Sélection de jurisprudence - France / Premier semestre 2017

La prévention des risques professionnels et la gestion des aspects liés à la sécurité et à la protection de la santé au travail sont des préoccupations majeures de tous les acteurs du droit social.

Cette newsletter revient sur six décisions notables du premier semestre en la matière.

1. Inaptitude à l’emploi et impossibilité de reclassement : de l’importance de solliciter le médecin du travail sur les offres de reclassement ou sur l’impossibilité d’en formuler (cass. soc., 11 janvier 2017, n°15-22.485)

L’employeur ne peut licencier un salarié déclaré inapte à son emploi par le médecin du travail que s’il justifie de l’impossibilité de le reclasser.

Seule exception, le cas où l’avis d’inaptitude précise que : « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou : « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

De retour d’arrêt de travail pour maladie, une salariée est déclarée inapte par le médecin du travail. Son employeur diligente alors des recherches de reclassement. Dans ce cadre, il sollicite le médecin du travail. Celui-ci lui confirme que l’état de santé de la salariée est incompatible avec l’exercice d’un travail salarié dans l’entreprise. La salariée est dès lors licenciée pour inaptitude et impossibilité de pourvoir à son reclassement.

L’intéressée conteste son licenciement. Elle fait notamment état de l’absence de recherches suffisantes d’une solution de reclassement. Pour sa défense, son employeur avance notamment ses derniers échanges avec le médecin du travail. A bon droit selon la Cour de cassation, qui estime que l’employeur rapporte ainsi la preuve d’avoir satisfait aux exigences légales grâce aux dernières indications reçues du médecin du travail.

Une décision qui confirme que l’employeur a tout intérêt à solliciter à nouveau le médecin du travail sur les offres de reclassement qu’il entend soumettre au salarié ou sur l’impossibilité dans laquelle il se trouve d’en formuler après le constat d’inaptitude. Et cela d’autant plus que, depuis le 1er janvier 2017, le Code du travail dispose que : « l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi (…) en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail ». Quoi de mieux que d’interroger le professionnel de la santé au travail pour s’assurer de cette juste prise en compte.

2. Visite médicale de reprise et pouvoir disciplinaire : l’absence de visite médicale de reprise restreint le pouvoir disciplinaire de l’employeur (cass. soc., 6 mars 2017, n°15-27.577)

Après un congé maternité, une absence pour cause de maladie professionnelle ou une absence d’au moins 30 jours pour accident du travail, maladie ou accident non professionnel, le salarié doit bénéficier d’une visite médicale de reprise. Celle-ci doit être organisée le jour de la reprise du travail ou au plus tard dans un délai de 8 jours calendaires suivant cette reprise. Cet examen médical permet de vérifier l’aptitude du salarié à son poste de travail et d’acter la fin de la suspension du contrat de travail. Tant que la visite médicale de reprise n’a pas eu lieu, le salarié n’est pas tenu de reprendre le travail et l’employeur ne saurait lui reprocher son absence.

Après un congé maladie d’une durée supérieure à 30 jours, le salarié reprend le travail une journée, puis ne se présente plus à son poste, ce sans fournir aucune justification. Après de multiples relances, l’employeur le licencie pour faute grave, sans qu’aucune visite médicale de reprise préalable n’ait eu lieu.

Le salarié attrait son employeur en justice pour contester ce licenciement. Les juges du fond rejettent ses prétentions et valident le licenciement, en considérant que la reprise du travail avait mis fin à la suspension du contrat de travail. Cette décision est censurée par la Cour de cassation. Celle-ci rappelle qu’à défaut de visite médicale de reprise le contrat de travail demeure suspendu.

Si la solution ne surprend pas en droit, elle reste un appel à la vigilance auquel les praticiens doivent demeurer attentifs : seule l’organisation d’une visite médicale de reprise permet à l’employeur de retrouver la plénitude de son pouvoir disciplinaire.

3. Visite médicale de reprise à l’initiative du salarié : l’information de l’employeur le jour même de la visite de reprise est considérée comme tardive (cass. soc., 8 février 2017, n°15-27.492)

L’initiative de la visite de reprise appartient en principe à l’employeur, au titre de son obligation de sécurité. Le salarié peut cependant également solliciter directement le médecin du travail. Il doit alors obligatoirement en avertir son employeur, et ce préalablement à la réalisation de l’examen médical. Cette obligation d’information préalable s’explique par le fait que la visite médicale de reprise met fin à la suspension du contrat de travail et déclenche corrélativement les obligations patronales de recherche de reclassement, de reprise du paiement du salaire ou encore la faculté de licencier pour inaptitude.

Une salariée a sollicité auprès du médecin du travail l’organisation d’une visite médicale de pré-reprise, au terme de laquelle le professionnel de santé a conclu à son inaptitude totale et définitive avec danger immédiat. Près d’un mois plus tard, elle prend acte de la rupture de son contrat de travail, en reprochant à son employeur de ne pas avoir repris le paiement de son salaire ni cherché à la reclasser, la visite médicale organisée à son initiative devant, selon elle, être qualifiée de visite médicale de reprise.

Ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation, qui confirme que la visite médicale organisée à l’initiative de la salariée ne pouvait être qualifiée de visite de reprise en l’absence d’une information préalable de l’employeur. En effet, ce dernier n’en avait été informé que le jour même de l’examen médical, et ce par lettre recommandée avec A/R. Le caractère préalable de l’information n’avait de fait pas été satisfait. Dans ces conditions, l’avis émis par le médecin du travail a été jugé inopposable à l’employeur et la prise d’acte de la salariée a produit les effets d’une démission.

4. Mi-temps thérapeutique : la seule fin du mi-temps thérapeutique justifie la rupture du contrat à durée déterminée de remplacement (cass. soc., 23 novembre 2016, n°14-10.652)

Lorsqu’il est conclu pour assurer le remplacement d’un salarié absent, le contrat de travail à durée déterminée (« CDD ») peut se borner à indiquer une durée minimale ; il a alors pour terme le retour à son poste de travail de la personne remplacée.

En l’espèce, un CDD à temps partiel a été conclu afin d’assurer le remplacement d’une salariée à temps complet placée en mi-temps thérapeutique. Lorsque survient la fin du mi-temps thérapeutique, l’employeur avise la remplaçante de l’arrivée du terme de son CDD. Pourtant, la salariée remplacée ne reprend pas un travail à temps plein mais un temps partiel choisi. La remplaçante conteste alors la fin de son emploi, estimant que celle-ci est intervenue de façon prématurée et que son contrat devait se poursuivre tant que la salariée remplacée ne reprenait pas son travail dans les conditions initiales, c’est-à-dire à temps complet.

La Cour de cassation lui donne tort. Le CDD prend fin en même temps que la mesure de mi-temps thérapeutique, peu important que la salariée remplacée reprenne son poste initial à temps partiel. De nombreux litiges de ce type peuvent être évités en précisant avec soin les conditions exactes de la survenance du terme du CDD.

5. Inaptitude et recherche de reclassement : l’employeur peut tenir compte de la position implicite du salarié pour limiter le périmètre géographique de ses recherches de reclassement (cass. soc., 8 février 2017, n°15-22.964)

Nous évoquions dans notre précédent OnPoint un potentiel revirement de jurisprudence permettant désormais à l’employeur de tenir compte de la position exprimée par le salarié déclaré inapte pour orienter ses recherches de reclassement. Ce revirement est confirmé.

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte à son poste de travail par le médecin du travail, l’employeur est tenu de diligenter des recherches pour aménager son poste ou le reclasser, conformément aux prescriptions médicales. Encore récemment, le refus – présumé ou exprimé – par le salarié de se voir offrir un poste était sans conséquence sur l’étendue du périmètre géographique de recherche d’un reclassement. L’employeur devait passer outre la volonté du salarié.

En l’espèce, il a été proposé au salarié déclaré inapte des postes de reclassement sur le territoire français. Le salarié les a alors refusés étant donné sa situation familiale et l’éloignement géographique des postes proposés par rapport à son domicile. Par conséquent, l’employeur a décidé de ne pas lui proposer des postes de reclassement à l’étranger.

La Cour de cassation valide à nouveau cette démarche. L’employeur pouvait valablement considérer que le refus de postes de reclassement sur le territoire français en raison de leur éloignement et de la situation familiale valait implicitement refus de postes de reclassement basés à l’étranger. Au regard de ces décisions, l’instauration d’un questionnaire de reclassement à destination du salarié déclaré inapte apparaît comme une pratique à développer.

6. Inaptitude : le salarié déclaré inapte ne peut être contraint de prendre ses congés payés en attendant son reclassement (cass. soc., 1er mars 2017, n°15-28.563)

Si à l'issue du délai d'un mois suivant la constatation de l'inaptitude, le salarié n'est ni reclassé ni licencié, l'employeur doit reprendre le versement du salaire correspondant à l’emploi qu’il occupait avant la suspension de son contrat de travail. Cette obligation perdure aussi longtemps que le contrat de travail se poursuit. Mais peut-on considérer que cette obligation est satisfaite lorsque l’employeur place le salarié en congés payés ou lui verse une indemnité compensatrice de congés payés ?

Un salarié a été déclaré définitivement inapte à tous les postes de l’entreprise. Il n’a été ni reclassé, ni licencié. L’employeur a bien repris le versement du salaire après l’expiration du délai d’un mois prescrit par la loi. Toutefois, pendant une partie de cette période, le salarié a été placé en congés payés. Pour le salarié, l’employeur a ainsi manqué à son obligation légale. Aussi l’intéressé a-t-il pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Pour les juges du fond, il n’y a pas de grief à faire à l’employeur puisque le placement du salarié en congés payés n’a pas impacté sa rémunération. La Cour de cassation ne l’entend pas ainsi. Elle rappelle que l’employeur est tenu, au terme du délai d’un mois suivant la constatation de l’inaptitude, de reprendre le paiement du salaire, et qu’il ne peut substituer à cette obligation le paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés ou contraindre le salarié à prendre des congés. Une invitation à faire preuve de célérité dans la recherche des solutions éventuelles de reclassement, qui peuvent commencer dès le stade de l’étude de poste avec le médecin du travail.