À l’occasion de l’EXPO 2015, combien de fois entendrons-nous parler de la Noisette du Piémont, de la Noisette de Giffoni ou de la Noisette Romaine ? Jamon ibérico ou Jamon serrano ? Brie de Meaux, Brie de Melun ou Camembert de Normandie ?
Les produits alimentaires sont souvent caractérisés par des composantes culturelles, sociales, naturelles et économiques d’une zone géographique où ils ont été réalisés et c’est justement l’appartenance à ce même lieu qui en génère leur réputation. L’affirmation de certains produits sur le marché de référence dépend donc essentiellement ou même exclusivement de cette appartenance.
À tirer avantage de la dénomination géographique des produits, il y a les producteurs, qui peuvent ainsi construire plus facilement leur propre réputation, mais aussi les consommateurs, qui peuvent s’assurer que les produits achetés sont de haute qualité. À cet égard, il est opportun de rappeler que les pratiques commerciales visant à tromper les consommateurs sur l’origine géographique d’un produit sont des pratiques commerciales trompeuses et sont donc interdites [1]. Les zones rurales en tirent aussi un avantage, elles peuvent ainsi se développer grâce aux diverses formes de soutien à la production de produits traditionnels et aux autres bénéfices qui en découlent (en termes de profits, de réputation et de tourisme).

Compte tenu de l’indéniable importance des indications géographiques pour les produits alimentaires, notamment en Italie, nous avons donc pensé résumer quelques notions y afférentes [2].
Le cadre juridique relatif à l’indication géographique des produits est extrêmement fragmenté au niveau national et international. Plus particulièrement, au niveau international, il subsiste une difficulté considérable concernant l’harmonisation d’intérêts de pays à forte tradition oenogastronomique, comme l’Italie, et les intérêts de pays dépourvus de cette tradition. Malgré cela, l’article premier de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883 avait déjà expressément inclus dans le domaine de protection de la propriété industrielle « les indications de provenance ou appellations d’origine » [3].
Les indications géographiques sont, en général, des signes distinctifs de l’origine du produit qui consistent dans la juxtaposition du nom d’un produit à son « nom géographique ». Le « nom géographique » confère au produit des caractéristiques territoriales et sociales importantes qui évoquent la qualité et la possibilité de pouvoir le lier à un lieu déterminé permet donc de lui attribuer un caractère distinctif plus marqué par rapport à un simple toponyme.
Les plus importantes sont les appellations d’origine (AOP) et les indications géographiques (IGP) qui sont protégées au niveau communautaire par les dispositions du Règlement (UE) 1151/2012 [4] et au niveau national par les articles 29 et 30 du code de propriété industrielle italien (CPI) [5].
À la différence des appellations d’origine, les indications géographiques déterminent un lien moins intense entre le produit et le lieu déterminé de production originaire.
La doctrine et la jurisprudence majoritaires rattachent en effet l’indication géographique à l’utilisation du nom d’une région ou d’un lieu pour désigner des produits dont le processus productif n’est effectué qu’en partie sur l’aire géographique originaire. Par exemple, la Bresaola della Valtellina qui est identifiée par une IGP et non pas une AOP car la viande est issue d’animaux qui ne sont pas élevés en Valtellina, bien que les méthodes de production traditionnelles ont été suivies et que par la suite, cette viande a été élaborée dans sa zone traditionnelle, c’est à dire en Italie.
Quant à l’appellation d’origine protégée, elle est destinée à identifier les produits dont le cycle entier de fabrication, de la production de la matière première jusqu’à l’obtention du produit fini, est localisé dans cette zone déterminée et en découle un lien plus étroit avec les qualités du produit. En effet, les AOC identifient un produit dont la qualité ou les caractéristiques sont dues essentielle¬ment ou exclusivement au milieu géographique.
Nous souhaitons aussi signaler un autre instrument de propriété intellectuelle qui permet d’identifier l’origine des produits : les marques collectives. En vertu de l’article 2570 du code civil italien et de l’article 11, alinéa 4 du code de propriété industrielle [6], leur enregistrement est demandé, non pas par un entrepreneur qui l’utilise pour différencier ses propres produits, mais par des personnes qui « exercent la fonction de garantir l’origine, la nature ou la qualité de produits et services déterminés afin d’en accorder l’usage, selon les dispositions des règlements respectifs, aux producteurs et commerçants ».
Une entité est donc titulaire de cette marque (par exemple, une association, une coopérative, un consortium d’artisans, de producteurs ou de commerçants), elle en fixe le règlement d’usage, ne pouvant toutefois pas en interdire l’utilisation à des tiers qui respectent les principes de la loyauté professionnelle. Il s’agit là d’une dérogation à l’interdiction d’enregistrer des signes servant à indiquer la provenance géographique d’un produit. Pour les marques individuelles, cette interdiction est contenue à l’article 13, alinéa 1 du CPI italien.
Une telle dérogation se justifie par le fait que la marque collective, outre à indiquer la provenance géographique d’un produit, elle n’est pas dépourvue de caractère distinctif (par exemple certains de ses éléments constitutifs sont dotés de qualités spécifiques : article 11, alinéa 4 du CPI italien).
C’est en cela qu’elle diffère des appellations d’origine et des indications géographiques, mais aussi par le fait que la marque collective peut être enregistrée à l’Institut national de propriété industriel italien (UIBM). Par exemple, la Province de Sienne est titulaire de la marque collective « Terre di Siena » (= Terres de Sienne) et l’Union Nationale de l’Industrie du Tannage (UNIC) est titulaire de la marque collective « Vero Cuoio » (= Cuir Véritable).

Pour conclure, nous assistons à l’importance grandissante des notions abordées compte tenu aussi de la future révision de l’Arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations d’origine et leur enregistrement international et finalisée à rendre plus attractive l’adhésion au « système de Lisbonne ». Le prochain pas annoncé sera donc celui de la conférence diplomatique qui aura lieu du 11 au 21 mai 2015 au siège de l’OMPI à Genève et qui coïncide avec le début de l’Expo 2015.