I Aperçu 1 Comment s’effectue le partage successoral lorsqu’un défunt était marié ? Avant de pouvoir partager la succession, une liquidation du régime matrimonial a lieu pour le défunt et son conjoint survivant, ce qui inclut également les biens immobiliers. La liquidation du régime matrimonial se fait différemment selon le régime matrimonial applicable - participation aux acquêts, communauté de biens ou séparation de biens. Le résultat de la liquidation du régime matrimonial détermine ensuite la succession. 2 Comment se déroule la liquidation de la succession après la liquidation du régime matrimonial ? Lors du partage de la succession, il convient de distinguer si le défunt a rédigé des dispositions pour cause de mort - c’est-à-dire un testament ou un pacte successoral - ou si le défunt est décédé sans que cela soit le cas. Dans cette situation, les règles légales s’appliquent exclusivement au partage de la succession (succession ab intestat). A cet égard, il convient de noter que le droit des successions a été révisé au 1er janvier 2023 et que de nouvelles dispositions s’appliquent notamment en ce qui concerne la réserve et l’usufruit du conjoint survivant. II Liquidation du régime matrimonial de la participation aux acquêts 3 A qui appartient un bien immobilier dans le cas d’un défunt marié ? La répartition entre les époux se fait selon les principes des droits réels. Un bien immobilier appartient à l’époux qui en est le propriétaire légal (nous n’aborderons pas ci-après les biens immobiliers en copropriété ou en propriété commune). L’inscription au registre foncier est en principe déterminante à cet égard. 4 Quelles masses de biens le régime de la participation aux acquêts connaît-il ? Le régime de la participation aux acquêts connaît 4 masses de biens : les acquêts et les biens propres de chaque époux. 5 Quels biens font partie des acquêts ? Les acquêts sont les biens qu’un époux acquiert à titre onéreux pendant la durée du régime matrimonial (art. 197 al. 1 CC). Les acquêts d’un époux comprennent notamment le produit de son travail, les revenus de ses biens propres et les biens acquis en remploi de ses acquêts (art. 197 al. 2 CC). 6 Quels biens font partie des biens propres ? Les biens propres sont, de par la loi, notamment les biens qui appartiennent à un époux au début du régime matrimonial ou qui lui reviennent ultérieurement par succession ou à titre gratuit (art. 198 CC). 7 Dans quelle masse de biens d’un époux se trouve un bien immobilier ? Les biens immobiliers sont toujours attribués à la masse des biens d’un époux. Cela signifie qu’un bien immobilier fait soit partie des biens propres, soit des acquêts de l’un des deux conjoints. 3 ZÜRICH GENF ZUG LAUSANNE LONDON MADRID L’attribution aux biens propres ou aux acquêts dépend de l’origine des fonds investis pour l’acquisition du bien immobilier ou de l’origine du bien immobilier. Exemples : • Si l’un des époux finance le prix d’achat d’un bien immobilier avec des biens propres, le bien immobilier fait partie des biens propres de cet époux ; • Si un époux finance le prix d’achat d’un bien immobilier avec des acquêts, le bien immobilier fait partie des acquêts de cet époux ; • Si l’un des époux acquiert un bien immobilier avant le mariage, le bien immobilier fait partie des biens propres de cet époux ; • Si un époux reçoit un bien immobilier en donation pendant le mariage, le bien immobilier fait partie des biens propres de cet époux ; • Si un époux hérite d’un bien immobilier pendant le mariage, le bien immobilier fait partie des biens propres de cet époux (ATF 142 III 257 ss.) ; • Si un époux finance le prix d’achat d’un bien immobilier à la fois avec ses biens propres et avec ses acquêts, le bien immobilier fait partie de la masse de biens qui a fourni la plus grande part du financement. L’autre masse de biens dispose d’une récompense (art. 209 al. 3 CC) (cf. questions 9 et 10). 