Etat en fin de contrat. C’est en ce sens que le cahier des charges de la délégation de service public doit préciser les ouvrages revenant ou pouvant revenir à l’Etat à la fin du contrat, y compris les hypothèses de versement par l’Etat d’une indemnité de reprise[22].
Au titre des obligations du délégataire, le service public doit être géré dans le respect des principes d’égalité, de continuité, d’adaptabilité, de sécurité, de qualité, de prix et d’efficacité économique[23]. Le service rendu aux usagers doit précisément respecter les objectifs de qualité définis dans le cahier des charges et le règlement de service, sous le contrôle de l’ARSEL. De plus, toute différence de traitement entre les usagers n’est possible qu’en cas de différence objective de situation de ces usagers au regard du service, en particulier du coût de fourniture de l’électricité sur la portion concernée du territoire national[24].
V. Tarification de l’électricité
Les tarifs de l’électricité en République du Congo sont en principe réglementés par un arrêté du 19 mars 1994 fixant la grille des tarifs. Ledit arrêté fixe en particulier les tarifs de l’électricité de manière forfaitaire.
Si l’électricité constitue un bien essentiel et exige à ce titre la prise en compte de la situation sociale des populations, particulièrement des couches défavorisées, dans la tarification[25], en revanche, le régime du forfait présente l’inconvénient de ne pas refléter les coûts de production de l’électricité et la consommation réelle des clients. Il en découle la nécessité d’une politique tarifaire conciliant les objectifs sociaux et la nécessité de recouvrer les coûts de production.
Le Gouvernement congolais envisage d’adopter une nouvelle tarification en matière de vente et de consommation d’électricité, sur la base des coûts réels et de la capacité des différentes catégories des consommateurs (gros consommateurs, structures administratives, ménages, semi-industriels, résidentiels...)[26].
VI. Electrification rurale
En République du Congo, le taux d’accès à l’électricité n’est que de 5,6 % en milieu rural. L’impact résolument positif de l’électrification rurale en termes de développement économique, d’équité sociale ou d’aménagement du territoire a conduit à l’adoption de dispositions législatives et réglementaires spécifiques.
La promotion de l’électrification rurale est assurée par l’agence nationale d’électrification rurale (ANER), conformément à la loi n° 15-2003 du 10 avril 2003 susvisée. Cette agence est chargée de planifier les électrifications rurales, de réaliser les études techniques et économiques nécessaires à l’électrification en milieu rural, de réaliser par voie d’appel d’offres des travaux d’électrification rurale, d’élaborer des dossiers d’appels d’offres pour la mise en gestion de l’électrification rurale, de promouvoir des technologies nouvelles d’électrification rurale et de rechercher des financements destinés aux programmes d’électrification rurale[27].
En outre, conformément à la stratégie gouvernementale approuvée par décret n° 2010-822 du 31 décembre 2010 susvisé, la gestion des infrastructures de production et de distribution de l’électricité dans les centres ruraux, actuellement assurée par la SNE, doit être provisoirement confiée à l’ANER. Cette gestion sera in fine transférée aux collectivités locales dans le cadre de la décentralisation.
Par ailleurs, le Code de l’électricité introduit une souplesse en matière d’appel d’offres dans le sous-secteur de l’électrification rurale. En effet, son article 51 prévoit que la production, notamment des centrales de faible puissance, le transport, la distribution et la vente de l’électricité en milieu rural peuvent être opérés sur simple autorisation du ministre en charge de l’énergie électrique, sans qu’il soit besoin de recourir à l’organisation préalable d’une procédure d’appels d’offres.
VII. Obligations environnementales
Les opérateurs privés chargés du service public de l’électricité doivent l’assurer dans le respect des règles régissant la protection de l’environnement[28]. Les entreprises exerçant les activités de travaux et de prestations de services dans le secteur de l’énergie électrique doivent en particulier respecter la réglementation sur les installations classées[29].
La loi n° 003/91 du 23 avril 1991 sur la protection de l’environnement prévoit les dispositions applicables à la protection des établissements humains, de la faune et de la flore, de l’atmosphère, de l’eau et des sols. Cette loi définit les règles applicables aux installations classées et fixe les montants de la taxe unique à leur ouverture, de la redevance superficiaire annuelle et de la redevance annuelle pour les installations de première classe qui font courir des risques de pollution particuliers à l’environnement[30]. Ladite loi soumet l’ouverture d’installations classées à un régime d’autorisation ou de déclaration auprès du ministre en charge de l’environnement. De plus, elle soumet tout projet de développement économique à la réalisation d’une étude d’impact sur l’environnement.
Par ailleurs, dans le cadre de sa stratégie de développement du secteur de l’énergie électrique, l’Etat considère que si la productivité nationale potentielle de la biomasse est très élevée grâce aux forêts tropicales du pays, il convient néanmoins d’utiliser cette source d’énergie avec prudence et de façon non abusive pour éviter la disparition de certains couverts végétaux ou l’appauvrissement accéléré des sols fragiles. L’objectif est de mettre à la disposition des communautés rurales et périurbaines des énergies alternatives afin de réduire le recours au bois de chauffe et limiter la déforestation.
VIII. Régimes fiscal, douanier et de change
L’activité du délégataire du service public de l’électricité est soumise au régime fiscal de droit commun, lequel est défini par le Code général des impôts. A titre d’exemple, le taux de l’impôt sur les sociétés en République du Congo est de 34 %[31].
En outre, le Code de l’électricité prévoit des dispositions particulières. Il prévoit en effet que le délégataire du service public peut récupérer la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les travaux réalisés sur certains biens. Il autorise les amortissements de caducité pour les biens créés par le délégataire et visés dans le contrat de délégation[32]. Il autorise également la provision pour renouvellement pour les biens visés dans le contrat de délégation, susceptibles de renouvellement pendant la durée de la concession[33].
En matière douanière, le Code de l’électricité prévoit notamment que toute importation d’installations et de matériels de production, de transport ou de distribution d’électricité destinés au service public de l’électricité est libre[34].
Par ailleurs, les sociétés privées éligibles peuvent bénéficier d’avantages fiscaux et douaniers consentis dans le cadre de la Charte des investissements, tels que l’exemption ou la réduction de 50 % de l’impôt sur les sociétés ou encore l’allègement de la fiscalité en faveur des entreprises réalisant des investissements à caractère social.
Enfin, les opérateurs économiques étrangers sont soumis à la réglementation des changes et bénéficient de la libre convertibilité entre la monnaie nationale et les devises étrangères. La République du Congo est membre de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC). Dans la CEMAC, les cours d’achat et de vente des devises autres que l’euro sont établis sur la base du taux de change fixe du franc CFA par rapport à l’euro et des cours de ces devises par rapport à l’euro sur le marché des changes.