Une décision d’exclusion basée sur l’article 61, §1er, 4° de l’arrêté royal du 15 juillet 2011 (exclusion du candidat ou du soumissionnaire ayant commis une faute grave en matière professionnelle) doit, pour être formellement et adéquatement motivée, permettre de comprendre quels éléments concrets ont été retenus par l'autorité tant pour considérer qu'une faute grave est imputable à ce candidat que pour exercer la faculté laissée au pouvoir adjudicateur de l'exclure.
Cette exigence de motivation est d'autant plus importante que le pouvoir adjudicateur dispose d'un large pouvoir d'appréciation, tant pour qualifier les faits dont il a connaissance au regard de la notion de "faute grave", au sens de l’article 61, §1er, 4° de l’AR du 15 juillet 2011, que pour choisir d'exclure le candidat concerné, en conséquence de cette faute. En outre, la constatation de l'existence d'une "faute grave" impose au pouvoir adjudicateur d'effectuer une appréciation concrète et individualisée de l'attitude du candidat, appréciation dont les termes doivent apparaître à la lecture de la décision d'exclusion.
À cet égard, le Conseil d’État a considéré (en application de l’article 17 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 – équivalent de l’article 61, §1er, 4° de l’AR du 15 juillet 2011) que dans le contexte de la procédure judiciaire en cours (procédure en référé et au fond, ainsi qu’une expertise judiciaire pour les malfaçons nécessitant une intervention urgente avec rapport d’expertise judiciaire permettant de déduire qu’il existe un risque de condamnation de l’entrepreneur), les indications fournies à propos du reproche de « faute grave en matière professionnelle » paraissent suffisantes
La décision d’exclusion du pouvoir adjudicateur se fondait toutefois sur un second reproche, à savoir le fait de ne pas avoir répondu de manière adéquate aux appels en garantie qui lui étaient adressés. À cet égard, le Conseil d’État a considéré que, formulé en des termes tels qu'ils ne font apparaître aucun grief précis formulé à l'égard de la requérante, il n’était pas possible pour celles-ci de comprendre précisément en quoi, dans le cadre du marché précédent, la requérante n'a pas répondu adéquatement aux appels en garantie qui lui étaient adressés.
Le Conseil d’État a par ailleurs considéré que la décision attaquée ne permettait pas de déterminer si les deux reproches ont pu, chacun de façon autonome et distincte, justifier la constatation que la requérante avait commis une faute professionnelle grave, ou si c'est leur cumul qui a amené la partie adverse à poser un tel constat. Il a également considéré qu’aucun élément ne permettait d'identifier les raisons pour lesquelles, face à ce qu'elle semble avoir tenu pour être une faute grave, la partie adverse a choisi d'exclure les requérantes, alors qu'elle n'y était pas tenue, la disposition précitée de l'article 17, § 2, 4°, lui réservant une faculté à cet égard.
Le Conseil d’État en a conclu que la motivation de la décision n’était, prima facie, pas adéquate.
Relevons que si l’article 17,§2, alinéa 1er, 4° de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 prévoyait que «Sans préjudice des dispositions relatives à l’agréation d’entrepreneurs de travaux, peut être exclu de la participation au marché à quelque stade que ce soit de la procédure l’entrepreneur : (…) qui, en matière professionnelle, a commis une faute grave dûment constatée par tout moyen dont les pouvoirs adjudicateurs pourront justifier », l’article 61, §1er, 4° de l’AR du 15 juillet 2011 prévoit de manière plus « simple » que «conformément à l’article 20 de la loi, peut être exclu de l’accès a marché, à quelque stade que ce soit de la procédure le candidat ou le soumissionnaire :(…) 4° qui, en matière professionnelle, a commis une faute grave».
Le rapport au Roi de l’AR du 15 Juillet 2011 ne dit toutefois rien au sujet de ce changement par rapport à l’ancienne réglementation. Il se contente de rappeler, par rapport aux différentes causes d’exclusion de facultative que : «Dans les cas énumérés dans cette disposition, même si le pouvoir adjudicateur n'est pas a priori obligé d'exclure un candidat ou un soumissionnaire de la participation au marché, il faut néanmoins tenir compte du principe de bonne administration. Ce principe implique qu'un pouvoir adjudicateur ne se lie pas à un tel candidat ou soumissionnaire. Ce n'est qu'exceptionnellement, par exemple si une entreprise en difficulté détient un monopole pour la fourniture de produits destinés à compléter une installation, que le pouvoir adjudicateur pourrait justifier une décision d'admission à l'accès au marché.»
Par ailleurs, la nouvelle réglementation permet désormais, par le biais de l’article 48 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 d’exclure un adjudicataire des marchés futurs. Cet article donne un nouveau fondement légal à l’exclusion d’un soumissionnaire qui aurait posé des problèmes dans le cadre de l’exécution d’un marché.
Source : C.E. n° 225.234 du 24 octobre 2013
Voyez également : Memento 2014, pp. 286-289