8 L’époux non acquéreur a-t-il droit à une créance lors de la liquidation du régime matrimonial s’il a contribué à financer l’acquisition du bien immobilier de l’autre époux ? Il n’est pas rare que le conjoint non acquéreur cofinance l’acquisition du bien immobilier du conjoint acquéreur. Dans ce cas, les règles suivantes s’appliquent en ce qui concerne l’attribution à une masse de biens et de créances de l’autre époux : Exemples : • Si l’époux non acquéreur donne de l’argent à l’époux acquéreur d’un bien immobilier afin d’acquérir ce bien, l’époux non acquéreur n’a pas droit à une créance compensatrice ; • Si l’époux non acquéreur accorde un prêt à l’époux acquéreur d’un bien immobilier afin d’acquérir ce bien, l’époux non acquéreur dispose d’une créance de prêt ordinaire ; • Si l’époux non acquéreur contribue au financement de l’acquisition d’un bien immobilier par son conjoint, il dispose d’une créance compensatrice. Celle-ci porte sur la masse des biens de l’époux acquéreur dont fait partie le bien immobilier (cf. question 9) ; • Si l’époux non acquéreur finance l’acquisition d’un bien immobilier par son conjoint au moyen de ses biens propres, il dispose d’une créance compensatrice. Celle-ci porte sur la masse de biens de l’époux acquéreur dont fait partie le bien immobilier (cf. question 9). 9 Qu’entend-on par “créance compensatrice” ? Il existe deux types de créances compensatrices. D’une part, les créances compensatrices entre les masses de biens des deux époux et, d’autre part, les créances compensatrices entre les deux masses de biens d’un époux. Les règles suivantes s’appliquent : 4 ZÜRICH GENF ZUG LAUSANNE LONDON MADRID • Créances compensatrices entre époux : Lorsque l’un des époux a contribué sans contrepartie correspondante à l’acquisition, à l’amélioration ou à la conservation de biens de l’autre conjoint et qu’il existe une plus-value au moment de la liquidation du régime matrimonial, sa créance est proportionnelle à sa contribution et est calculée sur la valeur actuelle des biens; en revanche, en cas de moins-value, la créance correspond au montant de ses investissements (art. 206 al. 1 CC). • Créances compensatrices entre les masses de biens d’un époux : Lorsque des fonds d’une masse d’un époux ont contribué à l’acquisition, à l’amélioration ou à la conservation de biens appartenant à l’autre masse et qu’une plus-value ou une moins-value est intervenue, la récompense est proportionnelle à la contribution fournie et est calculée selon la valeur des biens au moment de la liquidation ou de l’aliénation (art. 209 al. 3 CC). 10 Comment se déroule la liquidation du régime matrimonial ? La liquidation du régime matrimonial se déroule, de manière simplifiée, en 6 étapes : • Reprise des biens et règlement des dettes : Les biens des époux sont séparés. Chaque époux reprend ses biens qui se trouvent en possession de l’autre époux (art. 205 al. 1 CC). En outre, les époux règlent leurs dettes réciproques, par exemple les dettes de prêt liées à l’acquisition d’un bien immobilier (art. 205 al. 3 CC). Si l’un des époux a contribué à l’acquisition, à l’amélioration ou à la conservation de biens de l’autre sans contrepartie correspondante (par exemple : cofinancement de l’acquisition d’un bien immobilier, cofinancement de l’amortissement d’une hypothèque sur un bien immobilier, cofinancement de la rénovation ou de l’agrandissement d’un bien immobilier) et qu’il existe une plus-value au moment de la liquidation, ces investissements sont remboursés au moins à leur valeur nominale, le cas échéant proportionnellement à la plus-value du bien immobilier (art. 206 al. 1 CC). • Séparation des biens propres : les biens propres de chaque époux sont séparés. Un bien est attribué en bloc à l’une ou l’autre masse. Si les deux masses ont participé au financement d’un bien, c’est la prépondérance financière de la participation qui détermine l’attribution. Les dettes grèvent la masse avec laquelle elles sont en rapport de connexité ou, en cas de doute, les acquêts (art. 209 al. 2 CC). Si les dettes d’une masse ont été payées par des fonds de l’autre masse du même époux, il en résulte une créance