Partie II. ELIGIBILITE AUX TITRES MINIERS

Ne peuvent se livrer aux opérations de prospection, de recherche et d’exploitation minières en République du Congo que les personnes morales (1) ou physiques (2) qui ne font l’objet d’aucune condamnation à des peines privatives des droits à l’exercice des activités industrielles et commerciales (3)[1].

  1. Les personnes morales

Les termes "personnes morales" éligibles aux titres miniers visent plusieurs entités juridiques, à savoir les sociétés commerciales (1.1), les groupements d’intérêt économique (1.2), les entreprises publiques (1.3) et les associations (1.4).

1.1 Les sociétés commerciales

Les sociétés commerciales éligibles aux titres miniers sont les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés anonymes[2]. Ces sociétés doivent être dûment constituées, et immatriculées au registre du commerce et du crédit mobilier.

La société commerciale souhaitant faire la demande d’un titre minier doit avoir un objet social licite lui permettant d’exercer ou d’effectuer les opérations minières organisées par le Code minier. Le législateur Congolais n’interdit pas expressis verbis que l’objet d’une entreprise minière s’étende à des activités connexes. Toutefois, l’article 14 du Code minier limite l’activité d’entreprises minières à celle qui relèvent du secteur minier et qui se déroulent dans le cadre de la loi minière et d’autres textes en vigueur. Il en découle que l’objet social d’une société éligible doit être limité à une ou plusieurs phases des opérations minières précisées plus haut.

Par ailleurs, le siège social de la société doit être fixé et clairement mentionné dans les statuts pour permettre à l’administration des mines de lui faire des notifications diverses. Pour le maintien de son éligibilité, au regard notamment de tout renouvellement ou transformation du titre minier, il est requis à toute société qui en est détentrice de porter, sans délai, à la connaissance du Ministre des mines, toute modification apportée aux statuts, à la forme, au capital social et à la composition du conseil d’administration[3].

Les sociétés de droit étranger sont également éligibles aux titres miniers, sous réserve de faire élection de domicile sur le territoire de la République du Congo, conformément au second alinéa de l’article 98 du Code minier.

Toutefois, l’article 1er du décret n° 2007-274 du 21 mai 2007 fixant les conditions de prospection, de recherche et d’exploitation des substances minérales et celles d’exercice de la surveillance administrative vient préciser que « toute personne morale (…) n’ayant pas au Congo son siège social est tenue de faire élection domicile sur le territoire congolais jusqu’à la création d’une filiale de droit congolais » .

Il en découle que les sociétés de droit étranger doivent créer des filiales de droit congolais pour mener leurs activités minières au Congo. L’élection de domicile sur le territoire congolais n’est qu’une solution provisoire et transitoire qui leur est consentie en attendant la création d’une filiale avec un siège social au Congo.

1.2  Les groupements d’intérêt économique

Dans la mesure où il jouit de la personnalité morale et de la pleine capacité à compter de son immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier, le groupement d’intérêt économique  pourrait être considéré comme éligible à l’obtention de titres miniers.

Cependant, compte tenu de la circonstance, d’une part, que son but exclusif est de mettre en œuvre, pour une durée déterminée, les moyens propres à faciliter ou à développer l’activité économique de ses membres et que son activité se rattache essentiellement à celle desdits membres qui seraient déjà, eux, détenteurs de titres miniers, et d’autre part, qu’il n’a pas vocation par lui-même à réaliser et à partager les bénéfices, le groupement d’intérêt économique ne peut solliciter ni détenir de titre minier en son nom et pour son compte[4]. Il n’est donc pas éligible aux titres miniers.

1.3 Les entreprises publiques

Comme pour les personnes morales de droit privé, les entreprises publiques peuvent solliciter et obtenir des titres miniers pour autant que leur objet social se rapporte à la recherche et à l’exploitation des mines ou des gisements de substances minérales ou fossiles.

De façon générale, les entreprises publiques sont définies comme des entreprises sur lesquelles l’Etat ou les collectivités territoriales exercent directement ou indirectement une influence dominante du fait de la propriété, de la participation financière ou des règles qui la régissent. Conformément à la loi n° 21-94 du 10 août 1994 portant loi-cadre sur la privatisation, les entreprises publiques en République du Congo sont les entreprises d’Etat, les entreprises pilotes d’Etat, les sociétés d’économie mixte, les entreprises publiques à caractère industriel et commercial et les offices, en particulier les offices à caractère industriel et/ou commercial.

Les entreprises publiques qui se livrent aux opérations minières restent assujetties aux mêmes droits et obligations que les entreprises privées. Elles peuvent entreprendre, seules ou en association avec des entreprises privées ou d’autres entreprises publiques, les opérations minières prévues par le Code minier[5].

4.1 Les associations

L’expression « personnes morales » s’applique également aux associations qui disposent de la capacité juridique dès lors qu’elles ont été rendues publiques selon les modalités prévues par la loi. Au titre de l’article 1er de la loi du 1er juillet 1901 relative aux contrats d’association publique, « l’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices ».

