La Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) semble à nouveau avoir relevé le niveau concernant la protection des marques tridimentionnelles. Dans sa récente décision sur le Rubik's Cube, la cour de justice a annulé le jugement de l'EUIPO qui avait confirmé la protection de la marque européenne (UE TM) pour la forme du Rubik's Cube. Frouke Hekker de Novagraaf explique les implications pour les marques tridimentionnelles suite à ce jugement.

Motifs de refus absolu pour la protection de forme par le droit des marques
Il existe des motifs de refus dans le droit des marques pour empêcher les sociétés d'acquérir un monopole sur les solutions techniques ou sur les caractéristiques fonctionnelles d'un produit. La législation européenne contient donc des motifs absolus de refus des formes et autres caractéristiques. À savoir: la protection de la marque est exclue si la forme ou toute autre caractéristique pour laquelle la protection est demandée:

  • Résulte de la nature des produits;
  • Donne une valeur substantielle aux produits; ou
  • Est nécessaire pour obtenir un résultat technique.

Seules les formes ou autres caractéristiques n’étant pas exclues pour ces motifs sont admissibles à la protection par le biais d’une marque. Cependant, celles-ci doivent également satisfaire aux critères d'enregistrement des marques, comme l'exigence de distinctivité pour remplir la fonction essentielle qui est d’indiquer l'origine d'un produit.

Dans la pratique, l'exigence de caractère distinctif constitue un obstacle important pour les marques tridimentionnelles, car le demandeur doit démontrer que la forme a acquis un caractère distinctif par l'usage. Les entreprises doivent donc prouver que les consommateurs reconnaissent la forme comme un signe distinctif du produit. En général, plus la forme d’une marque spécifique se rapproche fortement de la forme évidente d'un produit, moins elle sera considérée comme distinctive. Il sera donc plus difficile de prouver qu'elle a acquis un caractère distinctif. En d'autres termes, les formes doivent généralement s'éloigner considérablement du produit standard ou des coutumes pour être acceptées comme marques de commerce.

Contexte du litige et décision de la CJUE
Le Rubik's Cube a été enregistré en tant que marque 3D de l’UE en 1999. En 2006, le fabricant de jouets allemand Simba Toys a demandé l'annulation de la marque. Simba Toys a soutenu que Rubik's Cube ne pouvait pas être protégé à titre de marque parce que la forme et sa capacité de rotation était nécessaire pour obtenir un résultat technique et, par conséquent, ne pouvait être protégée que comme un brevet et non comme une marque. L'EUIPO a rejeté la demande et Simba Toys a fait appel devant le Tribunal de l'Union Européenne visant à obtenir l'annulation de la décision de l’office des marque européen.

En novembre 2014, le Tribunal a rejeté l'action menée par Simba Toys, estimant que les lignes noires (ou la structure de grille qui faisait partie de la forme) n'indiquaient aucune capacité de rotation car cette dernière résultait d'un mécanisme interne invisible. Par conséquent, le Tribunal a jugé que le Rubik’s Cube ne remplissait aucune fonction technique et ne pouvait être refusé en tant que marque de commerce en 3D.

Toutefois, en appel, la CJUE considère à présent que l'EUIPO et le Tribunal auraient dû prendre en compte les éléments fonctionnels non visibles, tels que la capacité de rotation, pour déterminer si la forme du Rubik's Cube devait être exclue de la protection des marques, sa forme étant nécessaire à l’obtention du résultat technique.

Il est important de souligner que, contrairement aux suggestions des médias du monde entier, la décision de la CJUE n'a pas encore abouti à l'annulation de la marque tridimensionnelle protégeant le Rubik's Cube. L’arrêt de la CJUE a uniquement annulé l'arrêt du Tribunal ainsi que la décision de l’EUIPO qui validaient l’enregistrement de la forme à titre de marque tridimensionnelle de l’UE. Ainsi, l’EUIPO devra prendre une nouvelle décision sur la validité de cette marqueen tenant compte des conclusions de la CJUE.