compensatrice limitée au montant nominal (art. 209 al. 1 CC). Les investissements d’une masse dans des biens de l’autre masse appartenant au même époux donnent lieu à une créance compensatrice variable, qui peut entraîner une participation à une éventuelle plus-value, mais aussi à une moins-value. • Estimation : les acquêts et les biens propres de chaque époux sont disjoints dans leur composition au jour de la dissolution du régime (art. 207 al. 1 CC). Lors de la liquidation du régime matrimonial, les biens, par exemple les immeubles, sont estimés à leur valeur vénale (art. 211 CC). • Réunion : sont réunis aux acquêts les biens qui en faisaient partie et dont l’époux a disposé par libéralités entre vifs sans le consentement de son conjoint au cours des cinq années précédant la dissolution du régime matrimonial, à l’exception des présents d’usage, ainsi que les aliénations de biens d’acquêts faites par l’un des époux pendant le régime matrimonial dans l’intention de compromettre la participation de son conjoint (art. 208 CC). • Bénéfice : si la valeur totale des acquêts (compte tenu des dettes et des réunions selon l’art. 208 CC) présente un solde positif, celui-ci est appelé bénéfice (art. 210 al. 1 CC). L’autre époux a droit à la moitié de ce bénéfice (art. 215 al. 1 et 2 CC), à moins qu’une clé de répartition différente n’ait été convenue par contrat de mariage (art. 216 al. 1 CC). • Exécution des droits : enfin, les droits, c’est-à-dire les créances de participation et les créances compensatrices, y compris les parts de plus-value, doivent être exécutés, le bénéfice doit être acquitté, de même qu’une éventuelle créance en découlant. En cas de décès de l’un des conjoints, les héritiers (généralement aussi le conjoint survivant) se substituent à lui. 5 ZÜRICH GENF ZUG LAUSANNE LONDON MADRID 11 Quels sont les effets de la participation aux bénéfices sur un bien immobilier ? L’effet de la participation aux bénéfices est en principe de nature purement obligationnelle et n’a aucune incidence sur la propriété d’un bien immobilier. Ce n’est donc pas le régime matrimonial qui détermine si un bien immobilier tombe ou non dans la succession du conjoint décédé, mais uniquement les droits réels (inscription au registre foncier). Les biens immobiliers ne font partie de la succession que si le défunt en était propriétaire. Toutefois, le financement d’un bien immobilier ou l’origine du financement de ce dernier et une éventuelle participation au bénéfice par l’autre conjoint ont des conséquences importantes sur les éventuelles créances pécuniaires dans la succession du conjoint pour le conjoint survivant, et donc sur la possibilité effective pour ce dernier de demander l’attribution ou la conservation du bien immobilier. D’un point de vue juridique, il est souvent possible que le conjoint survivant puisse rester dans le bien immobilier habité en commun et puisse en demander l’attribution, pour autant que le bien immobilier ait été la propriété du conjoint décédé (voir à ce sujet la question 31). Il est toutefois plus décisif de savoir si un époux qui demande l’attribution du bien immobilier est financièrement en mesure de compenser les autres héritiers à cet effet. Pour favoriser le conjoint, il peut donc être décisif que les époux concluent un contrat de mariage et règlent notamment l’attribution du bénéfice. A cela s’ajoute - et cela est souvent négligé - le fait que le conjoint survivant - même s’il est propriétaire du bien immobilier habité en commun - doit éventuellement effectuer des paiements à la succession dans le cadre d’un décès et/ou dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, par exemple lorsqu’il a hérité d’un bien immobilier nécessitant des travaux de rénovation et que le conjoint décédé a investi des fonds dans le bien immobilier à partir de ses acquêts. Une attribution du bénéfice peut donc également se justifier dans le cas où le bien immobilier est la propriété du conjoint survivant. 