Il est un constat de plus en plus établi que près de 9 ans après la promulgation de la loi n°4-2005 du 11 avril 2005 portant Code minier[1], la République du Congo, connue également sous le nom Congo-Brazzaville le distinguant ainsi de la République Démocratique du Congo voisine, est dotée d’un potentiel minier[2] qui ne cesse d’attirer les investisseurs dans la recherche et l’exploitation des substances minérales ou fossiles. Ainsi, en 2012, près de 100 nouveaux titres miniers ont été octroyés par les autorités congolaises, hormis le renouvellement d’une quinzaine de titres, soit une moyenne de près de deux nouveaux titres miniers délivrés chaque semaine. La tendance s’est confirmée pour l’année 2013 au cours de laquelle environ 126 nouveaux titres miniers ont été octroyés, sans compter le renouvellement d’une vingtaine de titres[3]. De plus, depuis 2011, plus de 120 compagnies minières conduisent des opérations minières sur l’ensemble du territoire national.
Les opérations minières s’effectuent sur l’ensemble du territoire congolais au moyen de titres miniers. Tous ces titres miniers, qui confèrent à leurs titulaires des droits de différente nature et qui sont analysés dans la présente étude, créent des droits immobiliers non susceptibles d’hypothèque et distincts de la propriété de la surface régie par une législation différente. Seront examinés dans cette étude, les opérations et titres miniers correspondants (I), l’éligibilité aux titres miniers (II) et l’octroi de ces titres (III).
Partie I. OPERATIONS ET TITRES MINIERS
Le Code minier congolais distingue différentes opérations minières. Il s’agit des travaux de reconnaissance et de cartographie géologiques d’intérêt général (1), des travaux de prospection générale (2), des travaux de recherches (3), des travaux de développement du champ minier et d’exploitation (4).
En rapport avec ces opérations minières, le Code minier prévoit des titres miniers qui sont au nombre de six : l’autorisation de prospection, le permis de recherches, l’autorisation d’exploitation artisanale, l’autorisation d’exploitation industrielle, le permis d’exploitation et les autorisations de détention, de circulation et de transformation des substances minérales précieuses[4].
La présente étude n’intègre par les autorisations de détention, de circulation et de transformation des substances minérales précieuses. A propos, il faut simplement noter que la détention des substances minérales précieuses est permise aux titulaires des titres de prospection, de recherche ou d’exploitation, à la condition notable, pour eux, de tenir un registre-journal des quantités des substances extraites et détenues. Ce registre-journal est visé et paraphé par l’autorité administrative des mines. La circulation de ces substances, quant à elle, est permise aux détenteurs de titres d’exploitation, et leur transformation soumise à une autorisation du Ministre des mines.
- Les travaux de reconnaissance et de cartographie géologiques
Les travaux de reconnaissance et de cartographie géologiques se traduisent par une représentation cartographique et visent à identifier la formation et la morphologie des terrains. Ces travaux sont d’intérêt général. Ils relèvent du domaine de l’Etat et sont exécutés par un organisme créé par ce dernier ou par des tiers agréés. De façon évidente, la réalisation des travaux de reconnaissance et de cartographie géologiques n’est pas soumise à la délivrance d’un titre minier.
- La prospection minière
L’examen de la prospection minière exige de revenir sur les contours de la notion (2.1), avant d’étudier les droits conférés par le titre minier y relatif (2.2).
2.1 Définition de la prospection
Le Code minier définit la prospection minière comme l’opération qui consiste à procéder à des investigations superficielles avec l’utilisation éventuelle des méthodes géologiques, en vue de la découverte d’indices des substances minérales[5].
L’accès aux opérations de prospection minière est subordonné à l’obtention préalable d’une autorisation de prospection. L’autorisation de prospection est un titre minier délivré par arrêté du Ministre chargé des mines[6], pour une durée d’un an et renouvelable une seule fois pour la même durée. Elle n’est ni cessible ni amodiable [7]. En revanche, elle peut, à tout moment, être étendue à des substances minérales non initialement couvertes par le titre minier, dans le respect du Code minier et des autres textes en vigueur.
2.2 Droits conférés par l’autorisation de prospection
L’autorisation de prospection confère à son titulaire différents droits, à savoir : le droit d’entreprendre les travaux de prospection ; le droit de déplacer les substances minérales pour des besoins d’analyses, et le droit de solliciter l’obtention de l’autorisation d’exploitation, du permis de recherches ou d’exploitation[8].
