Par quatre décisions rendues le 27 juin dernier, le Conseil d’Etat a renvoyé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel et posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur la contribution additionnelle de 3% sur les revenus distribués prévue à l’article 235 ter ZCA du CGI.

Le Conseil d’Etat avait été saisi dans toutes ces affaires en tant que juge du recours pour excès de pouvoir, les requérants ayant contesté certains paragraphes de la doctrine administrative relative à cette contribution.

La QPC (décision n°399506, société Layher) porte sur la conformité à la Constitution de l’exonération de contribution additionnelle de 3% applicable aux sociétés bénéficiant du régime de l’intégration fiscale. Le Conseil d’Etat accueille l’argument de la société requérante, qui soutient que le fait de réserver cette exonération aux seuls groupes intégrés fiscalement est contraire au principe d’égalité devant la loi et devant les charges publiques découlant des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Selon la requérante, un tel dispositif engendre une différence de traitement injustifiée entre le cas d’une société mère française ayant opté pour l’intégration fiscale et soit celui d’une société mère française n’ayant pas opté pour ce régime soit celui d’une société mère établie dans un Etat de l’Union européenne ou dans un Etat tiers qui ne peut opter pour le régime de l’intégration fiscale même si elle remplit les conditions posées par le droit français.

Le Conseil constitutionnel a trois mois pour se prononcer sur cette question.

Le Conseil d’Etat a également posé une question préjudicielle à la CJUE (décision n° 399024, Association française des entreprises privées) sur le fondement des articles 4 et 5 de la directive mère-fille (2011/96/UE). Le Conseil d’Etat demande à cet effet :

1° si l’article 4 de la directive, qui prévoit que les bénéfices distribués ne sont pas imposables dans le chef de la société qui reçoit ces bénéfices, s’oppose au prélèvement d’une contribution additionnelle de 3% sur les bénéfices distribués ; et

2° en cas de réponse négative à la première question, si la contribution additionnelle de 3% constitue en réalité une retenue à la source au sens de l’article 5 de la directive mère fille, qui pose un principe d’exonération de retenue à la source des distributions.

L’AFEP réunissant les plus grandes entreprises françaises, il est permis de penser que son objectif principal était de faire juger que l’application en cascade de la contribution de 3% à chaque distribution de société française non intégrée intervenant dans la chaîne de participation était illégitime. Mais le Conseil d’Etat affirme clairement que tant qu’il n’a pas été jugé par la CJUE que cette contribution de 3%, dans un contexte intra-communautaire, est incompatible avec la directive mère-filles, cette question est prématurée. En revanche, une fois que cette incompatibilité aura été retenue, le cas échéant, il sera envisageable d’arguer de cette incompatibilité pour tenter de contester, cette fois sur le terrain de la Constitution, l’application de la contribution de 3% aux dividendes versés entre sociétés françaises ou entre sociétés françaises et sociétés d’Etats tiers en invoquant une éventuelle discrimination à rebours.

L’avantage essentiel de ces procédures, qui ne dispensent en aucun cas les contribuables d’introduire des réclamations s’ils ne l’ont pas déjà fait, est de gagner du temps et de faire en sorte que le caractère inconstitutionnel ou anti-communautaire de la contribution de 3% soit tranché, sur le principe, beaucoup plus rapidement. On peut certes regretter que la saisine de la CJUE ne porte que sur la compatibilité de la contribution avec la directive mère-fille et non pas avec la liberté d’établissement. Cela dit, on rappelle que cette question est déjà abordée dans le cadre de l’enquête lancée par la Commission européenne sur la conformité de la contribution de 3% au droit européen et de la saisine de la CJUE à propos de la fairness tax belge qui présente plusieurs similitudes avec la contribution.

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