L’Arrêt de la Cour de Cassation du 6 décembre 2017, dans l’affaire qui oppose TEVA à MERCK (breveté), est l’issue d’une affaire longue et complexe concernant la nullité de la partie française du brevet européen n°0724444.
Le brevet EP 0724444 est un brevet de posologie. La revendication 1 du brevet est la suivante : « Utilisation de la 17β-(N-tert-butylcarbamoyl)-4-aza-5-alpha-androst-1-ène-3-one pour la préparation d’un médicament pour l’administration orale, utile pour le traitement de l’alopécie androgénique sur une personne et dans laquelle la quantité d’administration est d’environ 0,05 à 1,0 mg. »
Depuis la décision de la Grande Chambre de Recours G0002/08 du 19 février 2010, l’Office Européen des brevets admet la brevetabilité des revendications dites de posologie : « il n'est pas […] exclu qu'un brevet puisse être délivré si une posologie est l'unique caractéristique revendiquée qui n'est pas comprise dans l'état de la technique. »
Deux cas en parallèle
Il existe en effet, une affaire parallèle, opposant ACTAVIS à MERCK (breveté), ayant pour objet le même brevet !
Dans le cadre de l’affaire ACTAVIS/MERCK, le Tribunal de Grande Instance de Paris, le 28 septembre 2010, n’avait pas suivi la décision de l’Office Européen des brevets (G0002/08) concernant les revendications de posologie, aux motifs que : « il est possible de breveter un médicament en vue de traiter une première maladie puis une seconde mais pas une posologie adaptée au traitement de ces maladies puisque ce faisant, on tente de breveter une méthode thérapeutique ce qui est exclu pour appartenir au domaine du soin et pour dépendre de la seule liberté et responsabilité concomitante de chaque médecin ».
Le Tribunal en a ainsi conclu sur l’exclusion de la brevetabilité de la revendication 1, visant une nouvelle posologie dans un traitement contre l’alopécie à base de finastéride : « la revendication 1 du brevet EP 0 724 444 qui n'a de nouveau par rapport à l'art antérieur que la posologie spécifiée est ainsi exclue de la brevetabilité et doit donc être annulée au visa de l'article 53 c de la CEB 2000 ».
Cette décision est depuis citée dans les directives relatives à la procédure de délivrance des brevets de l’INPI (voir page 74). « Une revendication concernant la posologie d’un médicament » est un des exemples de méthode thérapeutique susceptibles d’être rejetées par l’Office.
A notre connaissance, toutes les décisions sur des cas similaires du Tribunal de Grande Instance de Paris, se sont conformées à cet avis (voir aussi par exemple TGI PARIS, 05 Décembre 2014, RG 12/13507 ou TGI PARIS, 19 juin 2015, RG 13/08566).
En parallèle, le 9 novembre 2010, dans l’affaire TEVA/MERCK, le brevet a été annulé pour insuffisance de description.
Les deux décisions précitées des 28 septembre 2010 (ACTAVIS/MERCK) et 9 novembre 2010 (TEVA/MERCK) ont été toutes deux frappées d’appel.
En appel
En Janvier 2015, la Cour d’Appel renverse en partie le jugement du 28 septembre 2010 (ACTAVIS/MERCK) et reconnait que « la brevetabilité d'une revendication de seconde indication thérapeutique reposant uniquement sur une caractéristique de posologie peut être admise » (le jugement du TGI a néanmoins été confirmé concernant la nouveauté des revendications qui n’est pas reconnue).
Dans la procédure parallèle TEVA/MERCK, la Cour d’Appel confirme le jugement de première instance, qu’avait été annulé pour insuffisance de description.
Deux pourvois en cassation ont ensuite été déposés par le breveté.
Dans le cadre de l’affaire TEVA/MERCK, la Cour de Cassation a finalement confirmé la nullité des revendications pour insuffisance de description dans son arrêt du 6 décembre 2017. En fait, la Cour a considéré que la description du brevet ne contient pas d’élément démontrant l’efficacité potentielle de la nouvelle posologie revendiquée et ne comporte aucune information sur l’effet et les propriétés particulières de cette nouvelle application thérapeutique qui ne proviennent que d’un choix arbitraire.
Malheureusement, la Cour de Cassation ne s’est pas prononcée sur l’exclusion de brevetabilité des revendications de posologie dans le cadre de l’affaire parallèle ACTAVIS/MERCK, le pourvoi en cassation ayant été rendu sans objet par la présente décision du 6 décembre 2017.
Le brevet est donc définitivement annulé sur la base de l’insuffisance de description des revendications 1, 2 et 3.
Il demeure ainsi toujours une incertitude quant à l’exclusion de la brevetabilité des revendications de posologie en France, la Cour de Cassation ne s’étant pas prononcé sur ce point, mais l’élément à retenir est que quelle que soit l’invention revendiquée, celle-ci doit être suffisamment décrite en ce sens qu'elle doit pouvoir être exécutée par un homme du métier.