La banque d’émission de lettres de gages est régie au Luxembourg par la loi du 21 novembre 1997, cette dernière ayant créé dans la loi du 5 avril 1993 relative au secteur financier telle que modifiée (LSF) un statut specifique à cette institution sous les articles 12-1 à 12-9.
Le législateur luxembourgeois a voté la loi du 27 juin 2013 dans le but de clarifier certaines de ces dispositions d’une part et de renforcer l’attractivité de cet instrument d’autre part.
A titre préliminaire, il convient toutefois de rappeler les origines de cet instrument et de l’opérateur en droit de les émettre. C’est sous le droit germanique qu’apparaissent les premières “Pfandbriefe” émises par les “Pfandbriefbanks” qui consiste en des titres de créances garantis par une masse de couverture spécialement affectée auxdits titres.
Si la notion de lettre de gage est d’inspiration germanique, le Luxembourg a fait le choix au moment d’introduire l’instrument financier en droit local, d’en réserver l’émission à des institutions dont l’activité principale se limiterait à ces seules transactions de telle sorte que les banques émettrices de lettre de gage (BELG) ne sont en mesure d’exercer que de manière accessoire des activités autres que celles pour lesquelles elles ont obtenu l’agrément requis aux fins d’exercer les activités décrites aux articles 12-1 à 12-9 de la LSF.
Cette spécialisation s’explique, comme le rappelle le Conseil d’Etat dans son avis du 16 avril 2013 par le fait que la combinaison de dettes sur lesquelles les créanciers ont un privillège avec d’autres dettes moins garanties voire chirographaires créerait une distorsion inappropriée et notamment en matière de garantie des dépôts.
Aux termes de la loi du du 21 Novembre 1997, le législateur luxembourgeois a initialement introduit deux types de lettre de gage, chacune se caractérisant par la nature de sa garantie sous-jacente.
On trouve ainsi:
- la lettre de gage « publique » ayant pour vocation principale le financement de prêts à des collectivités de droit public, ces derniers étant garantis par des créances envers elles ou par des collectivités de droit public de l’Union Européenne (UE), l’Espace Economique Européen (EEE), l’OCDE, le secteur public ou des entités locales;
- la lettre de gage « hypothécaire » destinée à financer des prêts garantis par des droits réels immobiliers ou par des sûretés réelles immobilières.
Ces instruments ont été complétés en 2008 par un troisième instrument, la lettre de gage « mobilière » qui est quant à elle garantie par des droits réels mobiliers ou sûretés réelles mobilières (p.ex. navires, avions, bateaux, trains) inscrits dans des registres publics de l’UE, l’EEE ou l’OCDE et toute autre valeur de couverture additionnelle autorisée par l’autorité de contrôle.
L’atout majeur de ces lettres de gage est la sécurité qu’elles offrent aux investisseurs. Elle bénéficie en effet d’un privilège particulier sur la dette sous-jacente bénéficiant de la préséance sur tout autre privillège, en ce inclus ceux du trésor public de sorte que son détenteur est assuré d’être remboursé avant tous les autres créanciers de la banque émettrice si cette dernière devait être confrontée à une situation d’insolvabilité.
La sécurité d’un tel instrument est encore renforcée par le principe de couverture intégrale. Ce principe implique qu’à tout moment les lettres de gage émises sont couvertes tant en interêts qu’en principal par des valeurs de couverture équivalentes.
La loi du 27 juin 2013, si elle n’est pas source d’innovations fondamentales, précise en revanche les dispositions en matière de protection des détenteurs de lettre de gage et crée une nouvelle catégorie de lettre de gage: la lettre de gage mutuelle.
S’agissant de ce dernier instrument, il consiste en la transposition en droit luxembourgeois de la notion allemande de “Verbundpfandbrief” qui reflète la mutualisation de l’opération entre acteurs du secteur, une entité agissant généralement comme émetteur et une ou plusieurs autres comme garants. Les lettres de gage mutuelles peuvent de ce fait être garanties par des créances sur d’autres établissements financiers qualifiés en vertu de la loi.
S’agissant des autres innovations de la loi, il convient de noter l’extension des activités visées au delà des pays membres de l’UE et de l’OCDE pour inclure des pays tiers considérés comme sûrs.
Cet élargissement vise aussi bien les émetteurs agréés que les contreparties avec lesquels les émetteurs nationaux sont autorisés à travailler ou encore les garanties des titres émis.
Enfin la nouvelle loi renforce la sécurité de l’instrument financier en modifiant le régime de liquidation des banques émettrices via la création de patrimoines d’affectation lorqu’une ou plusieurs masses de couverture sont affectés par un évènement adverse. Ainsi, quand bien même ces compartiments n’ont pas une personalité juridique propre, ils permettent une ségrégation efficace et assurent la protection des actifs sains de l’émetteur. Lorsque seule une partie d’une banque d’émission est touchée, un administrateur est nommé pour s’occuper de la dévolution des compartiments touchés. La loi détaille les fonctions et responsabilités de cet administrateur.
L’introduction de la loi du 27 juin 2013 aura permis d’élargir le cercle des opérateurs impliqués dans l’émission des lettres de gage sans altérer la sécurité de cet instrument et donc son attactivité face aux titres de même nature émis par les voisins directs du Luxembourg tel que l’Allemagne, lui permettant de rester une juridiction dont les lettres de gage gardent la préférence des investisseurs institutionels internationaux.