12 Quelles sont les possibilités d’aménagement pour favoriser le conjoint survivant en ce qui concerne le bénéfice ? Par contrat de mariage, il est possible de convenir d’une autre participation au bénéfice que le partage par moitié prévu par la loi (art. 216 al. 1 CC). La participation au bénéfice attribuée en sus de la moitié n’est pas prise en compte pour le calcul des réserves héréditaires du conjoint survivant, des enfants communs, et de leurs descendants (art. 216 al. 2 CC). Une telle convention ne doit toutefois pas porter atteinte aux réserves des enfants non communs et de leurs descendants (art. 216 al. 3 CC). Souvent, les époux conviennent qu’en cas de décès de l’un d’entre eux, le conjoint survivant recevra l’intégralité du bénéfice. 13 Un bien immobilier peut-il être attribué directement à l’autre conjoint par le biais d’une attribution du bénéfice ? En principe, l’attribution du bénéfice est une simple créance de bénéfice. La doctrine dominante part toutefois du principe que des dispositions relatives au partage du régime matrimonial peuvent être convenues par contrat de mariage et que, par exemple, des biens matériels, comme un bien immobilier, peuvent être attribués au conjoint survivant en imputation du bénéfice. 6 ZÜRICH GENF ZUG LAUSANNE LONDON MADRID 14 Quelles réflexions de planification devraient avoir les époux mariés sous le régime de la participation aux acquêts ? La liquidation du régime matrimonial peut être complexe dans certains cas. Les règles suivantes s’appliquent à la planification du régime matrimonial pour favoriser le conjoint survivant : • Si les époux ne disposent pas ou peu de biens propres et qu’un bien immobilier a été financé par les acquêts des deux époux ou de l’un d’entre eux, le conjoint survivant peut être favorisé en se voyant attribuer non pas seulement la moitié - comme le prévoit la loi - mais la totalité du bénéfice (ou de la créance de bénéfice) de l’époux prédécédé. Ceci est admissible vis-à-vis des enfants communs sans restriction et sans tenir compte de leur réserve héréditaire ; • Une attribution du bénéfice peut également se justifier lorsque l’un époux a, par exemple, versé d’importantes contributions provenant d’acquêts pour la rénovation ou l’aménagement du bien immobilier de l’autre époux qui se trouve dans ses biens propres ; • L’attribution du bénéfice ne permet pas à elle seule d’attribuer le bien immobilier au conjoint survivant. Une règle de partage du régime matrimonial peut toutefois être prévue à cet effet dans le cadre de l’attribution du bénéfice ; • Si les époux disposent de biens propres importants et largement prépondérants par rapport aux acquêts, par exemple si un bien immobilier fait partie des biens propres de l’un des époux, l’attribution proposée par contrat de mariage perd en importance. Dans ce cas, le conjoint survivant pourrait être mieux avantagé en adoptant le régime de la communauté de biens. III Liquidation du régime matrimonial de la communauté de biens 15 Qu’est-ce que le régime de la communauté de biens ? La communauté de biens est un régime matrimonial qui régit la répartition des biens entre les époux pendant et après le mariage. Dans le cadre de la communauté de biens, les époux ne disposent en principe pas de biens séparés, mais gèrent ensemble les biens communs. 16 Quelles masses de biens le régime de la communauté de biens connaît-il ? Le régime de la communauté de biens connaît 3 masses de biens : les biens communs et les biens propres de chaque époux. 17 Quels biens font partie des biens communs ? La communauté universelle de la communauté de biens se compose de tous les biens et revenus des époux qui ne sont pas biens propres de par la loi (art. 222 al. 1 CC). La communauté appartient indivisément aux deux époux (art. 222 al. 2 CC). Aucun des époux ne peut disposer seul de sa part aux biens communs (art. 222 al. 3 CC). Les biens qui appartiennent à l’un des époux au début du régime matrimonial ainsi que les revenus des biens propres légaux sont compris dans les biens communs (art. 198 ch. 2 CC et art. 224 al. 2 CC a contrario). Les libéralités provenant de tiers sont également attribuées aux biens communs, mais uniquement si elles ne sont pas faites dans le but de constituer des biens propres (art. 225 al. 1 CC). En outre, les prestations de l’employeur, des assurances sociales, les revenus d’une activité indépendante, etc. en font partie. Avec l’entrée en vigueur de la communauté de biens, ces biens deviennent la propriété commune des époux. 