2.2.1 Le droit d’entreprendre les travaux de prospection
L’autorisation de prospection confère à son titulaire le droit d’entreprendre les travaux de prospection dans une zone délimitée d’un département. Le droit ainsi accordé est un droit non exclusif, ce qui signifie qu’il peut être concurremment exercé avec d’autres titulaires d’autorisations de prospection, sur le même périmètre et pour les mêmes substances minérales.
Dans la mesure où elle n’est pas exclusive, l’autorisation de prospection ne garantit pas à son titulaire le droit d’obtenir les permis de recherches ou les titres d’exploitation sur tout ou partie de la zone dans laquelle les travaux de prospection ont été effectués.
2.2.2. Le droit de déplacer les substances minérales pour des besoins d’analyses
- Le droit de déplacer à l’intérieur du territoire national les substances minérales ou fossiles autres que les substances énergétiques radioactives et les substances précieuses.
Le Code minier reconnait au titulaire de l’autorisation de prospection le droit de déplacer en vertu de son titre, à l’intérieur du territoire national, pendant les opérations de prospection et dans les quantités strictement nécessaires, n’importe quelle substance minérale ou fossile ou groupe de substances minérales[9].
Le droit ainsi reconnu au titulaire du titre de prospection ne s’étend pas aux autres substances minérales dont le radium, le thorium, l’uranium, et autres éléments radioactifs, qualifiés légalement de substances énergétiques radioactives ; ainsi que l’or, l’argent, le platine, la palladium, le rhodium, l’iridium, le diamant, l’émeraude, le rubis, le saphir, l’amazonite, l’aventurine, le béryl, la dioptase, la topaze, le chrysobéryl, la cordiérite, les quartz, la tourmaline et la turquoise, qualifiés de substances précieuses[10].
Ce droit lui est consenti uniquement pour des besoins d’analyses. Il ne peut donc s’étendre au déplacement des substances minérales concernées pour des raisons commerciales. L’exercice de ce droit n’est pas soumis à l’autorisation préalable de l’autorité administrative centrale des mines. Cependant, le titulaire de l’autorisation de prospection est astreint à l’obligation d’informer la même autorité sur la nature, la quantité, les lieux d’origine et de destination finale de la substance déplacée.
- Le droit de déplacer à l’extérieur du territoire national les substances minérales autres que les substances énergétiques radioactives et les substances précieuses
Le titulaire de l’autorisation de prospection a le droit de déplacer, sur accord préalable et écrit de l’autorité administrative centrale des mines, les substances minérales énergétiques radioactives et les substances précieuses susvisées.
Le déplacement de ces substances s’effectue de leur lieu d’origine à l’extérieur du territoire national, et en quantités strictement nécessaires pour des besoins d’analyses.
- Le droit de déplacer à l’intérieur ou à l’extérieur du territoire national les substances minérales énergétiques radioactives et les substances précieuses
En vertu de son titre et sur accord préalable et écrit de l’autorité administrative centrale des mines, le titulaire de l’autorisation de prospection bénéficie également du droit de déplacer, de son lieu d’origine, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du territoire national et dans des quantités strictement nécessaires, les substances minérales énergétiques radioactives et les substances précieuses susmentionnées. Ce droit ne lui est accordé que pour des besoins d’analyses.
2.2.3 Le droit de solliciter l’obtention de l’autorisation d’exploitation ou des permis de recherches ou d’exploitation
En cas de résultats fructueux, l’autorisation de prospection confère à son titulaire le droit de solliciter l’obtention de l’autorisation d’exploitation ou des permis de recherches ou d’exploitation, pour les substances minérales et le périmètre concernés.
- La recherche minière
Comme procédé pour la prospection minière, il est important de définir d’abord la notion de recherche minière (3.1), avant d’étudier ensuite les droits conférés par le titre minier correspondant (3.2).
3.1 Définition de la recherche
Le Code minier définit le terme "recherche" comme « l’ensemble des travaux superficiels ou profonds exécutés en vue d’établir la continuité d’indices découverts par la prospection, d’en étudier les conditions d’exploitation ou d’utilisation d’industrielle et d’en conclure à l’existence de gisements exploitables de substances minérales ou fossiles »[11].
La réalisation des opérations relatives à la recherche minière est soumise à la délivrance d’un permis de recherches. Ce titre minier est octroyé par décret pris en Conseil des ministres sur rapport du Ministre chargé des mines[12]. Il est délivré pour une durée de trois ans et est renouvelable deux fois par périodes biennales[13].