Il en découle que les associations peuvent entreprendre des activités concourant, par exemple, au développement économique, sous réserve qu’elles n’aient pas pour but de partager des bénéfices. Ainsi, les associations ayant un caractère économique peuvent solliciter et obtenir des autorisations de prospection et des permis de recherches.

Cependant, elles ne peuvent pas exploiter industriellement ou à petite échelle les gisements miniers découverts. En effet, l’exploitation industrielle des mines, carrières et de tout gisement de ressources naturelles est un acte de commerce par nature au sens de l’Acte uniforme de l’OHADA relatif au droit commercial général. Une telle exploitation industrielle ne peut être réalisée par des associations, lesquelles ne peuvent, par conséquent, solliciter ni obtenir un titre minier d’exploitation. En revanche, la prospection et la recherche minières n’étant pas des actes de commerce par nature, sauf si elles sont réalisées par des sociétés commerciales, peuvent être réalisées par des associations.

Aussi, l’exploitation de gisements miniers économiquement exploitables découverts par une association ne peut-elle qu’être cédée à une entité publique ou à une entité privée commerçante éligible.

  1. Les personnes physiques

Toute personne physique, indépendamment de sa nationalité,  peut solliciter l’octroi de titres miniers[6]. Toutefois, ce principe de liberté d’accès au domaine minier connaît des limites tenant  à la protection de la personne qui s’engage, c’est le régime des incapacités (2.1), et à la prévention des conflits d’intérêts, c’est le régime des incompatibilités (2.2).

2.1 Les incapacités

Les personnes mineures ne sont pas éligibles pour solliciter des titres miniers. Seules les personnes ayant atteint l’âge de 18 ans peuvent en solliciter. Le Code minier prévoit cette exigence pour les autorisations de prospection (art. 21), les permis de recherches (art. 31), les autorisations d’exploitation artisanale (art. 40), les autorisations d’exploitation industrielle (art. 51) et les permis d’exploitation (art. 59). L’âge de 18 ans correspond à celui de la majorité légale en République du Congo, conformément aux articles 318 et 419 de la loi n° 073/84 du 17 octobre 1984 portant Code de la famille.

L’article 422 du Code de la famille dispose que les majeurs aux facultés mentales altérées par une maladie, une infirmité ou un affaiblissement dû à l’âge, ainsi que ceux souffrant d’une altération durable des facultés mentales corporelles empêchant l’expression de la volonté, sont protégés par la loi.

Ainsi, pour les majeurs en tutelle, les actes passés postérieurement au jugement d’ouverture de la tutelle sont nuls de plein droit. S’agissant de leurs actes antérieurs audit jugement, ils peuvent être annulés si la cause qui a déterminé l’adoption de la mesure existait notoirement à l’époque où ils ont été faits[7].

Pour les majeurs mis en curatelle, lorsqu’ils ont fait seuls un acte pour lequel l’assistance du curateur était requise, ils peuvent, eux-mêmes ou le curateur, en demander l’annulation. Toutefois, cette action en nullité s’éteint dans un délai de cinq ans. De plus, toute signification faite à un majeur en curatelle est nulle, sous réserve d’une notification additionnelle au curateur[8].

2.2 Les incompatibilités

Le Code minier ne prévoit aucune disposition sur les incompatibilités en matière d’obtention de titres miniers. Au regard de la Constitution, il est intéressant de noter que les fonctions de ministres sont notamment incompatibles avec l’exercice de toute activité professionnelle à l’exception des activités agricoles, culturelles, de conseiller local, d’enseignement et de recherche[9]. Si les activités agricoles sont donc autorisées, l’exercice des activités minières sont donc exclues pour les ministres.

  1. La condamnation à des peines privatives des droits à l’exercice des activités industrielles et commerciales

Au titre de l’article 10 du Code minier, tout demandeur de titre minier « ne doit pas (…) faire l’objet de condamnation à des peines privatives des droits à l’exercice des activités industrielles et commerciales ». Cette disposition parait avantageuse aux investisseurs miniers dans la mesure où ne semblent pas prises en compte d’éventuelles condamnations dans un passé récent.

Cependant, l’article 138 du Code minier accorde à l’administration le pouvoir discrétionnaire de refuser, pendant une période de cinq ans, toute nouvelle délivrance de titre minier à tout explorateur ou exploitant des mines ou des carrières ayant fait l’objet d’une condamnation à une peine correctionnelle pour inexécution de ses obligations.

Par ailleurs, la qualification  de "condamnation à des peines privatives des droits à l’exercice des activités industrielles et commerciales" semble assez large. Il pourrait s’agir des  infractions prévues par le Code minier, par la législation environnementale ou encore par les Actes Uniformes de l’OHADA.

Une telle rédaction, pour le moins imprécise, met à mal la sécurité juridique et peut constituer un nid à contentieux. Elle pourrait conduire à un manque  d’objectivité dans l’appréciation, par l’administration, de cette disposition. Il est par conséquent souhaitable que  soient clarifiés le contenu et l’étendue des peines privatives des droits à l’exercice des activités industrielles et commerciales.