7 ZÜRICH GENF ZUG LAUSANNE LONDON MADRID 18 Quels biens font partie des biens propres ? Les biens propres sont constitués par contrat de mariage, par des libéralités provenant de tiers ou par l’effet de la loi (art. 225 al. 1 CC). De par la loi, les biens propres de chaque époux comprennent les effets exclusivement affectés à son usage personnel ainsi que ses créances en réparation d’un tort moral (art. 225 al. 2 CC). 19 Qu’advient-il des biens que les époux possédaient déjà avant le mariage, lors de la création du régime matrimonial de la communauté de biens ? En cas de communauté de biens, les biens qui appartenaient aux époux avant le mariage font en principe partie des biens communs des deux époux (sauf s’il s’agit de biens propres). C’est notamment le cas si l’un des époux apporte un bien immobilier dans le mariage. En effet, un bien immobilier apporté dans le mariage constitue en principe un bien commun des deux époux. 20 Dissolution du régime matrimonial de la communauté de biens par le décès de l’un des époux Le régime matrimonial est dissous par le décès de l’un des époux (art. 236 al. 1 CC). Lors de la liquidation du régime matrimonial, il convient d’abord de distinguer les biens propres et les biens communs. La communauté de biens se partage par moitié entre les époux ou leurs héritiers (art. 241 al. 1 CC). Une autre clé de répartition du partage peut être convenu par contrat de mariage (art. 241 al. 2 CC). De tels accords ne doivent pas porter atteinte aux réserves des descendants (art. 241 al. 3 CC). 21 Que se passe-t-il avec les biens immobiliers qui font partie des biens communs ? Si le bien immobilier dans lequel les époux vivaient ensemble fait partie des biens communs, le conjoint survivant peut demander que la propriété de cet immeuble lui soit attribuée en imputation sur sa part (art. 244 al. 1 CC). Lorsque les circonstances le justifient, un usufruit ou un droit d’habitation peut être accordé à la place de la propriété, à la demande du conjoint survivant ou des autres héritiers légaux de l’époux défunt (art. 244 al. 2 CC). 22 Quelles réflexions de planification les époux mariés sous le régime de la communauté de biens doivent-ils mener ? Pour favoriser au mieux le conjoint survivant, il ne suffit pas de convenir du régime de la communauté de biens. Il est également nécessaire d’attribuer les biens communs au conjoint survivant dans le contrat de mariage. Ceci a pour conséquence qu’en cas de décès, le conjoint survivant devient le seul propriétaire du bien immobilier. Les descendants ont dans tous les cas un droit impératif à leur part réservataire sur l’ensemble de la succession. IV Liquidation du régime matrimonial de la séparation de biens 23 Quelles masses de biens le régime de la séparation de biens connaît-il ? Dans le régime de la séparation de biens, il existe deux masses de biens distinctes pour les époux, à savoir les biens de chaque époux (art. 247 CC). 8 ZÜRICH GENF ZUG LAUSANNE LONDON MADRID 24 Comment se déroule la liquidation du régime matrimonial ? Il n’y a pas de liquidation du régime matrimonial. Chaque époux garde ses biens et règle ses dettes comme s’il n’avait pas été marié. Cela vaut également pour les biens immobiliers, pour lesquels il n’y a en principe pas de liquidation du régime matrimonial. V Bien immobiliers entre le décès et le partage successoral 25 Comment faut-il qualifier les rapports juridiques entre les héritiers après le décès du défunt ? S’il y a plusieurs héritiers du défunt, tous les droits et obligations compris dans la succession restent indivis jusqu’au partage (art. 602 al. 1 CC). Les héritiers deviennent propriétaires de l’ensemble des biens qui dépendent de la succession et n’e disposent qu’en commun, sous réserve des droits de représentation et d’administration contractuels ou légaux (art. 602 al. 2 CC). 