En outre, le permis de recherches constitue un droit immobilier indivisible, cessible et transmissible, sous réserve de l’obtention d’une autorisation préalable du Ministre des mines. Toutefois, l’article 8 du décret n° 2007-274 du 21 mai 2007 fixant les conditions de prospection, de recherche et d’exploitation des substances minérales et celles d’exercice de la surveillance administrative, précise que le permis de recherches ne peut être cédé qu’à une autre personne morale autorisée à le reprendre par décret pris en Conseil des ministres. De plus, le permis de recherches peut faire l’objet d’extension à de nouvelles substances minérales dans les mêmes formes et conditions que pour l’octroi du titre initial
3.2 Droits conférés par le permis de recherches
Le permis de recherches confère à ses titulaires différents droits, à savoir : le droit exclusif de prospection et de recherches des substances minérales ou fossiles, le droit de disposer des substances minérales découvertes à l’occasion et aux fins de recherches, ainsi que la priorité dans l’octroi des titres d’exploitation pour les ressources découvertes.
3.2.1 Le droit exclusif de prospection et de recherches des substances minérales
Le permis de recherches confère un droit exclusif de prospection et de recherches des substances minérales ou fossiles dans les limites d’un périmètre défini et indéfiniment en profondeur. S’agissant du périmètre, il ne peut être supérieur à 2.000 km2 pour les formations sédimentaires et 1.000 km2 pour les autres formations.
3.2.2 Le droit de disposer des substances minérales découvertes à l’occasion et aux fins de recherches
Le permis de recherches permet à son titulaire de disposer des substances minérales découvertes à l’occasion et aux fins de ses recherches[14]. Pour ce faire, il doit en déclarer les quantités, ainsi que les lieux d’origine et de destination à l’autorité administrative des mines.
3.2.3. La priorité dans l’octroi des titres d’exploitation pour les ressources découvertes
L’article 36 du Code minier précise, en cas de recherches fructueuses, que le permis de recherches accorde au titulaire la priorité dans l’octroi des titres d’exploitation des ressources ainsi découvertes.
Cette dernière disposition peut être source de controverses puisqu’elle parle de priorité, alors même que le permis de recherches confère un droit exclusif. Le terme priorité, que le Code ne définit pas par ailleurs, semble en effet indiquer qu’en cas de résultats fructueux obtenus par le titulaire du permis de recherches, une personne autre que lui pourrait être en mesure de demander le permis d’exploitation. Ceci est susceptible de remettre en cause la sécurité de la tenure, en termes de transformation garantie du permis de recherches en autorisation ou permis d’exploitation.
Toutefois, la lecture intégrale de cet article 36 conduit à considérer que le législateur congolais emploie ce terme de priorité au regard de la circonstance que le titulaire perd son droit d’obtenir le titre d’exploitation s’il n’en fait pas la demande dans les douze mois suivant la découverte du gisement[15].
Il n’en demeure pas moins que le terme "priorité" ou "droit de priorité" devrait être plutôt employé à l’aune du principe du « premier venu, premier servi ». Autrement dit, la première société qui fait la demande d’un titre minier dans une zone donnée, se voit accorder une priorité dans la délivrance de ce titre.
- Le développement et l’exploitation minière
L’examen des droits conférés par les titres miniers correspondants aux opérations de développement et d’exploitation minière (4.2) exige, au préalable, de revenir sur la définition de ces deux concepts de développement et d’exploitation minière (4.1).
- Définition générale du développement et de l’exploitation
L’exploitation minière désigne les opérations d’extraction des substances minérales ou fossiles. Les travaux de développement sont les travaux préparatoires à l’exploitation de ces substances. Ils portent sur la construction d’infrastructures minières, d’infrastructures énergétiques, de communication et d’approvisionnement, des installations industrielles, des bureaux, ainsi que l’aménagement des aires d’habitation, le démarrage et les tests de production. La réalisation des travaux de développement et d’exploitation est soumise à l’obtention de titres d’exploitation.
Les substances minérales ou fossiles sont exploitées après délivrance de l’autorisation d’exploitation artisanale, de l’autorisation d’exploitation industrielle ou du permis d’exploitation.
4.2 Définitions spécifiques et droits conférés par les titres d’exploitation
4.2.1 L’autorisation d’exploitation artisanale
- Définition
Le Code minier considère comme exploitation artisanale, l’exploitation des gîtes alluvionnaires ou éluvionnaires par recours à des moyens artisanaux. De plus, l’article 48 du décret du 21 mai 2007 susmentionné dispose : « Est considérée comme exploitation de type artisanal, toute opération qui consiste à extraire et concentrer les substances minérales provenant des gisements primaires et secondaires, affleurant ou sub-affleurant et en récupérer les produits marchands, en utilisant les méthodes et procédés manuels et traditionnels, la mécanisation pouvant aller jusqu’à inclure : motopompes, treuils mécaniques, pompes à membranes électriques, compresseurs, marteaux piqueurs, broyeurs ».
