En vue de lutter contre l’évasion fiscale internationale des particuliers, plusieurs dispositifs d'échange automatique d'informations à des fins fiscales s'appliquent désormais aux institutions financières (« IF ») françaises et en particulier aux fonds de capital-investissement.
Le présent bulletin vise à décrire certaines formalités qu’il sera important pour les fonds d’investissement de respecter.
Rappel des dispositions applicables
Les sociétés de gestion ont notamment dû se familiariser avec le dispositif FATCA. Pour mémoire, il les oblige (sauf exception) à :
- enregistrer leurs fonds auprès de l'administration américaine (IRS) en vue d'obtenir un numéro d'identification individuel (le « GIIN » ou Global Intermediary Identification Number);
- catégoriser leurs investisseurs afin de déterminer lesquels constituent des "personnes américaines" ;
- déclarer à l’administration fiscale française certaines informations concernant leurs investisseurs américains.
En second lieu, l’OCDE a élaboré et adopté le 15 juillet 2014 une nouvelle norme mondiale d'échange automatique d'informations financières à des fins fiscales (Common reporting standard ou « CRS »).
Fortement inspiré du dispositif FATCA, le CRS a également pour objet l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers, en vue d'améliorer le respect des obligations fiscales à l'échelle internationale et de lutter contre l'évasion et la fraude fiscales de personnes physiques, directement ou par le biais d’entités. Le dispositif CRS a toutefois un champ d’application beaucoup plus large puisqu’il est susceptible de concerner les détenteurs de comptes de toutes les juridictions participantes et non seulement les détenteurs de comptes américains.
L’Union Européenne a en parallèle mis en place un dispositif rejoignant celui du CRS, connu sous le nom de DAC2 (par référence à la directive le mettant en œuvre – Directive sur la coopération administrative / Directive on administrative cooperation n° 2 ou DAC2, n° 2014/107/UE du 9 décembre 2014).
L’administration fiscale a publié des commentaires sur l’application du dispositif FATCA le 5 août 2015 mais, malgré certaines consultations de place, il n’existe pas encore de texte officiel sur les aspects CRS.
Différents éléments restent en tout état de cause à préciser.
Auto-certification à recueillir auprès des investisseurs : quel format ?
Le CRS ainsi que la DAC 2 sont applicables à compter du 1erjanvier 2016. Cela oblige notamment les fonds à identifier formellement tous les nouveaux investisseurs depuis le 1er janvier 2016, le cas échéant en incluant les mentions nécessaires dans les bulletins de souscription ou bulletins d’adhésion signés par les nouveaux porteurs de parts.
Les règles FATCA imposent notamment d’identifier les investisseurs par le biais d’une auto-certification donnée par cet investisseur sur un formulaire américain de type W-8 ou W-9 (ou tout formulaire équivalent)
Les règles CRS ont établi le même type de procédure. Toutefois les définitions des différentes catégories d’investisseurs entre FATCA et CRS ne concordent pas tout à fait.
Certains investisseurs pourront ainsi avoir un statut différent selon le dispositif applicable. Tel sera le cas par exemple d’un fonds de fonds américain ayant la forme d’un limited partnership du Delaware. Il constituera, pour les besoins de FATCA, une personne américaine déterminée (devant faire l'objet d'une déclaration à l’administration fiscale française pour transmission à l’IRS). En revanche, dans le cadre de ces règles FATCA, il n’y aura pas lieu de rechercher le bénéficiaire effectif détenant le contrôle de cette entité.
En revanche, les Etats-Unis n’étant pas à l’heure actuelle considérés comme une « juridiction partenaire » appliquant le système CRS, le limited partnershipen question sera traité comme une entité non financière passive pour la mise en œuvre de ce régime. En conséquence, il conviendra pour l’application de CRS de rechercher si cette entité comporte un bénéficiaire effectif.
Le dispositif CRS impose de recueillir certaines informations qui ne sont pas demandées dans le dispositif FATCA telles que la date et le lieu de naissance des investisseurs.
Les sociétés de gestion ne peuvent donc pas se contenter des informations recueillies dans le cadre de FATCA et doivent en principe formuler une demande d’informations complémentaires auprès de leurs investisseurs.
L’AFG a publié en avril dernier un document unique d’autocertification qui couvre à la fois les aspects FATCA et CRS.
Statut des holdings d’acquisition
Les holdings d’acquisition créées par les fonds dans le cadre de leur stratégie d'investissement sont également visées par les obligations FATCA. A ce stade, l’administration fiscale n’a pas donné sa position sur le point de savoir si ces holdings devront aussi se conformer aux règles CRS.
Statut de la société de gestion
Les sociétés de gestion peuvent choisir de ne pas s’enregistrer en tant que telles auprès de l'IRS en dépit de leur qualité d’institution financière (investment adviser / investment manager eemption). Il faudra vérifier si cette exception est bien reprise dans les commentaires du dispositif CRS.
Traitement des données à caractère personnel
L’application des dispositifs FATCA et CRS implique la collecte, l’analyse et la transmission d'informations à caractère personnel des détenteurs de compte personnes physiques.
Or, la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés prévoie certaines obligations déclaratives et d’informations lorsqu’il est prévu de procéder au traitement de données à caractère personnel.
En effet, la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (la « CNIL ») requiert d'établir une déclaration dite « normale » pour les traitements de données personnelles mis en œuvre dans le cadre de l'application des dispositifs FATCA et CRS (voir le formulaire ci-joint).
En principe, aucune collecte des données ne peut être effectuée tant que l’aval de la CNIL n’a pas été obtenu. La CNIL adresse un récépissé confirmant la réception de la déclaration normale puis son feu vert par courrier, dans un délai d’une semaine.
En outre, il convient notamment d’informer le détenteur du compte personne physique de son droit d’accès et de rectification de toute donnée personnelle le concernant.
Il faut prévoir une période maximale de conservation des données personnelles qui selon nous pourrait légitimement correspondre à la durée durant laquelle l'administration fiscale française serait en droit de vérifier l'application conforme des obligations au titre des dispositifs FATCA et CRS.