26 Un bien immobilier peut-il être vendu ou hypothéqué par les héritiers avant le partage de la succession ? Oui, mais seulement si tous les héritiers y consentent. 27 Les contrats de bail et de gérance d’immeubles peuvent-ils être résiliés ? Oui, mais dans ce cas aussi, tous les héritiers doivent donner leur accord. 28 Un héritier qui habite dans l’immeuble faisant partie de la masse successorale peut-il être expulsé de l’immeuble contre sa volonté ? En principe, un héritier qui habite dans l’immeuble faisant partie de la masse successorale ne peut pas être expulsé contre sa volonté, car il est, avec les autres héritiers, propriétaire de l’immeuble et les décisions doivent être prises en commun par tous les héritiers. Exceptionnellement, l’expulsion de l’immeuble est autorisée si l’héritier en question met en danger la valeur de celui-ci (Obergericht Luzern, jugement du 14 septembre 2009, ZBGR 93/2012, 10 s.). 29 Un héritier doit-il une indemnité pour l’utilisation de l’immeuble jusqu’au partage de la succession ? Oui, une indemnité est due pour l’utilisation de l’immeuble jusqu’au partage de la succession (Tribunal fédéral, arrêt du 22 février 2011, 5A_572/2010, 5A_573/2010). VI Partage de la succession Le partage de la succession a lieu différemment selon que le défunt a conclu un pacte successoral avec les héritiers, qu’il a rédigé un testament ou qu’il n’a pas pris de dispositions pour cause de mort et que c’est donc les règles légales qui s’appliquent exclusivement à la succession (succession ab intestat). 9 ZÜRICH GENF ZUG LAUSANNE LONDON MADRID VII Partage de la succession selon la succession ab intestat 30 Qui hérite et de combien ? Le conjoint survivant reçoit : • s’il doit partager avec des descendants : la moitié de la succession ; • s’il doit partager avec le père ou la mère du défunt, ou leur postérité : les trois quarts de la succession ; • à défaut de descendants et de père et mère du défunt, et de leur postérité : la totalité de la succession (art. 462 CC). 31 En tant que conjoint survivant, puis-je demander que le bien immobilier me soit attribué ? Oui, la loi prévoit un droit préférentiel d’attribution, entre autres, pour un bien immobilier. Les règles suivantes s’appliquent : • Lorsque la succession comprend la maison ou l’appartement qu’occupaient les époux ou du mobilier de ménage, le conjoint survivant peut demander que la propriété de ces biens lui soit attribuée en imputation sur sa part ; • Lorsque les circonstances le justifient, un usufruit ou un droit d’habitation peut être attribué en imputation à la place de la propriété, à la demande du conjoint survivant ou des autres héritiers légaux du défunt (art. 612a CC). L’imputation de la propriété se fait sur la base de la valeur vénale. L’imputation d’un usufruit ou d’un droit d’habitation se fait par imputation de la valeur capitalisée. 32 Qui reçoit le bien immobilier si le conjoint renonce à son droit préférentiel d’attribution et que les héritiers ne parviennent pas à s’entendre ? Pour le partage de la succession, les héritiers forment autant de lots, soit de groupes de biens ou de droits de valeur égale, qu’il y a d’héritiers ou de souches copartageants (art. 611 al. 1 CC). Si les héritiers ne peuvent s’entendre sur la composition des lots, l’autorité compétente doit, à la demande de l’un d’entre eux, former les lots en tenant compte des usages locaux, de la situation personnelle des héritiers et des souhaits de la majorité de ces derniers (art. 611 al. 2 CC). La répartition des lots se fait par accord entre les héritiers ou par tirage au sort (art. 611 al. 3 CC). L’héritier qui reçoit le bien immobilier est donc celui qui reçoit le lot comprenant ce dernier. 