Ainsi, de façon générale, l’exploitant artisanal utilise les moyens artisanaux dans son activité, et dans certains cas, les outils mécaniques susmentionnés, sans pour autant que liste y relative ne soit exhaustive. Les autres équipements sont, en effet, fixés par un arrêté du Ministre chargé des mines.
L’autorisation d’exploitation artisanale est accordée par décision de l’autorité administrative centrale des mines pour une durée de trois ans, et est renouvelable tacitement pour la même durée. Elle est transmissible ou cessible, sous réserve de l’accord de l’autorité administrative centrale des mines.
- Droits conférés
Au titre des droits conférés, l’autorisation d’exploitation artisanale confère un droit exclusif d’exploitation de la substance minérale ou fossile pour laquelle elle est délivrée. En outre, elle accorde le droit d’exploiter des substances minérales bien déterminées : les substances minérales précieuses et semi-précieuses (or, argent, platine, platinoïdes, diamant, émeraude, rubis, saphir, béryl, dioptase, topaze), les minéraux industriels (andalousite, ardoise, argiles nobles pour produits céramiques, barytine, bentonite, calcaires à usage industriel ou agricole, diatomite, feldspath, kaolin, tourbe, columbo-Tantalite, talc, quartz, gypse, potasse) et les géomatériaux de construction, utilisés dans le bâtiment et les travaux publics (argile pour terre cuite, granulat en roche meuble ou massive, les pierres ornementales).
4.2.2 L’autorisation d’exploitation industrielle
- Définition
L’autorisation d’exploitation industrielle concerne l’exploitation des carrières et des petites mines qui sont des exploitations caractérisées par la taille modeste des moyens techniques, humains et financiers mis en œuvre[16]. Elle est octroyée par arrêté du Ministre chargé des mines pour une durée de cinq ans, et renouvelable par période de même durée[17]. Ce titre minier est amodiable, transmissible et cessible, sous réserve de l’accord préalable du Ministre des mines.
- Droits conférés
Au titre des droits conférés, l’autorisation d’exploitation industrielle confère à son titulaire, d’une part, le droit exclusif d’entreprendre des travaux de recherches et d’exploitation, et d’autre part, le droit exclusif de bénéficier d’un permis d’exploitation minière lorsque les activités d’exploitation atteignent une taille justifiant l’octroi d’un tel permis[18].
De même, le titulaire de l’autorisation d’exploitation industrielle peut exploiter des carrières si leur exploitation, qui a lieu sur le même site, est directement liée à la réalisation des projets d’amélioration des infrastructures des transports et est prévue pour moins d’un an. En effet, en lieu et place d’une autorisation d’exploitation industrielle concernant précisément ces carrières, le titulaire adresse une simple déclaration préalable au Ministre des mines, après visa du Ministre chargé des travaux publics ou des transports[19].
De plus, le titulaire de l’autorisation d’exploitation industrielle bénéficie de la possibilité d’étendre, à tout moment, la validité de son titre minier, à des substances minérales non initialement couvertes. Cette extension porte sur le même périmètre concerné et fait l’objet d’une demande formulée par l’intéressé.
Enfin, il convient de noter que l’autorisation d’exploitation industrielle accorde le droit d’exploiter les mêmes substances minérales que celles citées plus haut pour l’autorisation d’exploitation artisanale, à savoir les substances minérales précieuses et semi-précieuses, les minéraux industriels et les géomatériaux de construction.
4.2.3 Le permis d’exploitation
- Définition
Le permis d’exploitation concerne les mines autres que celles définies comme des petites mines. Ce titre minier est octroyé par décret pris en Conseil des Ministres sur proposition du Ministre chargé des mines, pour une durée de vingt-cinq ans maximum, et renouvelable pour des périodes de quinze ans maximum chacune[20]. Il est cessible, transmissible et amodiable sous accord préalable du Ministre chargé des mines[21].
- Droits conférés
Au titre des droits conférés, le permis d’exploitation accorde un droit exclusif d’exploitation des substances concernées, dans un périmètre défini et indéfiniment en profondeur. De plus, il est loisible au titulaire d’utiliser le sable et le gravier contenus dans le périmètre couvert par le dit permis, pour le strict besoin des activités liées à son exploitation[22].
Par ailleurs, il convient de noter que si le titulaire découvre, au cours de l’exploitation et à l’intérieur de son permis, une substance différente de celle couverte par ledit permis, il peut demander un deuxième permis d’exploitation concernant la substance découverte sur la base d’une étude de faisabilité[23].