Dans le deuxième de nos trois LawFlashes relatifs à la réforme du droit des contrats, nous examinerons les procédés interrogatoires et les cessions de créance, de dette et de contrats.

L’Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations est applicable aux contrats conclus postérieurement au 1 octobre 2016.

Il est cependant prévu une exception pour les dispositions relatives aux procédés interrogatoires qui, elles, sont applicables depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance, soit depuis le 10 août 2016.

Après avoir abordé la question de l’inexécution contractuelle (Lawflash n° 1/3), ce Lawflash décrit succinctement d’autres nouveautés de la réforme : les procédés interrogatoires et les cessions de créance, de dette et de contrats.

Procédés interrogatoires (articles 1123, 1158 et 1183 nouveaux du Code)

Le procédé interrogatoire consiste à mettre en demeure une personne de déclarer si elle entend user d’un droit (sous peine de déchéance) afin de lever un doute chez le bénéficiaire du procédé et sécuriser le contrat.

Les nouveaux articles 1123, 1158 et 1183 du Code civil introduisent le procédé interrogatoire dans le Code pour trois situations différentes:

a) Lorsqu’un tiers veut savoir si un pacte de préférence existe et si le bénéficiaire a l’intention de s’en prévaloir (article 1123 nouveau);

b) Lorsqu’une partie doute de l’étendue du pouvoir du mandataire pour un acte qu’il s’apprête à signer et souhaite que le mandant confirme le pouvoir de représentation (article 1158 nouveau);

c) Lorsqu’une partie à un contrat atteint d’une cause de nullité relative qui a cessé veut savoir si le titulaire du droit d’agir en nullité veut l’exercer ou au contraire confirmer le contrat (article 1183 nouveau).

La demande doit être présentée par écrit par le bénéficiaire du procédé, fixer un délai raisonnable pour répondre et mentionner la conséquence de l’absence de réponse. En matière d’action en nullité, le délai est fixé par le texte à six mois.

Le défaut de réponse de la personne interrogée a des conséquences directes: perte pour le bénéficiaire du droit de préférence de solliciter la substitution ou la nullité du contrat passé en fraude de ses droits (pour le point a ci-dessus), habilitation du mandataire pour conclure l’acte (pour le point b ci-dessus), confirmation du contrat en l’absence d’action en nullité (pour le point c ci-dessus).

L’intérêt de recourir à ces procédés doit être soigneusement étudié car il peut être plus avantageux, par exemple en matière de nullité, de ne pas prendre le risque de dévoiler une nullité que son cocontractant n’aurait pas vue.

Cession de créance (articles 1321 à 1326 nouveaux du Code civil)

L’article 1321 nouveau définit de la cession de créance comme « un contrat par lequel le créancier cédant transmet, à titre onéreux ou gratuit, tout ou partie de sa créance contre le débiteur cédé à un tiers appelé le cessionnaire ». Le régime applicable à la cession de créance reste globalement inchangé, sauf sur quelques points.

Ainsi, la cession doit être constatée par écrit (sous peine de nullité) et est opposable (i) au débiteur, à compter de sa notification ou de la prise d’acte par ledit débiteur, (ii) aux tiers, à la date de l’écrit. Il n’est donc plus nécessaire de procéder à la signification de l’article 1690 du Code civil, qui contraignait le cessionnaire à signifier la cession au débiteur, pour que celle-ci soit opposable aux tiers.

A noter que le concours entre cessionnaires successifs se résout désormais au profit du premier en date, qui dispose d’un recours contre un cessionnaire qui aurait reçu indûment paiement.

Les dispositions relatives à l’opposabilité des exceptions et à la garantie attachée à la cession de créance n’ont subi que des changements minimes.

Cession de dette (article 1327 à 1328-1 nouveaux du Code civil)

La cession de dette est une nouveauté juridique instaurée par l’Ordonnance.

Elle permet à un débiteur de se libérer d’une dette en proposant à son créancier un autre débiteur, tout en respectant les droits du créancier.

La cession ne peut intervenir qu’avec l’accord du créancier, corollaire de l’importance évidente de la personne du débiteur pour le créancier. Le créancier cédé, s’il avait donné son accord à l’avance ou s’il n’est pas intervenu à la cession, ne peut s’en prévaloir que du jour où la cession lui a été notifiée ou auquel il en a pris acte.

L’effet libératoire de la cession exige un consentement du créancier. La libération du débiteur, pour l’avenir, a lieu seulement si le créancier consent expressément à cette libération. A défaut, le débiteur cédant reste engagé solidairement avec le débiteur cessionnaire.

Les exceptions au créancier sont opposables par le débiteur substitué et, le cas échéant, le débiteur originaire. L’article 1328 nouveau distingue les exceptions inhérentes à la dette que tous deux peuvent opposer et les exceptions personnelles qui sont propres à chaque débiteur.

La cession de contrat (articles 1216 à 1216-3 nouveaux du Code civil)

Les nouveaux articles 1216 à 1216-3 du Code civil instaurent un régime général de la cession de contrat qui n’était jusqu’à présent qu’une pratique jurisprudentielle, reconnue par la loi dans certains cas uniquement (baux commerciaux, contrats de travail par exemple).

La cession de contrat est un mécanisme juridique qui permet de remplacer une partie au contrat en conservant le lien de droit antérieur.

La cession peut se faire sous deux conditions:

  • Elle doit nécessairement être constatée par écrit, sous peine de nullité absolue.
  • Le cocontractant cédé doit nécessairement donner son accord. Cet accord peut être donné au moment de la réalisation de l’opération ou par anticipation, auquel cas la cession ne prendra effet que lorsqu’elle aura été notifiée au cédé ou que ce dernier en aura pris acte. La notification de la cession n’a pas besoin de répondre aux exigences de l’article 1690 du Code civil (signification par voie d’huissier).

Le cédant n’est libéré de ses obligations pour le futur que si le cédé y consent expressément. Si aucune clause ne le prévoit, le cédant est alors tenu solidairement des obligations du cessionnaire.

Le cessionnaire peut opposer au cédé les exceptions inhérentes à la dette ainsi que les exceptions qui lui sont personnelles. Le cédé peut, quant à lui, opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu’il aurait pu opposer au cédant.