33 Qu’advient-il d’un bien immobilier dont la valeur est si élevée qu’il ne peut être placé dans un lot ? En principe, un bien de la succession, par exemple un bien immobilier, dont la valeur diminuerait considérablement en cas de partage, doit être attribué indivisément à l’un des héritiers (art. 612 al. 1 CC). Si les héritiers ne parviennent pas à s’entendre sur le partage ou l’attribution d’un bien immobilier et que celuici ne rentre pas dans un lot, le bien immobilier doit être vendu et le produit de la vente doit être réparti (art. 612 al. 2 CC). A la demande d’un héritier, la vente se fait aux enchères ; à défaut d’accord entre les héritiers, l’autorité compétente décide si les enchères doivent être publiques ou ne doivent avoir lieu qu’entre héritiers (art. 612 al. 3 CC). 10 ZÜRICH GENF ZUG LAUSANNE LONDON MADRID 34 A quelle valeur les biens immobiliers sont-ils imputés lors du partage successoral ? Les biens immobiliers sont imputés sur les parts héréditaires à la valeur vénale qu’ils ont au moment du partage (art. 617 CC). VIII Partage de la succession selon le testament 35 Qui hérite et de combien ? Celui qui laisse son conjoint ou des descendants peut disposer de ses biens pour cause de mort jusqu’à concurrence du montant de leur réserve (art. 470 al. 1 CC). Celui qui ne laisse aucun des héritiers susmentionnés peut disposer de toute la succession (art. 470 al. 2 CC). La réserve s’élève à la moitié du droit de succession (art. 471 CC). 36 Quel est le montant de la réserve lorsqu’un défunt ne laisse que des descendants ? Selon le nouveau droit des successions, la réserve s’élève à 50% depuis le 1er janvier 2023 (75% jusqu’au 31 décembre 2022). En conséquence, le défunt peut donc disposer librement de 50% (25% jusqu’au 31 décembre 2022) de sa succession. 37 Quel est le montant de la réserve lorsqu’un défunt ne laisse que son conjoint ? La réserve est de 50%. Le défunt peut donc disposer librement de 50% de sa succession. 38 Quel est le montant de la réserve lorsqu’un défunt laisse à la fois un conjoint et des descendants ? La réserve du conjoint est de 25% et la réserve des descendants est également de 25% depuis le 1er janvier 2023 (37,5% jusqu’au 31 décembre 2022). En conséquence, le défunt peut disposer librement de 50% (37,5% jusqu’au 31 décembre 2022) de sa succession. 39 Puis-je accorder à mon conjoint survivant l’usufruit de la part d’héritage de nos descendants ? Oui, quel que soit l’usage qu’il fait de la quotité disponible, le conjoint peut, par disposition pour cause de mort, laisser au survivant l’usufruit de toute la part dévolue à leurs descendants communs (art. 473 al. 1 CC). Par conséquent, l’octroi d’un usufruit est autorisé, mais uniquement à l’égard des descendants communs. 40 Puis-je, en plus de l’octroi de l’usufruit sur la totalité de la part d’héritage revenant aux descendants communs, continuer à favoriser mon conjoint ? Oui, cet usufruit tient lieu du droit de succession attribué par la loi au conjoint en concours avec ces descendants. De plus, depuis le 1er janvier 2023, outre cet usufruit, la quotité disponible qui peut être attribuée au conjoint est égale à la moitié de la succession. 41 Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Si le testateur accorde au conjoint survivant l’usufruit de la totalité de la part de la succession revenant aux descendants, le droit de succession attribué par la loi au conjoint est supprimé. Concrètement, cela signifie que ce droit est supprimé à hauteur de ½ de la succession. Selon l’ancien droit, les descendants avaient droit à une part 11 ZÜRICH GENF ZUG LAUSANNE LONDON MADRID réservataire de ¾ de l’ensemble de la succession (en l’occurrence grevée d’usufruit). En conséquence, la quotité librement disponible de la succession était de ¼. Afin d’augmenter la liberté de disposer du testateur, la révision du droit des successions porte désormais la quotité disponible à ½ et non plus seulement à ¼ de la succession. La quotité disponible étant, outre l’usufruit de la part de la succession revenant aux descendants communs, de la moitié de la succession, il est possible d’attribuer au conjoint survivant cette moitié de la succession en pleine propriété et l’autre moitié en usufruit, les descendants communs ayant la nue-propriété de la moitié de la succession grevée d’usufruit. Alternativement, il est possible que le défunt dispose de la moitié librement disponible de sa succession en faveur de certains ou de tous ses descendants ou de tiers (et non en faveur du conjoint), que ce soit sous forme de legs ou de part successorale. 42 Dois-je adapter mon testament existant suite à la révision du droit des successions ? Il convient d’évaluer au cas par cas s’il est recommandé d’adapter les testaments existants. Ceci dépend en effet des formulations utilisées jusqu’à présent dans les testaments. En principe, il est recommandé de vérifier les testaments rédigés sur la base de l’ancien droit des successions et de les adapter le cas échéant. A cela s’ajoute le fait que le conjoint survivant peut uniquement être davantage favorisé vis-à-vis des descendants si un testament est établi sur la base du nouveau droit des successions. IX Partage de la succession selon un pacte successoral Si l’on veut éviter autant que possible des litiges successoraux, il est recommandé de conclure un pacte successoral. Un tel contrat est judicieux lorsque tous les héritiers y participent. La conclusion d’un pacte successoral rend la répartition de la succession contraignante pour tous les héritiers. Si tous les héritiers sont d’accord, il n’est pas nécessaire de tenir compte des réserves héréditaires. Selon les cas, il existe une multitude de possibilités d’aménagement qui seront abordées dans un prochain article. X Principaux points à retenir pour l’organisation de la succession Celle ou celui qui souhaite favoriser au maximum le conjoint survivant devrait prendre en considération les éléments suivants et les examiner au cas par cas : • Si les époux disposent principalement d’acquêts, il est recommandé de procéder à une attribution du bénéfice en faveur du conjoint survivant ; • Il est envisageable d’attribuer à l’autre conjoint, dans le cadre de l’attribution du bénéfice, le bien immobilier acquis par acquêts à travers une règle de partage du régime matrimonial ; • Si les époux disposent principalement de biens propres, le conjoint survivant pourrait être favorisé par l’établissement d’un régime matrimonial de communauté de biens et par une attribution globale des biens en sa faveur. Il est ainsi également possible que le bien immobilier habité en commun devienne la propriété exclusive du conjoint survivant dès la liquidation du régime matrimonial et non pas seulement dans le cadre du partage de la succession ; 12 ZÜRICH GENF ZUG LAUSANNE LONDON MADRID • La révision du droit des successions a abaissé les parts réservataires des descendants. Celle ou celui qui veut favoriser au maximum le conjoint survivant devrait donc penser à rédiger un testament selon le nouveau droit des successions. Afin d’éviter des litiges, les testaments déjà rédigés selon l’ancien droit des successions devraient être vérifiés et éventuellement adaptés, et ce bien que le nouveau droit des successions s’applique automatiquement aux décès survenant après le 1er janvier 2023. Il en va de même pour l’attribution de la quotité disponible en cas d’octroi de l’usufruit de la part successorale des descendants communs ; • Si l’on veut éviter des litiges entre les héritiers, il convient d’envisager la conclusion d’un pacte successoral. Un tel contrat est judicieux si tous les héritiers y consentent. Les pactes successoraux permettent de partager les successions sur mesure selon la volonté de tous les héritiers et offrent une multitude de possibilités d’aménagement en ce qui concerne les biens immobiliers (utilisation, droit d’habitation, transfert de propriété, fixation de la valeur d’imputation, transfert ultérieur aux héritiers subséquents, etc.) Dans tous les cas, il est recommandé aux époux de planifier suffisamment tôt le sort d’un bien immobilier qu’ils occupent ensemble en cas de décès